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Je voudrais tant trouver le sommeil. Ne plus entendre les rats. Ne plus sentir l'odeur des hommes. Ne plus écouter l'hiver au travers d'une vitre. Ne plus devoir manger du poulet bouilli dans des eaux grasses. Ne plus risquer d'être battu à mort pour un mot de trop ou une poignée de tabac. Ne plus être contraint d'uriner dans le lavabo parce, qu'après une certaine heure, nous n'avons plus le droit de tirer la chasse d'eau. Ne plus voir, tous les soirs, Patrick Horton baisser son pantalon, s'asseoir sur la lunette et déféquer en me parlant des « bielles entrecroisées » de sa Harley qui au ralenti « tremblait comme si elle grelottait ». A chaque séance, il œuvre paisiblement et s'adresse à moi avec une décontraction confondante qui donne à penser que sa bouche et son esprit sont totalement découplés de sa préoccupation rectale. Il n'essaye même pas de moduler ses flatulences d'effort. Tout en finissant ses affaires, Patrick continue de m'éclairer sur la fiabilité des derniers moteurs désormais montés « sur des Silentbloc dits isolastic », avant de réajuster ses braies comme un homme qui a fini sa journée, et d'étaler sur la cuvette un linge immaculé censé tenir lieu d'abattant et qui sonnait un peu pour moi à la fois comme la fin d'un office et un « Ite missa est ». Fermer les yeux. Dormir. C'est le seul moyen de sortir d'ici, de laisser les rats derrière soi. + Lire la suite |