Première découverte du « Maître » avec cette novella, réputée abordable dans ses thématiques. Me voilà donc propulsée vers
Cérès et Vesta de
Greg Egan, un auteur australien réputé pour sa hard SF… hard. Décoiffante, mais pas facile d'accès. Alors quand on me vend une novella « facile », je signe. Alors certes, c'est abordable et compréhensible. Malgré tout, ça n'a pas été l'extase espérée.
Cérès et Vesta nous dépayse sans le faire vraiment. Et c'est là sa force principale selon moi.
La novella dépayse par le voyage sur ces deux astéroïdes colonisés, engagés dans un ballet roche-glace. Ca va, ça vient, ça repart, le duo alliance/répulsion qui fonctionne bien, un équilibre fragile qui nous donne l'impression d'être un funambule entre les deux.
L'auteur donne à lire des pages pleines de vraisemblance sur le plan scientifique, et j'ai effectivement trouvé le propos lisible, compréhensible – il faut dire que l'auteur explique pas mal. Ca ça a été une bonne surprise. J'imagine que pour des amateurs purs et durs, ça peut être un peu barbant parfois. En attendant, moi je n'ai jamais été perdue dans cette novella et c'est appréciable.
Et en même temps, malgré ces lieux qui nous paraissent lointains et inhospitaliers, on a une impression de déjà-vu. Car l'auteur transpose dans un autre univers des sujets sociétaux, diplomatiques et politiques fort bien connus. C'est intelligent et démontre la nature universelle de l'humain. Où qu'il se trouve, il reproduit les mêmes schémas, les mêmes erreurs.
L'auteur jongle avec l'ostracisme, l'effet de meute, les politiques populistes, la fuite de migrants… Evidemment, cela est d'une pertinence incroyable et offre des échos à notre actualité particulièrement palpables.
Par contre, c'est à peu près tout ce qui m'a plu dans
Cérès et Vesta. Ca peut paraître pas mal déjà, mais c'est trop léger à mon goût. Parce que quand je lis de la fiction, je ne m'attends pas à une page wikipedia. Alors si je saisis les concepts, tant mieux, mais enfin pour moi l'intérêt d'une fiction réside ailleurs. Et là, j'ai eu du mal à en trouver.
L'alternance des deux points de vue est réglée comme du papier à musique, et n'apporte pas grand chose. En effet, on a une planète problématique d'un côté vs une planète où tout roule de l'autre. Et comme choix de protagonistes, l'auteur choisit une victime ostracisée pour la première et une gentille aux nobles principes de l'autre. Alors forcément, la confrontation des points de vue m'a semblée un peu vaine, tant elle enfonce des portes ouvertes. Il n'y a pas vraiment de dialogue vraiment constructif entre ces deux points de vue.
Et il manque cruellement d'autres regards pour avoir une vue plus complexe de ce qui est en train de se jouer. Car l'énorme sac de noeuds qui nous est présenté ici n'est finalement abordé que du point de vue de deux seules personnes. C'est maigre, pour un conflit de la sorte. Ca manque de contexte, de remise en perspective, d'autres angles de vue, de strates décisionnelles supplémentaires… Bref, pas assez de corps pour un conflit de cette ampleur.
Alors oui,
Cérès et Vesta aborde beaucoup de sujets. Mais pour le coup, trop, et traités assez superficiellement. Là encore ça manque de corps. de profondeur, pour bien saisir tout ce qui se joue ainsi que les racines de ces maux. Les flash-backs apportent un peu de matière, mais pas suffisamment pour rendre le propos moins binaire et plus étoffé. Et c'est dommage, car selon moi, on ne fait qu'effleurer les choses, sans les approfondir. Et du coup, le propos est beaucoup moins percutant.
D'autant moins percutant que le texte saute du coq à l'âne entre personnages et époques, rendant le suivi du fil rouge compliqué. Encore plus compliqué quand l'auteur choisit de faire des ellipses après des moments de (rare) tension extrême… Super dommage ! Comment vivre ces événements conflictuels, comprendre le désespoir de Camille et palper la violence qui plane si, lorsque celle-ci atteint son paroxysme, elle est complètement occultée ?
Enfin (non c'est pas fini), l'écriture n'est pas mauvaise du tout, mais m'a semblé fort commune. Je ne demande pas à avoir de la prose poétique non plus, mais enfin, rien qu'une prose un peu plus romanesque et moins wikipédiesque ce serait pas mal, non ? de ce fait, je n'ai pas été transportée par cette plume, qui ne m'a pas fait ressentir grand chose, il faut bien l'avouer.
Quand les personnages se réjouissent, ont peur, rien ne se dégage des mots qui restent de l'encre sur le papier. Pas un zeste d'émotions n'est venu donner un peu de goût à cette novella très plate à mon goût. Comme un taboulé sans épices. Vous avez déjà mangé de la semoule sans assaisonnement ?