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Critique de CeCedille


C'est un ensemble de courts récits d'un médecin ou d'un brancardier, comme l'était Duhamel lui-même, sur le front. Portraits de blessés, de gueules cassées. Saynètes tragiques ou cocasses, avec, en fond, l'absurdité de la guerre, le cynisme des généraux, les ravages de le discipline, la haine du machinisme naissant, exprimée dans le dernier chapitre, « Civilisation », qui donne son titre au recueil et qui sera développée plus tard dans les « Scènes de la vie future ».
Du tragique, surgit parfois la drôlerie, lors de la visite d'une dame patronnesse pontifiante (« La dame en vert ») où l'on imagine volontiers, dans le rôle propre à déclencher l'hilarité salvatrice du pauvre Rabot, Carla Bruni ou mieux encore Arielle Dombasle sur le mode déclamatoire ! « Un enterrement » décrit les affres d'un bureaucrate galonné qui ne sait selon quel rite inhumer un officier que l'aumônier a fait communier abondamment durant son agonie, mais dont un ami officier de passage indique qu'il est israélite.
Le nombre de mort, dont il est tenu une comptabilité minutieuse, comme le montre Bertrand Tavernier dans son film, « La vie et rien d'autre » et les erreurs dans les comptes suscitent des solutions expéditives, dont l'armée a le génie (« le cuirassier Cuvelier »).
« Chiffres » et « La discipline » vont plus loin dans l'analyse du système : le cynisme du commandement, l'obséquiosité de la hiérarchie intermédiaire, sont des figures éternelles dont le philosophe Alain, engagé volontaire lui aussi, fera l'analyse profonde et définitive dans « Mars ou la guerre jugée ».
Ainsi oscille-t-on, au gré des ces récits, entre le réalisme de Tardi « C'était la guerre des tranchées, 1914-1918 », la dérision de M*A*S*H, la comédie satirique de Robert Altman réalisée à partir du roman de Richard Hooker, l'émotion de « La chambre des officiers » de Marc Dugain, (bien rendue dans le film de François Dupeyron), l'horreur décrite par Maurice Genevois, Henri Barbusse, Roland Dorgelès, l'américain William March de la Compagnie K, et les autres romanciers de la Grande Guerre.

Mais qui, mieux que Giono (dans "Recherche de la pureté", préface aux « carnets de moleskine » de Lucien Jacques in « Ecrits pacifistes ») aura su dire le cauchemar des tranchées ? Il y a là le plus terrible réquisitoire contre la guerre.
Comment ne pas penser qu'il y a eu, pendant cette période, comme une accoutumance à l'horreur et au mépris de la vie, qui aurait aidé à supporter 39-45, en mithridatisant les esprits et les sensibilités. Il était pourtant normal qu'il y ait des réactions à la description de l'enfer. Mais on sait le sort réservés aux rébellions de poilus et l'iniquité des exécutions. Il aura fallu presque un siècle pour le reconnaître. le pacte Briand-Kellog qui mettait en 1928 la guerre «hors la loi» n'a pas empêché son prompt retour. Et les antifascistes, devenus pacifistes, seront suspects pendant le seconde guerre mondiale. Giono, qui avait dit ces choses, ira en prison. Alain connaitra une forme de disgrâce.
Civilisation 1914-1917 reçoit en 1918 le prix Goncourt. L'année suivante c'est Marcel Proust qui l'obtient pour A l'ombre des jeunes filles en fleurs. Puis ce sont les années dites "folles". Mais n'ont-elles jamais cessé ?
Lien : https://diacritiques.blogspo..
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