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Le joueur fut rédigé sous la pression d'un pari fou. Comme d'habitude criblé de dettes et menacé de saisie, Dostoïevski a accepté les conditions abusives de son éditeur : si son prochain roman ne paraît pas à la date attendue, l'écrivain devra lui céder, gratuitement et pour une durée de neuf ans, les droits de publication de tous ses futurs écrits. L'auteur est alors plongé dans la rédaction de Crime et châtiment. Il lui reste vingt-sept jours pour présenter un livre. Et il va y réussir, dictant un autre court roman à une sténographe, Anna Grigorievna Snitkina, qu'il épousera l'année suivante, et, deux heures avant l'échéance, alors que l'éditeur s'est délibérément éclipsé, faisant enregistrer au commissariat le dépôt de son texte.


Sauvé in extremis, Dostoïevski n'a pas signé ce contrat suicidaire sous la seule pression du désespoir et du manque d'argent. Il aime jouer avec le feu et se déclare lui-même malade du jeu et de la dépendance qu'il crée. Depuis l'adolescence, il a pris l'habitude de solliciter ses proches pour financer son goût des jeux de hasard, et, depuis quelques années, a découvert le frisson de la roulette lors de ses séjours dans les villes d'eaux, alors si courues, d'Europe occidentale. Il y laisse chaque fois jusqu'à sa chemise et plus encore, avant de se refaire dans l'urgence dans des élans éperdus de création littéraire. Sa vie est un chaos qui rejaillit jusque dans son oeuvre, son génie ne s'épanouissant qu'au bord du gouffre. Il gagne beaucoup d'argent, mais en manque constamment, éternel flambeur pour qui thésauriser n'est qu'avarice, le défaut de son père.


C'est donc son double que l'on découvre ici, dans la ville d'eau imaginaire de Roulettenbourg où se presse la bonne société européenne, confinée dans un entre-soi hiérarchisé et hypocrite, avide de distraction et de scandale. Alexeï Ivanovitch est le précepteur des enfants d'un Général sur le retour, ruiné mais prêt à toutes les folies – et donc très impatient d'hériter de sa vieille tante, la Baboulinka, qu'il fait passer pour déjà morte – pour épouser Mademoiselle Blanche, une demi-mondaine française. Lui-même épris de Paulina Alexandrovna, la belle-fille du Général, le jeune homme entretient avec elle une relation maladive, très semblable à celle qui lie l'auteur à sa maîtresse Pauline Souslova, dans un jeu pervers d'attraction-répulsion où il semble prendre un certain plaisir à se faire humilier.


Tout ce petit monde oisif ne gravitant qu'autour des obsessions de l'amour et de l'argent, c'est naturellement autour de ces deux thèmes que se font et se défont les relations entre les personnages. Pendant que la promiscuité de la villégiature favorise jeux et calculs amoureux – si elle se montre indifférente au timide et transi Anglais Mr Astley, Paulina aimerait bien plaire au marquis des Grieux, un Français qui joue les pique-assiette sans jamais se départir de sa terrible condescendance –, l'on s'en va s'offrir d'autres sensations sonnantes et trébuchantes au casino, en particulier autour de la roulette. Envoyé jouer pour le compte de Paulina, puis de la Baboulinka soudain débarquée comme une apparition à Roulettenbourg, Alexeï, conscient de mettre les doigts dans un piège dont il ne sortira plus tant le jeu le prend déjà aux tripes, tombe peu à peu dans l'addiction.


C'est ainsi qu'à la cinglante peinture d'un microcosme gouverné par l'ambition et par la soif d'argent, occasion pour lui de fustiger les si méprisantes nations occidentales pourtant bien petitement calculatrices comparées à la flamboyance passionnée de l'âme russe, l'écrivain adjoint le portrait incomparablement lucide d'un joueur compulsif, malade du jeu et de l'excitation qu'il provoque, en réalité prisonnier de ses désirs : désir d'argent, mais aussi désir d'amour, puisque lorsque son personnage réalise que Paulina l'aime, sa propre passion s'éteint. Ce qu'il aime, ce n'est pas l'objet de son désir, mais sa passion même : le désir.


Considéré comme la préfiguration de ses oeuvres les plus connues, le joueur est le roman d'une obsession d'autodestruction. Conscient de sa folie mais incapable d'y résister, fasciné jusqu'à l'horreur par l'abîme dans lequel il se regarde tomber, son protagoniste confronté à l'absurdité de ses désirs, y compris amoureux puisqu'ils le font s'éprendre de femmes dominatrices, capricieuses et ambivalentes – figures qui deviendront récurrentes chez Dostoïevski –, porte déjà en germe cette fièvre de la passion paroxystique pouvant conduire aux pires extrêmes, y compris le crime.

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La petite bille noire roule, roule, fait des petits bonds de cabri avant de s'immobiliser dans une case. Ceux qui sont autour, qui suivent sa farandole, retiennent leur souffle et peut-être ferment-ils les yeux pour ne pas voir. Tous sont soumis à ce « hasard ». Vont-ils perdre ou
gagner ? Pour perdre et gagner à nouveau ou tourner le dos et partir ? Dostoïevski fait dire à un de ses protagonistes qu'il faut du courage pour tourner les talons et s'enfuir de la table de jeu. Alexeï Ivanovich, malgré toutes ses promesses, finit par se retourner, telle la femme de Loth. Frappé d'immobilisme, comme englué à sa condition de joueur il ne peut plus rien pour lui-même. Car la petite bille noire n'est-elle pas la main du Destin frappant au hasard et scellant l'humain à sa condition ? Peut-il l'infléchir ?
Dostoïevski trace une fatalité implacable dans l'âme de ses personnages. Ils sont tous dans le bain du jeu de la vie. Ce sont des pions, des numéros qui ont l'illusion d'avoir un libre arbitre, une volonté farouche de contrôler leur existence. Mais ce n'est que fourvoiement. Dostoïevski pose la question dans ce petit roman :
Pourquoi toute cette agitation ? Pour cette absurdité qu'est la vie ? Pleine de mensonges, de faux-semblants, de peu de gloire ? Comment supporter tout ceci sinon en s'en moquant ? En riant ?
Alexeï Ivanovich rit souvent, de lui-même, des autres. Il est plein d'allant avec une pointe de cynisme. Jeune homme très intelligent et lucide, il se laisse emporter par sa destinée comme un fétu de paille balloté par le vent. Parce qu'il croit toujours se « refaire », comme tous les joueurs. Il a toutefois des doutes sur sa santé mentale. Peut-être qu'en fait, il ne se trouve pas dans cette ville d'eau en Allemagne mais dans un asile de fou et qu'il y écrit ce qu'il croit vivre ?
Voici une petite histoire cocasse et pathétique qui a sa part de cruauté et d'obscurité. Tout va vite, on se croirait parfois dans une bouffonnerie : Un général russe désargenté qui n'attend que la mort de la grand-mère pour faire main basse sur l'héritage. Car c'est un général russe vieillissant, amoureux d'une jeune demi-mondaine parisienne cupide. le décor est planté. le général néglige ses enfants, fait des dettes ; doit de l'argent à un escroc français, Des Grieux, qui se dit de descendance noble. Et la grand-mère que tout le monde avait déjà enterrée, arrive. L'effervescence monte d'un cran.
Alexeï Ivanovich est le précepteur des enfants du général. Il se consume d'une passion violente pour la belle-fille de celui-ci : Polina. Ses supposés rivaux sont Des Grieux et Mr Astley, son ami anglais. Mais le fervent Alexeï est un joueur dans l'âme. Joueur de ses sentiments, de ses envies, de sa vie en général. Avec, quand l'occasion s'en présente, un renoncement presque effrayant. Plutôt un panache désespéré. Dostoïevski fut longtemps un
dépendant du jeu. Quand il dicta « le Joueur » il arpentait encore les tables des casinos ; donc, c'est aussi une confession en creux. Fédor Dostoïevski dit : Alexeï Ivanovich c'est moi. Il porte ma folie, mon amertume, mes splendeurs, ma lucidité, mes contradictions et mes passions dévorantes. Il incarne l'âme russe.
Dostoïevski même s'il encense « l'esprit russe », est féroce avec ses contemporains et avec lui-même. L'abîme… toujours l'abîme…
Il dicta ce roman très rapidement, ne prenant pas la peine de l'écrire. Je ne peux que remercier le traducteur de l'avoir livré tel quel, sans chercher à corriger pour « faire de la belle littérature » ; c'est de toute façon étincelant. La langue vibrionne, moderne, brute, accrochée à la pensée d'Alexeï Ivanovich, le narrateur ; nous sommes suspendus à ses lèvres. C'est un
tourbillon, un mouvement de roulette fou. Phrases inachevées, répétitions, ping-pong verbal, pensées déroulées d'un seul jet. Comme jetées sur une table de jeu. Un récit qui se clôt brusquement comme si tout avait été misé.

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Le Joueur' a la réputation d'être le texte le plus abordable de Dostoïevski. C'est vrai, mais il a de mon point de vue un deuxième intérêt : il illustre parfaitement le curieux rapport de l'auteur aux femmes.

Car enfin, c'est son texte le plus autobiographique ! le démon du jeu, il connait, il en a tâté. Des nuits entières à suivre des yeux la bille de la roulette, des fortunes gagnées et aussitôt perdues, il en a connu. L'oubli de toute préoccupation extérieure, à n'en pas savoir si l'Europe est en guerre ou en paix mais que le rouge est sorti quinze fois de suite la semaine précédente, il en est passé par là aussi. Et qui le tirera de tout cela ?

Une femme ! Une certaine Anna Grigorievna Snitkina… Qu'il avait embauché pour relire le manuscrit du Joueur. Et dont il perdit pas mal d'argent au cours de rechutes. Et certes il ne la connaissait pas encore, mais on n'en constate pas moins que ses personnages féminins sont curieusement stéréotypés.

Il y a d'abord et avant tout la femme détruite, devenue elle-même destructrice. Ici c'est Pauline, dont le narrateur est amoureux, qui elle aussi l'aime, et qui pourtant, après une nuit d'entente parfaite le rejette brutalement et l'abandonne à Mademoiselle Blanche et au jeu. C'est Nastasia Philipovna dans l'Idiot, c'est Grouchenka et Liza dans ‘Les frères Karamazov', c'est Katerina Marmeladova dans ‘Crime et Châtiment'…

La deuxième catégorie, c'est la femme plus âgée, qui joue un rôle stabilisateur et n'en cultive pas moins une excentricité. C'est ici la grand-mère, que tout le monde espère voir mourir et qui surgit brutalement, jaillissant comme un coup de tonnerre avec sa suite et ses domestiques, écrasant tout par sa présence, remettant chacun à sa juste place… Et in fine perdant une fortune au casino. A rapprocher de la mère de Raskolnikov, de la tante du prince Michkine…

Mademoiselle Blanche n'est, je pense, pas tant à voir comme un personnage féminin que comme l'incarnation du vice français pour Dostoïevski. Corruptrice, comme l'élégance de la pensée française ayant séduit la cours des tsars au XVIIIème, et in fine dévoreuse comme la Grande Armée. Seule la Baboulinka, incarnation de l'âme russe, peut résister à son pouvoir de corruption.

Des archétypes dont les modèles sont à chercher dans le passé de l'écrivain. Heureusement pour lui, c'est une femme d'un tout autre acabit qu'il embaucha pour coucher sur le papier ce manuscrit… Et il y a grand à parier que c'est elle qui l'empêcha de finir comme son héros !
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C'est toujours un plaisir pour moi de me replonger dans les auteurs du 19e, d'autant celui-ci faisait parti de mes écrivains préférés au lycée. le joueur de Fiodor Dostoïevski était parfait pour m'imprégner à nouveau de son travail, tandis que je visitais Saint-Pétersbourg, il y a quelques jours, la ville où il vécut, écrit, mourut . Son ancien appartement fut un point de passage obligé...
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Pour reprendre la célèbre distinction kantienne, tous les romans de Dostoïevski sont dénués de beauté puisqu'ils sont consacrés au sublime. C'est d'ailleurs particulièrement le cas dans ce roman, où se déploie dans une tension presque insoutenable la facticité humaine la plus médiocre.
En effet, les personnages sont ici réduis à de creux grains de poussières, vivotants dans l'impression trompeuse d'une appartenance propre en attendant que le hasard provoque leur mouvement : « Par moment, j'ai encore l'impression que je suis pris dans ce tourbillon, que l'orage va se déchaîner, me saisir au passage avec son aile et que, perdant l'équilibre et le sens de la mesure, je vais me mettre à tourner, tourner, tourner… » (p.179)
La passion règne en maître, elle emporte tout et décide tout, faisant et défaisant l'échelle hiérarchique sans aucune entrave. On y voit un général renvoyer son précepteur pour une peccadille et revenir le jour suivant le supplier de le sauver; des femmes mépriser et admirer un même homme selon l'efficacité avec laquelle il peut leur offrir quelque prestige reconnu; une vielle vivant en réclusion et qu'on aimerait voir morte devenir soudain la reine du bal sitôt qu'elle se présente, etc.. Tout ce tourbillon absurde où chacun s'entre dévore force le lecteur à vivre l'instabilité absolue de l'atmosphère passionnelle qui m'apparaît être le véritable sujet du roman.
Quant au jeu, l'exposé psychologique en vaut franchement le détour. L'état d'inconscience du joueur en action, frappé de plein fouet par la vitesse inouïe où se déroule l'enchaînement machinal du jeu est rendu de manière très frappante. le cynisme du mécanisme qui se déploie dans les salles de jeu, comme le fait que le pire qui puisse arriver pour faire le joueur compulsif soit qu'il gagner une forte somme le premier coup, (dans la mesure, évidemment où notre classe sociale nous en fait sentir la valeur (p.37)) et que même les joueurs les plus aguerris savent à quel point il est presque « impossible de s'approcher de la table de jeu sans immédiatement subir la contagion de la superstition »(p.39) font sentir quelque chose comme un vertige devant ce gouffre. Quant à l'état du joueur compulsif, il se montre, dans l'extrait suivant, au coeur de l'horizon clair obscur d'un obsédé, dans un rare instant de semi-conscience: « Je vis dans une angoisse continuelle; je joue très peu à la fois et j'attends, je fais des calculs; je reste des journées entières près de la table de jeu…mais cependant il me semble que je me suis endurci, que je me suis embourbé dans la fange » (p.245). Sitôt qu'elle est prise par la passion, le jeu devient implacable et irrésistible, comme le fer et la poussière de l'existence, une aimant.
Toutes ces descriptions sentent le vécu et l'auteur, qui s'est sorti d'une vie de joueur, ne pouvait conclure autrement qu'en présentant la possibilité de s'en sortir. Aussi, pour arrêter le jeu, comme pour n'importe quelle autre passion digne de ce nom, Dostoïevski nous indique qu'il « suffirait, une seule fois, d'avoir du caractère et, en une heure, je peux changer toute ma destinée. L'essentiel, c'est le caractère » (p.255). le caractère qui rendrait la vie aux creux grains de poussières, qui pourrait libérer de l'emprise des vents et marées que le hasard voudra bien apporter, tout est là. Mais cette possibilité n'y est qu'évoquée.
Reste donc à savoir comment le caractère peut devenir effectivement possible...mais est-ce, justement, à savoir?
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Oserais-je l'avouer, il m'aura fallu 38 ans avant de lire mon premier Dostoïevski. Pas très courageuse, l'ampleur de son oeuvre m'a toujours effrayée. Et puis là, au (jeu de) hasard d'une brocante, j'ai parié quelques centimes sur ce « Joueur ». Sait-on jamais, me disais-je, il ne suffit parfois que d'une faible mise pour décrocher la timbale. Mystère (oui je sais, il faudrait dire « science ») des probabilités. Eh bien non, pas de « bingo » en l'occurrence, ce n'est pas grâce à ce court roman que je vais devenir « Dosto-aholic ». Pourtant en général j'apprécie les analyses psychologiques des personnages, mais cette fois je les ai trouvés excessifs, pour ne pas dire grotesques, et par conséquent pas attachants pour un sou. Et j'ai beaucoup de mal à comprendre comment une addiction peut dépouiller un être humain de tout libre-arbitre. Oui je sais, je suis trop raisonnable.
Toujours est-il que le récit se déroule à Roulettenbourg, ville d'eaux prussienne courue par la haute société de la vieille Europe. S'y trouvent un général russe et sa suite, parmi laquelle Alexis, précepteur des jeunes enfants de la famille, et narrateur de l'histoire. Le général, fauché comme les blés, tente de se refaire au casino, quand tout à coup surgit l'espoir de l'héritage d'une grand-mère richissime et agonisante. Supputation de pactole qui fait voleter les prétendants autour de Pauline, fille aînée du général, et de vulgaires « coureuses de dot » autour de celui-ci, veuf pour le plus grand bonheur potentiel de celles-là. Imaginez donc le désastre quand la grand-mère arrive, bien vivante, à Roulettenbourg, et se prend elle-même au jeu de la roulette. Voilà l'héritage en bien mauvaise posture. Pour ne rien arranger, Alexis, qui vit un compliqué « je-t'aime-moi-non-plus », épuisant et difficilement compréhensible pour le lecteur, avec Pauline, se voit chargé de surveiller, voire conseiller la grand-mère au casino, mais est à son tour atteint de la frénésie des tables de jeu.

Dostoïevski emmène tout ce petit monde (déjà sur la pente de la décadence) à sa perte, égratignant méchamment les seconds rôles français au passage. Il décrit les affres de l'addiction au jeu et à l'amour, qui embourbent les personnages dans des relations malsaines dès lors qu'inégales et/ou tissées par l'appât du gain.
Il paraît qu'Alexis serait le double littéraire de Dostoïevski, qui aurait largement puisé dans son passé de joueur invétéré pour écrire ce roman. Il paraît aussi que « Le joueur » aurait servi à son auteur à exorciser son démon du jeu. A en lire la préface de Michel Butor (édition du Livre de Poche de 1936), cela n'aura pas suffi. Mais cela n'aura pas empêché Dostoïevski d'écrire par la suite ses romans les plus célèbres...
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Le titre ne décrit pas une condition actuelle mais une condition à venir.

Je me souviens lorsqu'un professeur à l'université nous disait que l'auteur qui a le plus gêné et préoccupé Freud c'était Dostoïevski. Cela est sûr, il n'y a pas deux comme Alexeï Ivanovich dans le monde littéraire. Ce personnage à lui seul mérite une ample analyse. Un homme qui aime jusqu'à l'humiliation une femme pour laquelle il pourrait se jeter du haut d'une montagne, il déguste avec délectation cet abaissement. En discussion, il préfère les propos les plus déplacés et embrouillés avec la plus grande éloquence arrivant à bouleverser ses interlocuteurs voire les convaincre. Ce personnage curieux qui étonne même les autres protagonistes par son caractère lunatique se détruit au fur et à mesure pour se perdre.

Avant de lire ce roman, je croyais qu'il s'agissait de l'histoire (à vrai dire monotone) que mène un amoureux du jeu, gagnant tantôt et perdant tantôt. Or, la trame ingénieuse que choisit Dostoïevski est surprenante et a aboli mon horizon d'attente. L'histoire est digne d'un drame en cinq actes avec ses coups de théâtre et les relations conflictuelles qu'on y trouve. D'un rythme effréné de la narration, Fiodor nous captive. Et dire que ce livre a été écrit en vingt sept jours seulement. Dostoïevski n'a pas beaucoup chercher pour trouver l'essence de son roman puisque lui aussi joueur et amoureux de la roulette. Par ailleurs, Dostoïevski n'oublie pas d'y mettre une critique acerbe envers les allemands et les français calculateurs et pragmatiques et de vanter la négligence et la simplicité des russes.
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Un roman du Maître assez bref, surtout si l'on considère la somme de pavés tels que "Crime et châtiment" ou encore "Les frères Karamazov", et qui met en scène Alexei Ivanovitch, le narrateur, être sans classe sociale ni âge bien définis, épris de Paulina, elle-même pupille d'un général russe qui bave devant les charmes d'une demi-mondaine française intrigante et déterminée ; un riche et discret industriel anglais, un français à particule jouant les Don Juan, une vieille tante fortunée tout à fait toquée... un récit où sont mis en miroir la passion et ses illusions, le jeu et ses addictions, à moins que ce ne soit la passion et ses addictions, et le jeu et ses illusions ?

Un roman certes bien écrit - on parle quand même du Maître - mais qui a, à mon goût, un rythme un peu trop rapide, presque théâtral (d'où le petit air de vaudeville de la première partie ?), sans doute parce qu'il s'agit d'une oeuvre dictée dans un délai serré pour échapper au chantage d'un éditeur peu scrupuleux.

J'oserai un rapprochement quelque peu anachronique avec "Vingt-quatre heures de la vie d'une femme" de Stefan Zweig qui traite également du jeu et de ses conséquences, simplement parce qu'à la lecture de ces deux oeuvres j'ai ressenti la même chose : une grande fascination pour la description de l'emprise des jeux de hasard sur les hommes et leur destin, et en même temps un manque quasi total d'empathie et d'affection pour les personnages, aussi bien envers les hommes qu'envers les femmes.

Néanmoins, une belle peinture de la société d'une époque (révolue ?) où se dessinaient en filigrane, derrière les cartes, les ambitions, les peurs, les espoirs et les détresses humaines.


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J'adore le caractère de la Babouchka, une de ces femmes directes qui démasquent le mensonge et l'obséquiosité des gens à leurs pieds parce qu'elle est riche et qu'elle devrait bientôt mourir ! Ahh l'héritage ! Ahh, l'Avidité !...
L'action se déroule au XIXè siècle, à Roulettenbourg, une ville d'eau imaginaire d'Allemagne, dont le casino attire de nombreux touristes. le général russe mène grand train en attendant le télégramme venant de Moscou annonçant la mort de la riche comtesse Antonine Vassilievna, sa tante. Il est entouré de sa nièce Pauline Alexandrovna, et les petits dont Alexis Ivanovitch est l'outchitel, le précepteur. Celui-ci est amoureux de Pauline qui, hautaine et arrogante, en profite pour lui faire exécuter des caprices, comme d'insulter un baron allemand.
Il y a deux ou trois autres parasites comme Blanche, 25 ans et sa mère, le marquis français prétentieux Des Grieux, et l'Anglais Astley dans l'entourage du général. Certains sont riches, d'autres ruinés, et d'autres pauvres.
Mais au lieu d'un télégramme annonçant la mort de la babouchka et donc son héritage, la voila qui débarque sans tambour ne trompette, et en pleine forme. Elle a vite fait de mesurer le caractère de chacun, et de le lui dire sans filtre : j'adore !
Mais elle se met à jouer. La première fois, tout va bien, elle gagne... Mais elle s'entête, et le deuxième jour, elle perd tout. Catastrophe : l'héritage est perdu... Que va faire ce petit groupe avide ?
Enfin, il y a trois exceptions que d'ailleurs Antonine aime bien : Astley, Pauline avec son fichu caractère, et Aleixis, qui sont tous les trois désintéressés.
.
Pour moi, Dosto est l'écrivain russe dont je me sens le plus proche. Ce que j'ai aimé dans ce roman, c'est la peinture des caractères ;
l'hypocrisie ou la franchise qui vont avec ;
les personnages cyclothymiques comme Pauline ou le général ;
la caricature, vue par un Russe du Français élégant, de l'Anglais compassé, ou du Russe "ours";
les manigances et les dépendances des uns par rapport aux autres.
On s'y perd dans les différentes monnaies européennes qui ont cours au casino, et j'ai constaté qu'un Anglais et un Russe essayaient de s'exprimer en français pour se comprendre : c'est à croire que, comme l'anglais domine le monde actuellement, le français dominait l'Europe au XIXè siècle.
Il y a bien sûr le jeu, avec les yeux qui brillent et les mains qui tremblent, ce qui n'est pas sans rappeler le joueur de Vingt-quatre heures de la vie d'une femme, de Stefan Zweig !
.
Enfin, il y a la Grand-Mère ! Une Mahaut d'Artois, un personnage haut en couleurs qui donne son second souffle au roman : )
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Lorsque Dostoïevski perd toute sa fortune à la roulette, l'idée lui vient d'écrire un livre sur l'enfer du jeu. L'histoire se passe à Roulettenbourg en Allemagne. Nous suivons un jeune homme nommé Alexis Ivanovitch qui exerce le métier de "outchitel" (précepteur) pour les enfants d'un général. La psychologie est fortement présente dans ce roman. Alexis est amoureux de la belle-fille de son employeur et décide de gagner de l'argent pour la séduire. Malheureusement, il tombe peu à peu dans la passion folle du jeu. Paulina est au premier abord méprisante, étrange et ingrate mais se cache au fond une belle âme effrayée par la vie. le général attend désespérément la mort de sa tante Baboulinka pour pouvoir épouser Blanche, une jeune et belle française à l'affût de l'héritage du général. L'auteur nous offre une peinture de la société bourgeoise de son temps tout en nous plongeant dans un univers palpitant. le Joueur a été une belle première découverte du monde russe, le domaine du jeu est traité avec brio.
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