C'était pas quelque chose à voir, c'était quelque chose qu'on savait. Cette chose-là on croit qu'on devrait pouvoir dire ce que c'était...en même temps on sait que c'est impossible à dire... C'est personnel...on croit que soi on pourrait...on devrait y arriver... et puis non...
Quand Jeanne était petite, tellement elle regardait le feu, tellement le feu la fascinait que la mère l'avait montrée à la consultation municipale. [...] la seule chose à éviter c'était de la laisser seule avec le feu parce que cet excès qu'elle avait en elle, elle ne ressentait pas qu'elle le portait, comme sa beauté, son rire. alors elle pouvait l'oublier et perdre la tête à trop regarder le feu. Et cela jusqu'à allumer des incendies dans sa propre maison, avait-on dit.
Toutes les vies étaient les mêmes disait la mère, sauf les enfants. Les enfants on ne savait rien.
Pour les enfants,la mort c'était ne plus voir les parents.
Ils étaient restés ainsi,silencieux et les yeux baissés,cachés à eux mêmes comme les amants de la nuit récente.
Ils parlaient à voix basse de crainte de gêner les voyageurs, ils n’avaient pas remarqué que ceux-ci les écoutaient avec passion.
« L’enfance, dit Ernesto, il regretta, beaucoup, beaucoup. Ernesto se mit à rire et à faire des baisers en direction des brothers et sisters. La Neva, encore. Une pénombre grandissante envahit la casa. La nuit vient. L’amour, dit Ernesto, il regretta. L’amour, répète Ernesto, il regretta au-delà de sa vie, au-delà de ses forces. L’amour d’elle. Silence. Jeanne et Ernesto ont fermé les yeux. Les ciels d’orage, dit Ernesto, il regretta. La pluie d’été. L’enfance. »