Anthony Doerr décrochant le prix Pulitzer 2015 en s'attaquant à l'inépuisable épisode de la seconde guerre mondiale, voilà qui semble appétissant. Pour donner une mesure poétique et lyrique à son oeuvre, l'auteur conte les destins de deux adolescents, une jeune aveugle parisienne qui fuira à saint Malo pendant l'Exode de 1940, et un jeune allemand des bassins houillers, orphelin et génie de l'ingénierie radiophonique, qui finira par servir dans l'armée nazie. Deux destins sans rapport donc.
Anthony Doerr tentera tant bien que mal de tisser un lien entre ces deux lignes de vie, par deux rapports différents. Celui de la passion pour la radio d'abord, outils de propagande, outils de résistance mais surtout outils de diffusion du savoir ; et celui d'une course au trésor, la recherche d'un diamant inestimable ! L'histoire démarre par la fin, les protagonistes se retrouvant sous les bombes pendant le siège malouin de l'été 44. Puis, l'auteur revient en alternant dans le passé, par flashbacks, en évoquant les jeunes années des deux héros, de 1935 à 1944. le mode opératoire est original, les chapitres sont courts, voire succincts, une ou deux pages, et se succèdent à un rythme effréné.
Très vite, le rapport entre les protagonistes s'avère mensonger, leurs destins ne sont pas liés et ne le seront jamais, seuls subsistent ces quelques jours en commun au cours du siège de saint Malo. Ensuite, les histoires respectives sont alambiquées et sombrent rapidement, l'une comme l'autre, dans un mélo sirupeux, au point d'en devenir nauséeux. Comment transformer des gens ordinaires en personnages stéréotypés à outrance. On saute d'une page à l'autre d'un Oliver Twist du génie civil à la petite fille aux allumettes des faubourgs malouins. Les méchants ici sont gras, sentent mauvais, ont les mains crochus et le teint pâle, ils sortent directement d'un conte des
Frères Grimm. En bref, dans la grande histoire de la deuxième guerre mondiale, il n'y a qu'ombre ou lumière…mais aucune zone de gris…
S'il n'y avait que ça, nous évoquerions ce livre comme un énième roman bâclé et sans intérêt de la guerre de 39-45. Mais
Anthony Doerr n'a pas touché le fond à ce moment-là, il creuse encore. Sur 700 pages, seules 200 à 300 auraient été nécessaires pour conclure. Mais pour faire de ce roman un chef d'oeuvre, pour en faire une fresque d'une beauté envoûtante, il faut y ajouter un soupçon de poésie. L'auteur en aura ajouté par bassines pleines, au pont de rendre les chapitres illisibles. Si pour vous, un vol de mouette évoque des colliers de perles, si une succession de fenêtres vous évoquent une bibliothèque, et les maisons des rayonnages de volume, alors vous avez trouvé votre Graal. Il s'agit vraisemblablement d'un recueil de métaphores, quitte à en occulter l'intrigue principale. En Bref, un chef d'oeuvre ennuyeux à mourir. Ennuyeux au point de faire appel à
Jules Verne et son « 20 000 lieues sous les mers » pour le soutenir en l'évoquant et en le citant à chaque chapitre. Quel tour de force quand même, il rend même le Capitaine Nemo et le docteur Annonax ennuyeux….chapeau !
Et pourtant, je le savais bien que la mention « Prix Pulitzer » ne préjugeait de rien !