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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Ce roman est une fresque remarquable de l'Europe et de la Russie du XIX ème siècle, prémonitoire des dénouements géopolitiques qui ont suivi.
Les personnages sont si pittoresques au sens étymologique du terme et ce texte traite de tant de grands sujets parallèlement que la lecture des Démons est l'une des plus passionnantes de la littérature.
Il s'inscrit au décours d'un crime survenu en 1860 en Russie où a eu lieu l'un des premiers assassinats politiques (L'étudiant Ivanov fut assassiné par une petite société de conjuration menée par Netchaïev.). Plus qu'une fiction, ce roman véritablement prophétique annonce la révolution de 1917.
La raison pour laquelle les philosophes se sont intéressés à l'oeuvre de Dostoïevski est évidente: en plus d'écrire de grands romans, ses textes mettent en jeu des concepts philosophiques et religieux fondamentaux avec un brio incomparable. (Il est intéressant sur ce sujet de Lire Camus : le Mythe de Sisyphe où l'on disserte de l'absurde et du suicide avec le personnage de Kirilov, Les Possédés qui est la transposition de cette oeuvre en pièce de théâtre et Les Justes. )
Entre autres sont traitées les questions de l'Absurde et du suicide, du bien et du mal, de la croyance et de l'athéisme, de la Russie rouge et de la Russie blanche, des sociétés de conjuration, de l'Amour dans sa plus belle expression et par dessus tout, comme souvent chez Dostoïevski, du repentir et du châtiment. le nihilisme bien sûr habite le roman,ayant terrifié Dostoïevski toute sa vie.
Le rythme du roman, bien qu'il soit lent à s'engager (comme à son habitude, l'auteur décrit très précisément les différents protagonistes en commençant par une phrase du genre "je ne peux pas surseoir au portrait de tel personnage) mais passé ces présentations, la cadence des événements est élevée (plus que dans Les Frères Karamazov à mon sens).

Les personnages sont véritablement fascinants dans leur justesse : des plus vils, manipulateurs, lâches et dangereux aux plus élevés. C'est là une fresque sociale très réaliste dont la justesse est criante. Certains passages relèvent de la plus grande comédie et d'autres, sont ancrés dans la tragédie la plus sombre.
La rédaction de l'auteur est quasi-théâtrale avec des pseudo-didascalies au sein de chaque dialogue. Ce choix confère aux Démons un dynamisme rarement représenté dans ce genre de roman.


Camus déclare :

"L'ébranlement que j'en ai reçu dure encore, après vingt autres années"

Voir à ce sujet cette entrevue : https://youtu.be/6¤££¤29L'étudiant Ivanov24¤££¤ avec Camus lui-même.

Pour finir j'ajouterai que Les Démons est aussi passionannt d'un point de vue de la sémiologie neurologique et psychiatrique : le trouble schizophréniforme de Stravoguine est excellemment bien décrit au début du roman. D'autre part, Dostoïevski lui-même épileptique décrit avec précision la sensation précédent une crise, cette impression de totalité et de révélation si parfaite qu'elle est insoutenable.

Bouleversant à tous les niveaux.
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Un grand choc lors de la 1ère lecture car ce roman russe était très éloigné de la trame de nos romans français classiques. Il faut accepter d'avancer très lentement avec un cadre étrange et une liste de personnages impressionnante. Les noms en eux-mêmes sont un voyage. Peu à peu le cerveau crée des associations pour se repérer avec ces combinaisons de voyelles et de consonnes auquel il n'est pas habitué. On crée des surnoms pour désigner les protagonistes.

L'intrigue est moins importante que les relations qui lient ces derniers. L'action tourne autour de Stavroguine, personnage fascinant tous les autres protagonistes, qui sont de jeunes révolutionnaires et des complots ourdis et tenus en échec pour faire tomber l'ordre établi.
C'est clairement un roman à thèse mais ce ne sont pas les tourments politiques et idéologiques qui me sont restés mais les interactions et échanges passionnés et démesurés. Ceux-ci, parfois irréalistes, nous font assister dans le monde réel à des scènes qui ne devraient être que du domaine du fantasme ou de dialogues imaginaires que les personnages pourraient se tenir à eux-mêmes pour préparer leurs arguments.

J'ai choisi de lire ce roman comme étant une grande prise de liberté de l'auteur avec la vraisemblance pour permettre à chacun de s'exprimer comme il le souhaitait pour un dialogue sans fard ni convention sur des thèmes idéologiques. L'histoire m'a clairement moins passionnée que les passions humaines exacerbées. J'ai aussi voulu lire cela comme l‘expression de ce qu'on désignait comme l'âme russe, peut-être à tort, je n'ai jamais voyagé en Russie, et via ce roman, j'ai eu l'image purement littéraire (à travers les textes) d'un peuple passionné, sans barrière et fougueux.
Plus la lecture progresse, plus on se dit que les personnages sont fous, véritablement possédés même si apparemment la première traduction du titre n'était pas la bonne (à présent on le traduit avec « les démons ») à exposer ainsi leur âme et sentiments les plus intimes à la vue de tous. Il est véritablement question d'envoutement, de fascination et de la nécessité de perdre pied et de quitter un univers rationnel, un paradigme raisonnable pour s'affirmer et survivre dans cet environnement fantasque. Ce monde en est fascinant et déborde des pages.

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J'ai fini Les Démons et me voilà bien embêtée.
C'est un livre qui entre pleinement dans la catégorie « tout le monde devrait le lire ». Évidemment, ça n'arrivera jamais. Mais en plus, parmi ceux qui le feront, les deux tiers abandonneront sans doute avant la quatre-centième page. J'ai des statistiques très fiables à ce sujet : les précédents propriétaires de cet ouvrage acheté d'occasion ont laissé des marques pages bien avant ça et ne sont donc visiblement pas allés au bout. Je ne leur jetterai pas la pierre : la première partie est la moins intéressante, juste ce qu'il faut pour camper un décor, et il faut persister pour pouvoir apprécier pleinement l'oeuvre. Et je suis sûre que ceux qui s'accrochent ne le regrettent pas.
Quoi qu'ancrée dans l'époque de Dostoïevski, Les Démons restent une oeuvre intemporelle. On nous décrit ici les déboires d'une société où les puissants méprisent les pauvres tout en s'égarant eux-mêmes dans les futilités les plus absconses. Et ce ne sont pas les quelques proto-socialistes tous issus de milieux nobles ou bourgeois qui relèvent le niveau. C'est bien simple, et le titre l'annonçait bien : aucun des personnages n'est autre chose qu'odieux. Les moins affreux ne sont que lâches et chouineurs, et les pires sont des criminels pervers.
Si le roman ne manque pas de crimes, de mépris et de décadence, on peut être plus surpris par des passages vraiment plein d'humour. Drôle n'est peut-être pas le premier mot qui vient en tête quand on évoque Dostoïevski, et pourtant il ne manquait absolument pas d'humour.
Ne mentons à personne : oui, c'est une lecture ardue, par sa longueur, mais aussi du fait du nombre de personnages conséquent. En outre, si on ne maîtrise pas les constructions patronymiques russes, l'affaire devient compliquée : il faut savoir que Nicolaï, Vsévolodovitch et Stravoguine sont la même personne, qu'on le nomme Nicolaï, Vsévolodovitch, Stravoguine, Nicolaï Vsévolodovitch, Nicolaï Stravoguine, Nicolaï Vsévolodovitch Stravogine ou le fils de la Générale qui n'est pas Générale mais veuve de Général et qui se nomme elle-même Varvara Petrovna, ce qui n'a rien à voir et donc n'aide pas. Et forcément, si on multiplie tout ça par le nombre de personnages, il y a de quoi s'égarer. Mais c'est un exercice mental auquel on s'habitue et la construction de la psychologie des personnages dont Dostoïevski est un très grand maître limite énormément les risques de confondre les uns avec les autres. En outre, que les réfractaires aux longues descriptions telles qu'en produisaient chez nous Balzac ou Zola soient rassurés : ça n'est absolument pas le genre de Dostoïevski. Lui s'attache aux personnages, à leur psychologie, à leurs pensées, à leur façon d'interagir les uns avec les autres, mais il se fiche bien du bouquet de fleurs posé sur la table ou de la forme exacte de la toiture de la maison. Pour le décor proprement dit, votre imagination suffira amplement.

Si vous n'avez jamais lu de roman de Dostoïevski, je déconseillerais de commencer par Les Démons : Crimes et Châtiments est infiniment plus abordable. Mais si vous avez déjà un peu d'expérience avec le grand auteur, ne vous laissez pas impressionner, faites preuve d'un peu de patience et je vous promets qu'à la fin, vous regretterez que ce soit déjà fini. Mais si vous n'y arrivez pas, ça n'est pas non plus un drame, au moins, vous aurez essayé.

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Une lecture un peu ardue, mais récompensée par les emportements de Stavroguine, une plongée dans les affres politiques du XIXe siècles, le radicalisme, l'extrémisme, mais surtout, on explore les recoins les plus obscurs de l'âme, s'inquiétant d'y sombrer à son tour. Dostoievski saisit quelque chose au-delà des mots, loin de la logique, du rationalisme. Grâce à lui, on se met à comprendre l'incompréhensible.
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Dostoïevski a fréquenté des cercles révolutionnaires durant sa jeunesse afin de lutter contre l'absolutisme du tsar Nicolas 1er. Il connait très bien de l'intérieur les milieux révolutionnaires et les dérives de ces hommes prêts à tout pour conquérir le pouvoir. C'est la raison pour laquelle, il s'était éloigné des tendances les plus dures et a commencé à émettre des critiques à leur égard. En 1871, Dostoïevski publie « les démons » inspiré de l'assassinat d'un membre d'un groupe révolutionnaire par ses camarades de lutte.
Mais « les démons » ce n'est pas que l'histoire de cet assassinat odieux, c'est l'histoire d'hommes et de femmes, aristocrates et ouvriers, riches et pauvres qui ont chacun d'eux à lutter avec leurs propres démons. C'est l'histoire de la folie des hommes qui semble contaminer tous les personnages un à un et qui plonge le lecteur dans un univers hypnotique entre cauchemar et réalité et qui nous emmène au plus profond de l'âme humaine.
On suit le quotidien de nombreux personnages, et bien qu'il faille s'habituer à ce que ceux-ci ont différents noms au fil du roman, l'histoire se lit assez facilement, le style est concis et le rythme s'accélère au fur et à mesure que l'on s'approche du dénouement ce qui rend le roman passionnant.
Critique politique, sociale, romantique, religieuse, « les démons » est le regard posé sur cette Russie prérévolutionnaire par un auteur inspiré qui nous livre une oeuvre majestueuse. du grand art !
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Je ne sais pas si c'est le génie ou la complexité de ce roman qui m'a valu une année de lecture pour arriver jusqu'au bout, avec plusieurs pauses et plusieurs reprises! Dès les premières pages, la présentation dont l'auteur fait de son personnage principal nous promet qu'on aura affaire à une espèce d'héros purement antipathique, mais c'est au fur et à mesure qu'en avançant dans la lecture, qu'on comprend que toutes les faiblesses de ce personnage sont le fruit d'un monde totalement corrompu...
Un roman étourdissant! Ca vacille un peu partout, ça tangue dans tous les personnages, dans toutes les familles, on se perd bien souvent dans tous ces flux de situations. Les possédés, c'est l'image d'une Russie cisaillée, segmentée, morcelée tant sur le plan idéologique que su le plan politique, où les dessous présagent déjà l'éclatement de la révolution. Un livre qui se lit avec beaucoup d'attention! Véritable chef-d'œuvre du XIXe Siècle, on sort de là avec une tête engorgée, trop de philosophies, de croyances, de doctrines, on assiste à une confrontation des intelligences!
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La lecture d'un roman aussi puissant que Les Démons, invite à la modestie si l'on prétend en dire quelque chose de pertinent, lorsque l'on n'est pas un spécialiste de Dostoïevski, mais un simple lecteur. Qu'est-ce qui me frappe dans ce roman ? Les lecteurs peuvent, en effet, éprouver des impressions différentes.

Des critiques de haute volée, des spécialistes érudits, dont je ne suis pas, ont donné des analyses pénétrantes sur la filiation politique, intellectuelle, philosophique de ce roman, dans le climat qui régnait alors dans l'empire russe du début du 19ème siècle, aux années 60 - 70 du même.

Je me permets de renvoyer les Babéliens à un excellent article paru dans la revue russe, année 1999, de Michel Niqueux, intitulé La généalogie des Démons. Introduction au roman de Dostoïevski.

Face à des romans de cette ampleur, j'effectue toujours quelques recherches complémentaires me permettant de combler mon ignorance des contextes, de la vie et du parcours de l'auteur, etc. L'article de M. Niqueux que vous trouverez sur Internet, est remarquable à cet égard. Mais il y en a d'autres…

Malgré tout, ce que j'ai retenu de ma lecture, ce sont des personnages nombreux interagissant par un incessant dialogue, dans une société hallucinée, bruyante, tragique, dominée par une figure centrale démoniaque, et qui est traversée par les questions aussi fondamentales que celles de l'existence de Dieu, de la figure du Christ, de l'athéisme, du nihilisme, de la vision de l'avenir de la Russie.

J'avais été étonné par le foisonnement des personnages du roman Les Frères Karamazov et leurs interactions à partir de dialogues nombreux, nourris, réalistes. C'est le cas dans Les Démons. le caractère des personnages se dévoile moins par une description psychologique, que par les échanges qu'ils ont les uns avec les autres et qui révèlent leur nature, leurs désirs profonds, leur système de croyances, leur vision du monde et de la société russe.

Dostoïevski laisse vivre et évoluer ses personnages, comme si le marionnettiste avait laissé tomber ses fils en insufflant, par la magie, à ses marionnettes, une existence autonome, un libre-arbitre, les rendant indépendants de leur créateur. Dostoïevski est l'un des plus grands maîtres du dialogue en littérature.

C'est par les dialogues que les personnages se révèlent comme hallucinés, hystériques, outranciers dans leurs passions. le lecteur éprouve une sensation bizarre face à ces hommes et ces femmes qui vivent dans le plus grand désordre psychologique et qui créent une atmosphère particulièrement bruyante et stressante. On croit les entendre crier tout le temps, s'agiter en tout sens. de vrais possédés !

Au milieu de ce tourbillon bruyant, domine un aristocrate absolument démoniaque, Nicolaï Stavroguine. Il fascine toute cette société qui s'agite autour de lui. Et, comme les insectes qu'attire la lumière, les hommes, les femmes subissent sa séduction ou sa puissance, ou, pour leur désespoir, son indifférence. C'est un astre sombre, admiré, haï, craint tout à la fois. Même sa mère, la tyrannique Varvara Pétrovna, ne l'aborde qu'avec prudence et lui passe tout.

Son principal admirateur, Piotr Stépanovitch, rêve de lui en nouveau tsar de Russie. Stavroguine est son idole, son dieu ; son désir d'un chaos duquel émergerait la Russie des élites dominant un peuple arriéré qui se soumettrait facilement à la discipline, il ne l'imagine qu'à travers Stavroguine, que pour Stavroguine.

Mais ce dernier, bien qu'il laisse Piotr Verkhovenski, s'affairer autour de lui, établir des plans sur la comète pour son compte, provoquer des meurtres « politiques » pour lui, (celui de Chatov en particulier), se montrera indifférent à l'utopie de son ami qu'il humilie en permanence d'une aristocratique condescendance.

Stavroguine, en réalité, s'ennuie. Pour tuer son ennui, il commet toute sorte d'affreusetés, jusqu'à séduire et violer une petite fille de 12 ans qui se pendra, jusqu'à laisser faire les assassins de sa femme, une pauvre fille un peu dérangée, un peu infirme qu'il a épousée par jeu, par défi, du temps de ses débauches avec ses camarades à Saint-Pétersbourg.

Jusqu'à enlever avec son consentement Lisa, pourtant fiancée à Nicolaï Mavriki, jusqu'à la laisser s'enfuir sur les lieux de l'assassinat de Marie Timoféïévna Lébiadkine, sa femme, pour y trouver la mort, lynchée par la population.

Jusqu'à séduire la femme de l'étudiant Chatov qui reviendra à son mari pour mettre au monde l'enfant de Stavroguine et mourir avec son bébé, dans le soupçon du malheur survenu à ce mari qu'elle avait quitté pour le démon.

Et bien d'autres ignominies encore…

On croit qu'il est fou. Son comportement irrationnel, fantasque, désinvolte, pourrait le laisser penser ; mais dans sa confession au moine Tikhône, il démontre qu'il n'est pas fou et qu'il possède toute sa raison ; il veut que le monde entier connaisse ses crimes ! Car il ne peut plus supporter les « démons » de la culpabilité qui l'assaillent, qui submergent son être entier d'hallucinations, de fantômes.

Si seulement ces démons pouvaient s'enfuir dans un troupeau de pourceaux et se jeter du haut d'une falaise, il serait délivré comme le possédé du Christ. Ne recherchait-il pas la rédemption par la plus dure des expiations, celle d'une confession publique de ses crimes, et par là-même d'un opprobre public ? Tikhône ne l'a pas convaincu d'une rédemption possible, d'une rencontre avec l'Agneau.

Varvara Pétrovna trouvera son fils pendu comme la petite fille de 12 ans qu'il avait outragée, retrouvant dans la mort les autres victimes qu'il avait subjuguées de leur vivant, sa femme, son beau frère, Chatov, la femme de Chatov, Lisa, son précepteur, etc., etc. Roman véritablement tragique...

Dostoïevski, nous fait connaître aussi les courants de pensée et les controverses intellectuelles, qui ont agité la Russie à une époque de récente abolition du servage par le tsar Alexandre II en 1861. le courant libéral, les idées socialistes révolutionnaires, le rejet de Dieu, l'athéisme, voire le nihilisme ; mais aussi les idées résolument anti-occidentales, celles des slavophiles qui ne sont pas allés faire leurs armes intellectuelles à l'étranger et qui sont amoureux de leur Russie qu'insultent chaque jour des écrivains médiocres et vaniteux comme Karmazinov, le désir de spiritualité, le désir de Dieu…

Tout cela correspond sans doute aux propres expériences, au propre cheminement de l'auteur, à ses revirements idéologiques, et se trouve ainsi porté par les personnages des Démons, de façon plus ou moins intense.

Par exemple, Stépan Trophimovitch Verkhovensky, intellectuel, ancien professeur, libéral et idéaliste, ami intime de Varvara Pétrovna, s'éteindra dans une sorte de délire mystique, non sans s'être avoués, lui et Varvara, un amour réciproque, tu durant les 20 années de leur amitié tumultueuse.

C'est une figure étonnante, d'ailleurs, que ce S.T.V, car il est en quelque sorte le père des démons, comme le rappelle Michel Niqueux. L'impressionisme du roman ne le rend pas évident, mais en effet, Stépan Trophimovitch Verkhovensky est le père biologique de Piotr, l'assassin révolutionnaire, le père spirituel de Stavroguine et de Lisa qu'il a formés, en tant que précepteur. Les Démons ? un conflit filial en quelque sorte...

Ces démons autant que la tyrannie apparente de Varvara font son désespoir. Il partira donc sur la route, seul et délirant, jusqu'à ce que Varvara Pétrovna le récupère mourant dans une isba.

Kirilov , quant à lui, se suicidera sans grandeur pour prouver l'inexistence de Dieu, et se croire dieu par son acte, confirmant, en définitive, le destin de tous les nihilistes, c'est-à-dire, la folie (ainsi Nietzsche) ou le suicide.

Enfin, il y a Piotr Stépanovitch, socialiste révolutionnaire, fuyard abandonnant ses complices à la police, après son échec avec Stavroguine, et dont les idées, les déclarations, le cynisme semblent autant de signes inquiétants et prophétiques du futur de la Russie.

En effet, les convulsions qui affecteront l'empire durant toute cette période, malgré l'abolition du servage, conduiront, bien plus tard, à la substitution de l'oppression du Mir par celle du Kholkose pendant 70 ans, jusqu'à l'avènement de Gorbatchev, sans doute suscité par Dieu, comme on le voit dans certains récits bibliques.
Un grand prophète que Dostoïevski.
Pat.


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1871. L'éditeur des "Démons", également connu sous son titre des "Possédés" refuse de publier le chapitre IX de la deuxième partie.
1886, France. Eugène-Melchior de Vogüé suggère, dans son ouvrage le Roman Russe que le titre "Les Démons " serait "trop obscur".
Aujourd'hui encore, le chapitre IX de la deuxième partie est mis ( lorsqu'il est mis ! ) sous un faux titre.
Quand est-ce que nous cesserons de vouloir amender cette oeuvre d'art, pour la considérer dans sa totalité ? Quand est-ce que nous cesserons de l'amputer ?
Ce qui suit est déjà connu :
"Les Démons sont sans doute l'un des livres les plus réussis que je connaisse. L'intrigue, complexe et fouillée, la réflexion que constitue ce roman extraordinaire, les personnages étranges, sombres et mystérieux, , font de cette oeuvre un roman unique en son genre. C'est à la fois une belle oeuvre d'art et une magnifique oeuvre de fond. Dans Les Démons, Dostoïevski nous livre une magistrale réflexion et un livre magnifiquement composé, qui reprend les procédés du roman feuilleton. C'est une formidable méditation sur Dieu, la violence, le suicide, les dogmes qui piègent ( tel le communisme, dans le roman ) et qui mènent au pire. Je ne connais qu'un seul auteur, qui ait fait des oeuvres qui se rapprochent par leur style, par leur manière, par leurs personnages, par leurs intrigues, de Dostoïevski : c'est Shakespeare. Avec ces personnages complexes et sombres, ces intrigues fouillées, il n'y a que Shakespeare pour ressembler à cet auteur ; encore Dostoïevski dépasse-t-il Shakespeare ! L'on me dira peut-être que l'un était dramaturge et l'autre romancier ; ils ne peuvent donc pas, me dira-t-on , se ressembler tant. Mais il y a quelque chose de scénique dans Les Démons, et ce n'est pas un hasard, si Camus en a tiré une pièce. La forme et le fond sont d'une perfection sans bornes. Une grande oeuvre."
Cer45Rt, Critique des Démons.
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Les Démons sont sans doute l'un des livres les plus réussis que je connaisse. L'intrigue, complexe et fouillée, la réflexion que constitue ce roman extraordinaire, les personnages étranges, sombres et mystérieux, font de cette oeuvre un roman unique en son genre. C'est à la fois une belle oeuvre d'art et une magnifique oeuvre de fond. Dans Les démons, Dostoïevski nous livre une magistrale réflexion et un livre magnifiquement composé, qui reprend les procédés du roman-feuilleton. C'est une formidable méditation sur Dieu, la violence, le suicide, les dogmes qui piègent ( tels le communisme, dans le roman ) et qui mènent au pire. Je ne connais qu'un seul auteur, qui ait fait des oeuvres qui se rapprochent, par leur style, par leur manière, par leurs personnages, par leurs intrigues, de Dostoïevski : c'est Shakespeare. Avec ces personnages complexes et sombres, ces intrigues fouillées, il n'y a que Shakespeare, pour ressembler à cet auteur ; encore Dostoïevski dépasse-t-il Shakespeare ! L'on me dira peut-être que l'un était dramaturge et l'autre romancier ; ils ne peuvent dont pas, me dira-t-on, se ressembler tant. Mais il y a quelque chose de scénique dans Les Démons, et ce n'est pas un hasard, si Camus en a tiré une pièce. La forme et le fond sont d'une perfection sans bornes. Une grande oeuvre.
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Oeuvre phare de la période sombre et prolifique de l'écrivain, les Démons est un livre pamphlétaire, un brulot antirévolutionnaire ou son auteur se désolidarise de la pensée néo-libérale qui s'abat sur la Russie de l'époque. Pour l'auteur, rien de bon dans ce libéralisme fachisant et dangereux, ce libéralisme totalitaire qui s'apparente plus à un rouleau compresseur, à une marche inéluctable et fatale à laquelle ceux qui n'adhèrent pas doivent mourir. Pas de compromis pour ces révolutionnaires en herbe qui gagneront leur crédibilité par le sang d'un des leurs. Pas de pitié pour cette bande d'étudiants bourgeois possédés tel le troupeau de moutons de l'épigraphe tiré astucieusement de l'Evangile selon Saint-Luc. C'est avec une plume des plus sanguinaires que Dostoïevski va tout bonnement massacrer ces jeunes loups…
Le livre, contrairement à ce que certaines critiques affirment, peut-être par devoir de trouver quelque choses à redire, est plutôt bien structuré et s'articule en deux grandes parties auxquelles vient s'ajouter un sombre et terrifiant Chapitre : la Confession de Stavroguine.
Comme souvent chez Dostoïevski, c'est à partir d'un fait divers dans un village, que l'on extrapole la vision du monde et que l'on développe une pensée quasi mystique et purement visionnaire. Visionnaire par la description d'un mécanisme historique contemporain à l'auteur mais que l'on retrouve en fait lors de chacune des révolutions. Comme une démonstration mathématique…
Dans un premier temps, on nous présente dans un genre pathétique une société Russe "bourgeois-bohème", ouvert aux idées libérales venues d'Europe. Une société frivole, qui se veut cultivée et bien-pensante mais qui ouvre en fait sa porte au Diable par la déstructuration progressive de la famille, la perte des valeurs, le goût pour le scandale, le mépris de Dieu, la paresse intellectuelle et l'orgueil moral… Tout ceci nous est représenté à travers une galerie de personnages bouffons et vaniteux, persuadés de posséder un talent critique, une intelligence artistique supérieure et de comprendre la société emmuré dans des salons et des réunions pseudo-intellectuelles. Ces personnages, sans honneur, sans dignité mais fort de la velléité de refaire le monde du haut de leur médiocre fonctionnariat sont parfaitement représentés par le triste et absurde Stépane Trophimovich.

Qui sème le vent récolte la tempête, les fautes des pères donneront les péchés des enfants. Et le Diable est déjà là, il s'est emparé de la seconde génération qui, moins pathétique que celles des parents, envisage avec beaucoup plus de sérieux la révolution libérale. Mais pas de beaux salons et d'écrivain pompeux, les actes seront au bout des idées.

Nous entrons dans la deuxième partie ou apparaissent deux démons : Nicolas Stavroguine et Piotr Stépanovitch (= fils de Stépane), les enfants des premiers protagonistes. (Attention, beaucoup de personnages comme dans tous les romans de l'auteur).

Le premier personnage, Stavroguine, une des facettes du mal est un des plus troublants personnages que j'ai pu rencontrer dans la littérature. Cultivant l'ambiguïté, sa personnalité oscille entre droiture d'apparence et réputation dépravée. Deux chapitres approfondissent cette ambigüité : La nuit, terrifiante quête nocturne qui étend le mystère sur le passé débauché de notre personnage et sur une rédemption possible de ses pêchés encore méconnus. Puis La confession de Stavroguine, ou l'on plonge avec stupeur dans les ténèbres de son âme et dans les mystères de ce passé. Ces deux chapitres, soit dit en passant résument l'étendue du talent de l'auteur connu pour ses descriptions abyssales des profondeurs de l'esprit humain.
le deuxième personnage : Piotr Stépanovitch, est possédé par un démon plus énergique et déterminé, détermination comparable à celle de Staline. Avant de lancer la révolution et de combattre l'ennemi, il faut tuer le traître potentiel, celui qui laisse apparaître les marques d'une nuance ou d'une faiblesse morale. Sans limite, ce dernier représente l'action, l'offensive, l'acharnement. A grand coup de « que le diable m'emporte !», il frappe et réalise son projet destructeur sans laisser place à la moindre compromission.

Piotr est un personnage historique, Nicolas, un personnage romanesque.

Je m'arrête sur ces deux protagonistes pour résumer une infime partie de cette oeuvre qui offre une galerie riche en caractères fantastiques (Kirilov, incarnation du nihilisme dostoïevskien par excellence !), une montée en puissance effrayante, un changement de style du pathétique vers l'horreur et le terrifiant pour terminer en tragédie absurde.

Et cette plume incomparable qui écrit sans s'arrêter, déversant sur le papier, dans un rythme effréné et sans aucune relecture, un tourbillon d'excitations et de passions destructrices. Incontournable, moderne et fascinant, à lire dans les soirée orageuses.
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