Citations sur Six pieds sur terre (37)
L’énergie que ça demande de vivre,
quand tout de soi veut s’arrêter,
les gens comprennent à présent.
On fait ce qu'on peut, avec ce qu'on a. C'est ça la vérité. La seule chose à comprendre.
Pour le deviner il faut s'être tenu à la frontière de soi. Cet endroit des limites solides, celles auxquelles on se heurte un jour, malgré toute la bonne volonté, tout le courage. On découvre l'évidence : cette vie n'est facile pour personne et elle nous doit rien. Tout en est l'écrin, on ne peut pas faire le tri. On habite, seul, nos douleurs autant que nos possibles.
Le malaise de Jérémy est du crépi, ceux qui s'y frottent s'y arrachent d'infimes particules, des miettes d'âme, il s'inflige à eux par un crachin discret, involontaire mais bien réel
Ce soir-là, quand tu as décidé de partir, c'est ce vide immense que tu m'as jeté au visage. Tout ce qu'on n'a jamais su être l'un pour l'autre, ce qu'on a jamais été.
C’est pas si difficile, mourir. Oui, c’est vivre qui réclame un effort. S’accrocher, faire bonne figure, mentir aux autres, se tenir là, au milieu d’eux, droit et le souffle clair, sans suffocation, sans soupir. Sans donner l’impression de trouver ça pesant, les sourires vides qu’il faut redessiner sans cesse, tous ces masques à lustrer pour qu’ils soient beaux et brillants.
Une infirmière, encore. Elle lui donne deux comprimés. Il avale ces bouts de nuit (...).
Tandis que le train ralentit à l'approche d'une nouvelle station, les gestes sont impatients. Et déjà les anonymes se pressent contre les portes pour en actionner frénétiquement la poignée. Jérémy se lève, bouscule une fille qui ne réagit pas. Les corps se positionnent, c'est à celui qui sera le premier à sortir. On passe notre temps à chercher à s'enfuir. Toutes les portes qui se dressent devant nous ne sont que des issues de secours.
Il en avait parlé avec des psys, là encore rien n'était venu que des paroles creuses, des mots réconfortants dénués d'effets sur la durée. On lui avait répété qu'il faudrait du temps, que la dépression était difficile à appréhender. Il le sait. Il l'a compris très vite. Qu'elle naît tout au fond, à un endroit de soi où les pensées et la chair sont liées, à ce point de fusion qui n'obéit à rien de tangible. Ni à la volonté ni au plaisir.
(p. 120)
Quand sa fille [de 5 ans] et elle se sont retrouvées toutes les deux dans son ancienne chambre d'ado, elle a fini par lâcher :
- Tu sais, papi et mamie peuvent raconter des choses des fois... Mais c'est moi ta maman. C'est moi qui décide ce qui est bon pour toi.
Camille n'a rien répondu. Ce sont les frontières de son monde. Sa mère, dans tout le champ de vision. Tout l'horizon.
(p. 27)
Tout ce temps près de sa mère, à l'aimer, à courir vers elle, à la célébrer, il n'avait fait que bâtir ce manque qu'il ressent à présent, le seul endroit possible à habiter.
(p. 48)