Ma première rencontre avec Umberto Eco ne fut pas une réussite. Un bac blanc de français, un horrible voyage avec un saumon et une très mauvaise note plus tard, j'éprouvai pour lui une forte aversion qui me tint éloignée de ses écrits pendant plus de 20 ans ! Et puis, comme on dit, il n'y a que les imbéciles qui ne changent pas d'avis ; alors contrairement à mes habitudes, j'ai cédé aux sirènes de la médiatisation qui, depuis qu'il a eu le culot de disparaître ne tarissent plus d'éloges sur cet immense génie – mais combien de ces journalistes éplorés avaient déjà posé les yeux sur un de ses textes auparavant ?! – et j'ai donc ouvert avec une appréhension non dissimulée « Le nom de la rose ». Et je l'ai lu. Et j'ai aimé !
Dire qu'on est en présence d'un roman facile à lire serait un mensonge plus qu'éhonté. Umberto Eco est un linguiste de génie qui n'hésite pas à faire dans l'obscurantisme. Entre les passages en latin non traduits, l'étalage parfois indigeste de savoir ou encore une concentration de mots inconnus à faire pâlir Bernard Pivot, cette lecture fut tout sauf reposante. Mais je me suis accrochée et j'ai fini par vraiment accrocher ! Au final j'ai appris plein de choses, et j'ai également dévoré bon nombre de pages Wikipedia, de St François d'Assises à Aristote en passant par le ténébreux pape Jean XXII !
Certains ont réduit ce livre à un roman policier. D'autres se concentrent plutôt sur le côté théologique voire philosophique du récit, et d'autres encore y voient une leçon d'histoire ou un traité d'art médiéval. Pour moi, il est tout à la fois ! Et c'est justement cette pluralité qui lui confère sa singularité.
Sagesse et connaissance – qu'on réunissait alors sous le terme de sapience – sont le coeur et l'âme du texte ; et la bibliothèque, écrasant personnage principal en est le symbole. Entre les références aux manuscrits célèbres qu'elle cache en son sein et la présence dans le noeud de l'intrigue de grandes figures historiques telles que Michel de Césène, Ubertin de Casale ou encore l'impitoyable Bernard Gui, la réalité se fond dans la fiction à tel point qu'on en perd parfois la notion. Les débats politiques semblent incroyablement actuels : remplacez la pauvreté du Christ par le code du travail, la légitimité du pape par celle de notre président et vous vous croirez à l'Assemblée Nationale un mercredi après-midi (ou au bar PMU du coin de la rue, c'est selon).
L'aspect thriller quant à lui est parfaitement maîtrisé. Des secrets, des morts, des complots... le tout impeccablement mis en valeur par la sagacité de Guillaume, véritable Sherlock Holmes des temps anciens (et on ne me fera pas croire que le choix du patronyme Baskerville fut fortuit) et de son ingénu Adso-Watson. J'avais de vagues souvenirs du film qui m'ont permis d'assembler les pièces du puzzle assez facilement, mais je pense que sans cela j'aurais été soufflée par le dénouement.
Je viens tout simplement, alors que je ne m'y attendais pas, de lire un véritable chef-d'oeuvre ! J'en arrive même à penser que, peut-être, un jour, j'oserai affronter « Le pendule de Foucault ». A présent, tout est possible !
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