Je viens de refermer ce livre et j'avoue être perplexe. Une copine me l'a prêté, la photo de couverture semble issue de celles de l'enfance de mon père... poussée par la curiosité je me suis lancée.
L'histoire semble, malgré l'accumulation de problèmes tous plus invraisemblables les uns que les autres, assez commune. Les "colons" de retour en métropole, ont pour la plupart vu leur niveau de vie chuter. Des femmes n'ayant jamais touché un balai ou une casserole se sont retrouvées à élever seules leurs (très) nombreux enfants (pas de contraception à l'époque). L'hystérie de la mère de famille, érigée en dragon domestique, me paraît compréhensible et, de nos jours, serait probablement prise en compte et soignée pour ce qu'elle est : une grave dépression. La morale est finalement que les nobles et grands bourgeois ne valent pas mieux que les autres et que, confrontés à la réalité dont ils étaient préservés, ils survivent comme ils peuvent. Une évidence.
D'après l'auteur lui-même, il a déjà écrit cette histoire familiale dans "
Priez pour nous", avec des conséquences dramatiques sur sa famille : la rupture avec la totalité de ses frères et soeurs et un divorce. Pourtant, il renouvelle l'expérience, sans plus se poser de questions sur le mal qu'il peut faire, ou s'interroger sur le ressenti de ses proches. Il aurait été intéressant, dans cette seconde mise à nu qu'il leur impose, qu'il les questionne sur leurs souvenirs, leurs impressions sur les évènements. Car on sait bien que le même événement sera vécu différemment selon sa place dans la fratrie et sa personnalité. Mais non.
Lionel Duroy semble être trop égocentrique pour ne serait-ce qu'envisager une idée différente de la sienne.
Concernant le style, des phrases de plus de dix lignes, avec de nombreuses parenthèses, montrent que la colère n'est pas retombée des décennies après les faits. Elles n'allègent pas l'ambiance globale et montrent combien l'auteur a du mal à prendre du recul.
"J'étais bien placé pour savoir combien les livres peuvent être destructeurs, et cependant je ne connaissais pas de plus sûr moyen de garder auprès de soi ceux que nous aimons le plus", écrit
Lionel Duroy à la fin de son livre. Il montre ainsi que, paradoxalement, on peut être lucide et ne pas apprendre de ses expériences. C'est dommage parce que l'époque d'après-guerre et l'évolution des idées (sur la collaboration, le général
De Gaulle, la colonisation, etc.) étaient intéressantes.