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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
C'est l'histoire d'une vie adolescente en bande, celle de jeunes biens nés, privilégiés, dont les plages du bassin d'Arcachon sont le royaume. Justine atterrit d'une autre vie, débarque d'un autre milieu, rejoint Les Indifférents (aux autres, au Monde, à qui que ce soit d'autre que chacun d'eux). Dès le départ, on connaît le drame ; il se noue en même temps que les quatre années qui y ont mené défilent. Découverte/Overdose. Trouver parmi les autres sa place / Se trouver hors d'eux. Construction/Destruction.

On les aime, on les déteste. Ils sont attachants et exécrables. Justine est belle, Justine est fausse ; apeurée, courageuse, double ? Ou juste adolescente.

Encore un roman extrêmement bien construit de Julien Dufresne-Lamy, paru il y a quelques années déjà. Un regard puissant, drôle et acide sur l'adolescence ; l'art de l'anti-héros aussi, qui se construit tardivement et ouvre une fenêtre d'oxygène. Mais plus qu'un roman : un thriller. Et un excellent moment de lecture !
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Quelle claque ! Quand j'ai lu l'avis de Lucie sur son joli blog, Abracadabooks, j'ai immédiatement reconnu cette ambiance de vacances sur le bassin d'Arcachon où j'allais avec mes copine de fac, et c'est pourquoi j'ai eu envie de lire ce roman. J'ai instinctivement aussi perçu la poésie de la plume de l'auteur, que pourtant je ne connaissais pas du tout. J'avais pressenti également qu'un drame se jouait dans ces vies d'adolescents un peu trop libres. Ce que je n'avais pas prévu en revanche, c'est l'intensité de ces lignes et de cette histoire, l'émotion qui émane de cette narration construite avec soin. J'en sors tout juste. J'ai pris un coup au coeur.

"Les Indifférents ont mal agi. Ils ont fait quelque chose de grave sur la plage. Quelque chose de punissable.
Mais les vrais responsables, ce sont les parents. La vieille rengaine de l'ascendant. On s'en lasserait presque de cette dérobade.
Dans toutes les histoires, les parents sont les responsables. A l'origine des drames, leur passé, leurs histoires, leurs liaisons, leurs absences, leurs maladies toujours incurables."

C'est Justine qui raconte. Lorsque sa mère apprend que son père la trompe, elle fait leur valise à toutes les deux et emmène sa fille vivre loin de son Alsace natale : Sur le bassin d'Arcachon, où elle a passé des vacances qui l'ont beaucoup marquée étant plus jeune. Elle est persuadée que l'océan, avec son ambiance balnéaire, est un endroit de rêve pour élever sa fille ; c'est loin du père et, en prime, c'est le seul endroit où elle a de vagues connaissances de jeunesse, qui lui procurent un toit et un boulot. Alors Justine doit s'adapter.

« Je n'ai jamais fait partie d'un groupe. Je préfère les amitiés seules. Les murmures, les gestes dans le noir, les aveux courts. le groupe, je ne suis pas taillée pour. Je ne crois pas aux idéologies, aux foules organisées, aux amen scandés docilement qui s'enracinent dans les têtes. »

Sa mère est engagée comme comptable chez un notable du coin qui lui loue une partie de sa maison de famille, parmi les « gens de maison ». Justine y rencontre le fils cadet, Théo, petit roi de la région, né ici, inséparable ami à la vie à la mort de Léonard et Daisy, qu'il lui présente alors. A eux trois ils sont les indifférents, auxquels appartiendra bientôt Justine qu'ils acceptent parmi eux :

« On nous appelle les Indifférents. Les gens qui restent entre eux. Les gens à distance. Indifférents aux autres. (…) Je suis la fille de la comptable. La dernière, la greffe. La petite amie du meneur. Et à cette époque, je m'en moque. Je suis indifférente. »

Justine qui est d'habitude, selon ses mots, un loup solitaire qui ne se laisse pas approcher, se laisse séduire par cette bande, apprend à aimer cette vie de groupe qu'elle nous décrit parfaitement et qu'on a plaisir à découvrir avec elle : Les discussions dans les bars de plage, les fêtes alcoolisées, les bizutages dont elle franchit les étapes, les journées de surf, bref : une adolescence ensoleillée et complète qui les fait se croire immortels :

« On peut trinquer tous ensemble le temps d'un verre. On ne craint rien ni personne, on ne pense qu'à nous. Nous sommes les Indifférents, à la vie, à la mort. »

La nouvelle vie de Justine ressemble à d'éternelles vacances de sable fin, à la grande joie de sa mère. le lecteur est délicatement bercé par la plume de Julien DUFRESNES-LAMY, tandis que Justine découvre l'amitié à la vie à la mort, est fière de faire partie d'un tout qui l'accepte dans un décor idyllique. Et l'on y croirait presque. Si ce n'était cette épée de Damocles qui plane depuis le début du récit :

« Ce matin, l'un des Indifférents est mort.
Il est mort dans l'eau, sans douleur et tout doucement. Mais je ne peux pas dire son nom. Ma bouche est bâillonnée et mon corps incapable. Si j'en parle, la mort deviendra vraie. Elle prendra forme, et dansera devant nos visages pâles. Les gens pleureront, il y aura des deuils et un cercueil.
Ma bouche se tait pour garder le secret. J'y crois comme une superstition. En me taisant, peut-être que la mort s'excusera.
Peut-être même qu'on s'en sortira. »

*****

Bien sûr, ce roman m'a d'autant plus touchée que j'ai connu ces lieux, reconnu des attitudes, et éprouvé moi-même cette implosion de sentiments que seul l'océan et ses alentours, ses marées et ses mystères, sa puissance et son immortalité, peuvent vous faire ressentir. Mais surtout j'ai été séduite par la légèreté de la plume, sa poésie, ses phrases courtes et justes qui semblent survoler l'histoire, tout en nous en donnant une vue à la fois précise et générale. Cette plume qui caresse, rassure quand les mots nous inquiètent et nous intriguent : Il s'est visiblement passé un drame parmi les indifférents, mais ça va aller. Jusqu'au coup de poing final, qui nous achève. En douceur et poésie, mais nous achève quand même.

« Cela a surgi vite, comme une embardée. Peu à peu, on enfreint les règles. On se dégrade. On devient égoïste. On s'évite et on cogne. Les uns font du mal aux autres. Les autres préparent leur vengeance.
C'est la loi. La société jusqu'au bout.
C'est la vie et la mort d'une bande. »

Enfin, la construction est habile qui établit le contexte tout en maintenant le suspense : Pour tenter de briser la loi du silence, Justine, la narratrice, intercale le récit de sa vie sur le bassin avec le récit que sa mère lui a fait de son expérience à elle, à son époque, les deux expériences menant implacablement vers la terrible vérité finale… Ainsi Justine nous emporte avec elle au coeur de la noirceur des âmes, sous leur vernis de soleil et de sel. Et j'avoue que je me suis laissée endormir, je n'ai pas vu venir la fin alors que j'aurais certainement pu.

Je ne m'attendais pas à autant de puissance, de justesse, d'émotion sans fard de la part de cet auteur que je découvrais, mais je vais lire ses autres livres !
Lien : http://onee-chan-a-lu.public..
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Ce roman est magistral et vertigineux. Son parfum de secret, sa consonance mystérieuse éveillent un désir impétueux de découvrir ce qui se cache au détour de ce titre. C'est un labyrinthe prodigieux vers lequel on s'engage avec des allers-retours entre passé et présent. On sait dès le début qu'il y a eu drame, pourtant tout commence comme dans un rêve, enfin presque...
"La villa fait face à la mer. Accrochée à la pointe du Ferret, elle contemple la dune du Pilat. Une maison modeste de deux étages, sertie d'un hammam, d'une piscine, de deux courts de tennis, d'un patio, d'une serre et d'un garage de voitures, DS et Buick".
"Avec Théo, on rentre de la plage tous les soirs, les faces calcinées par le soleil, lèvres rouges et joues salines. Nos cheveux lavés par les algues ressemblent à des anguilles".
… mais les rêves sont parfois trompeurs. Julien Dufresne Lamy s'est intéressé au-delà du destin des personnages à une histoire sociale qu 'il aborde avec un style précis et ferme. Ce roman est glaçant et implacable dans sa démonstration. L'auteur nous prend par la main dès les premières lignes pour ne plus nous lâcher jusqu'à la fin. le récit met en scène deux mondes. Il crée les conditions de leur rencontre. La rencontre a bien lieu. le plus dur sera la rupture. Ces ados sont enfermés dans leurs déterminations individuelles et culturelles, d'autres tentent d'en sortir, plus ou moins facilement. Leurs échecs tiennent soit à un excès de détachement, soit à un trop profond attachement à leur place ou à leur milieu ou bien à leur fonction au sein du groupe. Tous les personnages sont en place pour le désastre. Il progresse, implacable à la franche à la dure, la mer monte et d‘un coup elle attrapera les indifférents. Je dirai que c'est une tragédie adolescente à l'antique qui m'a profondément bouleversée ! le paradoxe de la condition humaine c'est qu'on ne peut devenir soi-même que sous l'influence des autres. Ce que vous serez devenus est en partie le résultat des influences que vous subissez maintenant mais de grâce vous ne devez en aucun cas vous transformer en marionnette pour les besoins des autres ni obéir aux indifférents, choisissez celles-ci avec soin ! Jeunes, lisez ce livre fort, comme on le dit d'un alcool, c'est une histoire puissante qui révolte et qui broie le ventre.

Lien : https://wordpress.com/view/l..
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Mais quelle découverte ce livre ! Merci Belfond et Netgalley !

Nous sommes à Arcachon, un groupe d'adolescents, insouciants, qui profitent de la vie, se lancent des défis, indifférents à ce que pensent les autres… Une bande d'amis, peut-être pas si soudée et heureuse qu'elle en a l'air, certains qui viennent de familles aisées du bassin et l'autre, celle qui est la fille de l'employée, et qui vient d'arriver dans cette nouvelle région, un nouveau départ, du bonheur, mais pas que… car pour faire partie du clan, un bizutage est de rigueur, il va falloir dépasser ses limites physiques et morales.

"J'annonce à ma mère que je déteste vivre ici et que Théo parle à ses amis imaginaires. Je promets au garçon boutonneux que je lui écrirai des lettres en latin à son départ du bassin. Ego te requiro, revertemur."

L'adolescence, comme cette période pendant laquelle on cherche toujours sa place et son identité. L'adolescence, comme ce moment où l'on se teste soi-même et où l'on teste les autres, souvent jusqu'à la provocation, parfois jusqu'à l'humiliation et la destruction. L'adolescence comme ce moment on ne pense qu'à soi, où tout le reste nous paraît injuste. L'amitié et les jeux peuvent conduire aux défis et parfois jusqu'à la haine et jusqu'au pire. D'un ami dont on avait confiance peut se révéler une personnalité perverse, cruelle et sans scrupule, la vengeance peut être malsaine voire fatale.

"Moi, je le sens, c'est très fort. Écoute le vent, regarde les oiseaux. Il y a une agitation dans l'air, quelque chose de supermalsain."

Tout au long du récit, Julien Dufresne-Lamy fait monter la tension et sème des indices. A nous de comprendre, de faire le lien, d'imaginer, de trembler, parce que oui, on a peur, on sait que le pire est arrivé, c'est angoissant, c'est terrifiant. Et quand on comprend, alors il est trop tard.

La plume de Julien Dufresne-Lamy est percutante et poétique à la fois. Avec ses mots toujours d'une justesse absolue, il nous entraîne dans le tourbillon et les vagues de cette période charnière de la vie qu'est l'adolescence et dont personne ne ressort tout à fait indemne. le roman est rythmé, les phrases courtes, pas de mots superflus, juste ce qu'il faut. Un texte juste, clair, net, précis qui ne peut pas laisser indifférent, tant par le style que par ce qu'il raconte. C'est dur, c'est beau, c'est la vie peut-être… dans toute la cruauté dont elle peut faire preuve parfois.

"Les Indifférents ont dix-sept ans. Ils ont la tête pleine d'illusions. Avocat, médecin, vedette du monde. Ils ont des utopies et des lubies et c'est leur corps qui hallucine.
Mais ce matin-là, la mort surgit sur la plage.
La mort, elle ne s'annonce jamais, elle ne dit rien à personne. Elle est l'animal sauvage détalant sur la route. Elle nous regarde droit dans les yeux, immobile, prise par la lumière aveuglante des phares.
La mort a été rapide ce matin. Une seconde. Une lumière qui s'allume et qui claque. Elle fait silence, elle ne crie jamais comme un loup. Elle endort les esprits, la mort s'en va toujours en demoiselle avertie.
Ce jour-là les Indifférents ont commis le pire. Ils n'ont pas regardé la mer, ils n'ont pas regardé le ciel. Ils ont pensé à eux et à leurs rêves.
Ils n'ont que dix-sept ans."

Vous aurez d'ores et déjà compris que j'ai adoré ce roman. Je l'ai lu sans m'arrêter, en apnée, (sans mauvais jeu de mots, si vous le lisez vous comprendrez ce que je veux dire). J'ai frissonné, j'ai pleuré, mais j'ai souri aussi. Julien Dufresne-Lamy a su susciter en moi tout un panel d' émotions, merci d'avoir écrit ce bijou.

Les Indifférents… c'est un livre que je ne peux que vous conseiller si vous aimez la littérature française, les beaux écrits, la poésie et l'originalité. Une lecture marquante, un auteur que je vais suivre.
Lien : https://ellemlireblog.wordpr..
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Les indifférents, c'est ce groupe d'adolescents nés avec une petite cuillère d' argent dans la bouche qui vit dans le bassin d'Arcachon.
Ils sont trois. Ils accueillent dans leur clan, Justine, parachutée de son Alsace natale par la fuite de sa mère du foyer familial.
Malgré des origines plus modestes, elle se fond dans ce groupe de "gosses de riches" et profite avec eux d'années d'insouciance et des passe-droits que leur offre leur classe sociale. Bêtises plus ou moins grandes toujours pardonnées, ouvertures de toutes les portes... la vie est facile, en apparence...

Très vite, j'ai été happée par l'histoire de ce roman au style impeccable.
Julien Dufresne-Lamy m'a menée par le bout du nez là où il voulait grâce à un suspense parfaitement maîtrisé. J'ai supposé, j'ai été sûre mais non, je n'y étais jamais vraiment.
C'est grâce à ma sélection lors de l'avant dernière masse critique que je découvre cet auteur et je sors de cette lecture vraiment ravie.
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Justine, la narratrice, 13 ans, arrive d'Alsace avec sa mère, recrutée par Paul Castillon, riche homme d'affaires installé au Cap-Ferret, sur le Bassin d'Arcachon.

Elles sont hébergées dans la grande maison de Paul, la Cabane, au bord de la plage. La mère a passé de belles vacances sur le Bassin dans les années 80, et veut le faire découvrir à sa fille.

Justine rencontre Théo, le fils de Paul et Elisabeth et va intégrer sa bande d'amis baptisée "Les Indifférents", avec Léonard et Daisy, issus comme lui de familles bourgeoises.

Ils fréquentent le même lycée, surfent ensemble, sont inséparables, font la fête, boivent et se droguent, font les 400 coups pendant 4 ans. Justine et Théo sortent ensemble.

L'arrivée de Milo, un adolescent modeste et réservé va modifier les équilibres.

Dès les premières pages nous savons qu'il y a eu un accident, au bord de l'Océan, mais nous ne découvrirons ce qu'il s'est passé qu'à la fin. Et c'est vraiment surprenant.

Le roman est construit en alternant les récits des sorties des Indifférents, la journée du drame et les années 80 où la mère de Justine a passé plusieurs étés de vacances.

L'auteur crée et maîtrise le suspense, avec des chapitres courts et percutants. L'écriture est incisive. On est plongé au coeur de la vie de ces adolescents aisés, et de leurs parents qui leur permettent tout, après s'être tout permis dans leur propre adolescence.

Les petits villages du Bassin et ses belles plages sont parfaitement décrits et donnent envie d'y venir se balader.

Paul Castillon rappelle Benoît Bartherotte qui a acheté un terrain de 5 ha en 1985, construit une grande maison en bois et une digue pour éviter l'érosion de la Pointe de la presqu'île, marié lui aussi à une Elisabeth.

Je passe mes vacances d'été sur le Bassin d'Arcachon depuis toujours et j'ai passé les vacances au Cap-Ferret de 1992 à 2003, avec mon mari et mes enfants devenus ados. Je connais bien tous les villages et plages évoqués.

J'ai adoré le style et le suspense, l'évocation de ces adolescents sulfureux, du microcosme de ces familles bourgeoises installées sur le Bassin depuis 2 ou 3 générations..

C'est un roman coup de coeur.



L'auteur a transformé le Bassin pour son roman, éliminant les distances réelles entre les villes et les villages. On ne va pas à pied de Lanton ou Biganos au Cap-Ferret, et encore moins du Cap-Ferret à Arcachon (à une dizaine de kms par la mer mais à 70 km par la route).

Et puis la plage Pereire où se déroule l'accident donne sur le Bassin et non l'Océan...

Le lycée où vont tous les jeunes doit être celui d'Andernos, et je ne crois pas qu'il y ait des pamplemoussiers...


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Les Indifférents de Julien Dufresne-Lamy chez Belfond est le deuxième roman que je découvre de l'auteur. Après avoir adoré Deux cigarettes dans le noir l'an dernier, j'ai forcément été ravie de trouver le nouveau roman de l'auteur dédicacé dans ma boîte aux lettres. Je n'ai donc pas attendu bien longtemps avant de l'ouvrir – et j'ai bien fait !

Une bande d'adolescents qui traîne en bord de mer et qui se fiche ouvertement des règles… Les Indifférents m'a d'office rappelé Corniche Kennedy, roman de Maylis de Kerangal que j'avais tant aimé. A une exception près : dans la bande pour le coup, il n'y a quasiment que des ados bien-nés. Justine, la nouvelle arrivante va donc apprendre les codes d'un groupe où la fourberie et l'argent vont de pair.

Les Indifférents de Julien Dufresne-Lamy est un véritable page-turner aux personnages autant solaires que détestables, le tout rédigé de façon assez crue sans doute, mais non sans classe. L'auteur a un ton bien à lui et le confirme avec ce roman : légèrement satyrique, acerbe et vif, mais aussi doté d'une pointe de lyrisme.

Comme dans son précédent roman, Julien Dufresne-Lamy raconte habilement cette histoire d'adolescents qui finit mal, sur fond de critique sociale. Les différentes classes sociales ne se mélangent jamais vraiment dans ce roman ; comme l'huile et l'eau, les personnages venus de deux mondes ne font finalement que s'effleurer sans vraiment réussir à se comprendre ou à s'amalgamer. Les ados finissent toujours par reproduire le comportement des adultes – et ce n'est en rien gage de sagesse.

Les Indifférents est un roman qui finit mal, on le sait dès le début. On ne sait juste pas exactement ce qui arrive, à qui, jusqu'au moment du drame. Julien Dufresne-Lamy distille les indices tout au long du roman, et le lecteur est happé par l'histoire où la tension ne fait que grimper. Et quand vient la fin et la vérité, l'histoire nous donne finalement le vertige tant cela semblait évident depuis le début.

Premier coup de coeur de cette rentrée littéraire d'hiver, Les Indifférents de Julien Dufresne-Lamy est un roman qui contrairement à son titre ne vous laissera pas de marbre. Si la chaleur de l'été décrite dans le roman pourrait laisser croire qu'il s'agit d'une lecture légère, prenez garde, il agit comme une véritable vague gelée que l'on n'aurait pas vue venir !
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Lorsque Justine quitte l’Alsace ce matin-là, elle ne s’imagine pas combien la vie peut être différente. Différente de ce qu’elle a connu, de ce qu’elle a imaginé, de ce qu’elle croyait possible. Le Cap, c’est un autre monde, pas seulement l’autre bout de la France avec la mer et le soleil. C’est une élite autoproclamée que l’on doit suivre, bon gré mal gré. Quitte à tout détruire sur son passage.

Dans l’immense villa des Castillon où l’on se parle sans s’écouter, elle pense ne pas avoir sa place. Sa mère, insondable, veille à ce qu’elle file droit. Rapidement, Théo Castillon se rapproche de Justine. Il lui présente Léonard, puis Daisy. Désormais, elle marche avec les Indifférents. Comme s'il en avait toujours été ainsi. Les adolescents ne maîtrisent pas leur pouvoir. Ils marchent, insolents, la tête haute, méprisent le petit peuple. Ils déambulent d'une soirée à l'autre, enquillant drogues et alcool comme on donne une poignée de main.

Justine oublie la province et la tapisserie défraîchie. Elle oublie le besoin, presque l'envie. Jusqu'à l'arrivée de Milo, qui fait tache sur la carte postale. Lui lui rappelle qu'elle n'est pas de ce monde, elle qui décrit ceux qu’elle croise dans les rues avec la bonhomie de Brel qui chantait Ces gens-là. Elle a beau se pavaner au bras d'un fils de, elle n'est qu'une fille d'employés. Devenue l'image qu'on lui renvoie d'elle, elle souffre toutefois de devoir tourner le dos à celui qui lui ressemble, car sa nouvelle amitié n'est pas du goût des autres. On ne mélange pas les torchons et les serviettes. On ne lâche pas les Indifférents. Ou bien on en paie le prix.

Les Indifférents sont cette adolescence intolérante, provocatrice, cruelle. Ils sont cette liberté dont on ne jouit qu’une fois. L’insouciance qu’on craint et qu’on jalouse. Perchés en haut du Cap, ils se croient à l'abri du drame. Ils sont le poids de la famille, qu’on brandit et qu’on renie. Ils sont apparence et méandres, opportunisme et vérité. Ils sont cette passerelle qu’on est forcé d’emprunter sans trop regarder en bas. Ils sont à l’image de ce décor idyllique que la marée peut ensevelir à tout moment. Un décor magnifié par les mots de Julien Dufresne-Lamy. On referme ce roman avec le goût du sel sur les lèvres, pas tout à fait sûr d’avoir détesté les personnages. Qu'importe, on aurait pu les suivre n’importe où.

Subtil et violent.

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Dès les premières lignes, le style accroche : vif, sec, nerveux ; il séduit.
Un drame a eu lieu.
Tout était pourtant solaire : la plage, les embruns, le sable fin, l'insouciance et la jeunesse. Lumineux comme ces indifférents à la vie exaltante partagée entre le lycée que l'on sèche, le surf, les fêtes, la drogue et l'alcool. Sea, sex and sun. L'argent ne manque pas ; ils sont riches, beaux, brillants, enfants de l'aisance familiale de notables, ancrés sur le territoire comme des incontournables. Un vase clos. Les autres ne sont rien, ou si peu, des Gavroche, des Cosette. On les ignore, on les méprise.
Le graal ? Appartenir au groupe. Passer les tests, le bizutage. On ravale l'humiliation. Justine, fraichement débarquée sur la côte ouest, fille de la comptable, tolérée sur les lieux, s'y plie. Elle accède au statut, devient une indifférente, se grise là où sa mère a échoué vingt ans plus tôt. Elle raconte. Les sorties, l'amour, l'indifférence, l'argent qui achète, qui répare, qui occulte, le mépris, la famille, les destins tracés, le groupe. Elle narre les dérives, les douleurs, les frustrations, la haine. Les non-dits qu'elle perçoit. Elle chemine, grandit, se démarque.
« Mais la seule différence, c'est que les riches maquillent. Khôl, fard, rouge à lèvres, collagène. Fioles d'acides, cols Claudine, liposuccions, chevalières. Ablations.
On leur a appris le camouflage depuis tout petit. Les mères, les tantes, les grands-mères qui regardent en vigie. Ils sont éduqués pour. Grimés, ils ont les clefs de la coterie. le mode d'emploi de survie en milieu hostile. Les riches maquillent jusqu'au mensonge.
Leur vie, c'est un trucage sans péremption. »
Les pages se tournent sans répit sur un récit intense et captivant. Il faut savoir. le drame. Qui ? Comment ? Pourquoi ? L'écriture est percutante, addictive. Tout est si juste. Incroyablement dérangeant et juste. Effrayant.
Un roman « Coup de coeur » dont l'impact perdure bien au-delà du livre refermé.

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Cinq livres que j'ai tenté de débuter et que j'ai refermés – pas le bon moment, pas le bon état d'esprit. A deux doigts de l'abattement livresque – si, si – j'ai ouvert « Les Indifférents ». Et dès la première page j'ai su.
On se prend déjà une sacrée gifle avec le prologue : phrases courtes et affûtées, style vif et texte volontaire qui nous assomme et nous intrigue. A nouveau pleine d'espoir, je me dis : je vais aimer ce roman.
Pire : je l'ai adoré.
Le récit pirouette entre deux époques : la rencontre de Justine avec la bande des Indifférents et puis la dernière scène, ce drame où l'existence riche et facile a basculé dans la cruauté, ce drame sibyllin dont on nous distille d'infimes indices par à-coups. Plus on avance dans la lecture et plus on est inquiet, troublé, désorienté.
Nous errons dans une atmosphère sombre et angoissante qui ne chavire jamais dans le mélodrame. Y ruisselle un humour très intelligemment dosé, insolent, effronté, qui renforce la majesté du récit. Les personnages sont solides et extrêmement bien travaillés : on aime adorer les « bons » et haïr les immoraux. C'est incisif, mordant ; c'est un texte qui a du culot.
Derrière l'histoire de ces gosses de riches, un peu écorchés par-ci, un peu paumés par-là, se glisse un texte très engagé. Julien Dufresne-Lamy balance et il le fait avec habileté et intelligence. Avec lui, pas besoin de circonvolutions : lorsqu'il veut dénoncer une chose, il la dénonce avec fracas. Il ne s'embarrasse pas de détours ou d'hypocrisies, il gueule, il accuse, il donne de grands coups de pieds dans ce qui le heurte et l'écoeure. Et c'est marquant, admirable et impressionnant.
Ça parle de la vie dans ce qu'elle a d'arbitraire, des vieux secrets qui croupissent au fond des familles, de la recherche de soi et d'une forme de liberté absolue, de la mort et de l'impunité. Il y a une vraie et belle réflexion sur l'impact qu'ont les parents sur les comportements et actes futurs de leurs enfants : ce qu'ils transmettent de leur propre histoire, de leurs erreurs et leurs désastres, de ce qu'ils ont manqué et de ce qu'ils ont perdu. C'est un récit qui vous révolte parce qu'il raconte la vraie vie et que, très souvent, ce sont les innocents qui perdent et les coupables qui triomphent.
Avec ce texte fort, l'autre atout évident du roman, c'est l'écriture de l'auteur. Julien Dufresne-Lamy utilise des phrases courtes, vives, taillées au couteau, à la fois gracieuses et acides. Et cette alliance aboutit à une composition aussi captivante que fracassante. Ça cavale sans respirations, haché et brut comme ce drame qui s'avance au loin, ça court et vit à mille à l'heure comme les adolescents qu'on suit. Aucun paragraphe pour combler du vide, chaque phrase a sa place et son rôle, et pour moi c'est assez exceptionnel de rencontrer un livre aussi minutieusement sculpté. J'ai croisé des paragraphes par dizaines que j'aurais rêvé inventer.
Oui, vraiment, ce roman est une très belle révélation, la grande bouffée d'air dont j'avais besoin. C'est très anxiogène mais étonnamment on se surprend à sourire très souvent, et ça, c'est sacrément habile. C'est dur et tendre, c'est beau et terrifiant. Nul besoin d'aller farfouiller dans les moindres replis du texte pour happer une minuscule imperfection : ce roman est impeccable, voilà. Si je n'avais pas deviné très vite le dénouement final, il m'aurait littéralement éblouie.
Un grand merci à Babelio, aux éditions Belfond et à Julien Dufresne-Lamy pour ce roman subtil et engagé.
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