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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Oh la Vache (*) !
Ça démarre très très fort, avec trois chapitres d'introduction jubilatoires, et ça continue pareil.

L'Immeuble Yacoubian m'avait émerveillé ; Chicago m'avait ennuyé et j'avais lâché l'affaire. Mais là, ça cogne dès le début et ça y va ensuite joyeusement de plus belle. C'est drôle ET consternant.

On est rapidement pris à la gorge par ces destinées individuelles qui se croisent sur la place Tahrir et autour de la révolution égyptienne de 2011. La première moitié se déroule durant la montée en puissance du mouvement, jusqu'à chute de Moubarak.
Il y a alors, pile au milieu du livre, un chapitre charnière où se met en marche la riposte des institutions qui sont alors au bord du gouffre.
Et puis, après une courte euphorie liée au sentiment de victoire, la seconde moitié est celle de la mise en oeuvre de la contre-attaque, la répression et le début du retour à la « normale ».

Le roman s'arrête avant la victoire des Frères Musulmans aux législatives de 2012, qui sera suivie par le coup d'état de 2013 et le retour complet à la situation pré-révolutionnaire, celle d'un pays aux mains du complexe militaro-industriel mafieux qui verrouille une société très conservatrice aux marge de laquelle les islamistes restent en embuscade. Je me demande si l'auteur écrira sur cette période, cela pourrait être aussi passionnant.

Le diagnostic de l'auteur sur l'état de la société égyptienne n'a pas fondamentalement changé depuis son Immeuble Yacoubian. Là, il le confronte aux évènements exceptionnels qu'a traversé l'Egypte dans la première moitié de la décennie 2010. Sa plume redevenue formidable nous fait ressentir l'espoir qui est né, qu'il a probablement partagé, et comment il a été étouffé.
C'est finalement très dur, voire désespérant, même si une partie des protagonistes conserveront malgré tout leur foi dans la lutte pour un avenir meilleur. Pour les autres, les tenants de la dictature comme la partie dégoutée des révolutionnaires, il y a une fatalité égyptienne, un peuple dont la mentalité multi-millénaire d'esclaves rend tout changement impossible. C'est d'ailleurs une thèse que j'ai entendue dans la bouche d'amis égyptiens, de la tendance « intellectuels opposants mais résignés ».

Côté écriture, les ficelles sont parfois un peu grosses, mais ça passe.
La première phrase semble une allusion au début de la recherche, comme un clin d'oeil. Les « destins croisés » de ses personnages se traduisent par une succession de courts chapitres, souvent terminés par un cliffhanger. Il y a un moment où ça commence à faire un peu artificiel et puis ça se tasse. Des liens se créent entre des personnages initialement lointains, mais comme ils ne sont pas surexploités comme ressorts de l'intrigue, cela ne devient pas lourdingue. Au final, ces quelques artifices ne nuisent pas aux histoires et personnages tellement ils sont prenants.



(*) En référence à la sourate de la Vache dont la lecture, paraît-il, écarte durant trois jours le démon de la maison où elle a été lue. Puisse sa mention écarter le démon de cette critique !
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La révolution égyptienne a fait couler beaucoup d'encre. Déjà, à l'époque, je me doutais ne connaître qu'une infime partie de ce qui s'y déroulait, de ses causes et de ses conséquences. J'avais suivi les nouvelles, ce qui se passait au Caire, ce qu'on racontait sur les réseaux sociaux. Les grandes lignes, quoi ! Mais très peu sur les destins individuels brisés par l'oppression. J'avais une vague idée de la corruption qui régnait en Égypte, des abus de la police ou de l'armée. Lesquels ? Je n'aurais pu le dire. Un peu de torture, sans doute. Eh bien, les choses étaient bien pires que ce qu'il me semblait. L'auteur Alaa El Aswany a mis des mots sur tout ça en replongeant dans ces événements avec son roman J'ai couru vers le Nil. Les Égyptiens qui manifestaient sur la place Tahir, qui y campaient, ce n'était qu'une partie seulement de ce grand mouvement. Il y a un autre côté à ces images presque festives, celui des êtres humains bafoués, au bord du désespoir, opprimés, torturés… tués Et El Aswany décrit tout, en long et en large. Des ouvriers privés de leurs revenus, d'autres de leur travail ; un étudiant en médecin abattu à bout portant par un soldat ; une jeune enseignante malmenée par son supérieur et ses collègues parce qu'elle refuse de porter le voile ; des jeunes filles soumises à des tests de virginité au commissariat, devant des hommes. Quelle cruauté ! Ceux qui démontre de la sympathie ou qui viennent en aide aux manifestant subissent la pression des membres de leur famille, des voisins, des autorités religieuses pour les forcer à abandonner la lutte. Ouf ! Ce roman fut difficile, plus que je ne l'aurais cru. Les rares moments joyeux étaient souvent suivis d'autres, sombres. Les fols espoirs vite envolés. Même quand Hosni Moubarak démissione, les cris de joies ne résonnent guère longtemps. Ils s'évanouissent quand tous se rendent compte que l'élite est toujours en place et que rien n'a changé. Pire, il y a une campagne de désinformation visant à manipuler les foules pour saquer l'héritage de la révolution. Puis l'injustice continue. El Aswany livre un roman choc, réaliste, un cri du coeur pour quiconque aime l'Égypte et espère que les choses changent vraiment… un jour.
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Le livre s'ouvre sur une scène de torture et se termine sur une exécution. Entre les deux, l'espoir démocratique fait long feu.
Il est très difficile de critiquer ce texte sur un plan littéraire. Il commence comme un roman sud-américain, dans un équilibre très réussi entre la farce et la tragédie. Mais très vite, l'auteur se fait chroniqueur et insère dans son livre des témoignages bruts; et de la littérature il ne reste que des trucs sans intérêt comme le cliffhanger qui clôt maladroitement chaque chapitre.
La chronique est passionnante et saisit les rouages de la dictature avec précision: les petits arrangements avec la conscience, la recherche désespérée de sécurité pour les plus démunis, la soumission de la femme, l'omniprésence de la religion, le rôle des médias... on voit comment un régime autoritaire s'accommode très bien de la mythologie révolutionnaire : le peuple avec nous, l'ideal transcendant au-dessus de nous et ceux qui ne sont pas avec nous contre nous.
Livre à lire, donc, passionnant, pertinent et utile. Mais loin du chef-d'oeuvre annoncé, il ne nous parle que de politique et non pas de la complexité humaine.
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Nourhane est présentatrice à la télévision, elle est prête à tout pour gravir les échelons mais comme toutes les bonnes musulmanes elle est une courtisane obéissante dans le lit de son mari de façon à étancher son désir et le fortifier contre le péché.

L'auteur nous décrit d'abord l'Égypte de Moubarak, un régime répressif et corrompu où tout le monde est surveillé par la sécurité. Une société arriérée, soumise à l'hypocrisie d'une religion où l'injustice est la règle. « Il est hors de questions d'épouser quelqu'un qui te soit inférieur, la Loi de Dieu l'interdit. »

Ensuite, ce sont les manifestations au Caire, à Alexandrie et dans d'autres villes, « La place Tahir est noire de monde, des Égyptiens ordinaires, de toutes les classes sociales, des femmes voilées, d'autres têtes nues. Ils sont prêts à changer le pays, à en payer le prix. On avait le sentiment que nous étions en guerre. »

L'ancien régime ne s'est pas rendu, il n'a sacrifié Moubarak que pour se maintenir, les forces armée alliées aux frères musulmans n'hésitent pas à lancer une guerre civile, insécurité généralisée, ouverture des prisons, libérations des criminels pour terroriser les Égyptiens, les convaincre que la révolution est un complot.
La répression est terrible, les témoignages de victimes des exactions, des humiliations, des tortures, se succèdent. « Mais par la suite, j'ai vu des tanks qui allaient et venaient, toujours aussi vite, en zigzag dans la rue. Quand ils voyaient un groupe de gens qui essayaient de s'enfuir, ils se précipitaient sur eux, montaient sur les trottoirs et les écrasaient… »

Bien entendu, l'auteur nous décrit, sans aucune censure toutes les horreurs commises, mais son écriture sait manier aussi l'humour pour nous raconter l'hypocrisie et la corruption du système, encouragée par les religieux qui ne sont pas les derniers à en profiter. Il sait aussi faire ressortir toute la sensualité de l'épouse qui comme la religion lui demande, fait tout avec son corps pour éloigner son mari de la tentation et du péché, ce sont vraiment des passages savoureux.

Une fin particulièrement triste où devant l'échec de ce soulèvement, la seule issue semble l'exil pour être une personne, alors que dans son pays on n'est plus rien. Un roman que j'ai trouvé très courageux, car l'auteur n'épargne pas ses critiques ni envers les hommes politiques civils ou militaires ni envers les religieux. À noter qu'à ce jour ce roman est interdit de publication en Égypte.

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Les révolutions arabes ont fait souffler un grand vent de liberté en 2011 dans le monde entier. Que ces pays prédisposés à l'obéissance, soumis à la loi islamique, se rebellent, c'était un signe fort, celui d'un véritable renouveau. Pourtant, aujourd'hui, les régimes autoritaires ont rétabli leur main mises sur les pays du Magreb. Alaa El Aswany nous explique, à travers un roman polyphonique grandiose, comment est née la révolution égyptienne, les espoirs qu'elle a suscité, et la répression terrible dont elle a souffert. Au-delà du mouvement révolutionnaire seul, il s'intéresse aux hommes et aux femmes derrière l'occupation de la place Tahrir, aux morts et aux blessés, mais aussi aux potentats du pouvoir, justifiant leur violence à l'égard des manifestants par des interprétations discutables du Coran et des hadîth.

J'ai couru vers le Nil n'est pas un livre sur l'Egypte, mais un livre sur les Egyptiens. Il nous éclaire sur le quotidien d'une famille, riche ou pauvre, corrompue ou honnête, dans l'Egypte de 2011, celle d'Hosni Moubarak. A travers les lettres d'Asma et Mazen, et les réflexions de chacun des personnages, c'est tout une prise de recul sur la société dans son ensemble que nous propose l'auteur. A force d'ironie et de caricatures, il exprime son mépris pour les hypocrites pratiquant une religion de façade leur permettant de sauvegarder leur statut social et leurs privilèges, au détriment de la liberté, de la justice sociale et de la démocratie participative. le général Alouani et Nourhane sont des exemples très réalistes des dérives d'une religion sans morale, où le port du voile et les prières quotidiennes suffisent à faire un bon musulman, même s'il torture, tue ou ment.

Un livre magistral à la rencontre de la révolution égyptienne, un récit atroce de réalisme sur les massacres et des humiliations perpétrées par le régime, et surtout un roman invitant à la réflexion sur les grands principes démocratiques que nous prenons pour acquis, sur les droits des uns et des autres et sur la religion, ses dérives et sa force.
Lien : https://theunamedbookshelf.c..
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Le titre est une phrase issue du témoignage d'un participant aux rassemblements pacifiques qui ont eu lieu début 2011 en Egypte et ont fait partie de ce que l'on a appelé “les printemps arabes”.
L'auteur de l'Immeuble Yacoubian réunit ici un certain nombre de personnages représentatifs de ceux qui ont été les acteurs des révoltes de jeunes qui ont permis la chute de Moubarak. Sans d'ailleurs vraiment changer quelque chose aux violences policières et militaires ni à la corruption. Il y a ceux que j'appellerais les hypocrites ayant toujours Allah à la bouche mais corrompu jusqu'à l'os, comme le général Allaoui tortionnaire, le cheikh guide spirituel qui se range du côté du pouvoir. Avec une mention spéciale pour une jeune femme Nourhane qui sous couvert de soumission à l'Islam manipule les hommes dans son seul intérêt. L'ironie dont fait preuve l'auteur à son égard est très amusante.

De l'autre côté, il y a les jeunes, Damia, fille de Allaoui qui tout en respectant la religion veut vivre selon son coeur et sa conscience. C'est aussi le cas de Asma et des amoureux de ces jeunes filles Kahled et Mazen. Il y a aussi une famille copte de grands bourgeois dont le mari d'abord indifférent va soutenir la révolution. Et Madani, père modèle qui perd son fils tué froidement par un militaire. D'autres encore...

Beaucoup de personnages attachants ou révoltants pour faire vivre de l'intérieur ce printemps arabe qui n'a pas tenu ses promesses.

Un roman que je recommande.
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La révolution égyptienne vue par ceux qui l'ont faite et perdue. L'auteur a certainement forcé le trait mais les faits sont durs et la démonstration efficace. le texte qui présente toute une série de personnages sans autre lien entre eux que leur participation à cette révolte, fait presque autant reportage que roman. La lecture est agréable même si l'alternance permanente d'un personnage à l'autre n'est pas ce que je préfère. Par ailleurs, le livre appelle à une suite car le sort des personnages reste en suspens. Il manque cependant pour cela un peu de recul historique.
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Si les dictatures sont plus nombreuses que les démocraties, il est parfois des moments où le renversement de l'ordre établi semble possible.

Des révolutions populaires qui éclatent pour réclamer justice et liberté.

Ce fut le cas notamment en Égypte, en 2011. Lorsque la place Tahrir s'emplit de gens rêvant et luttant pour un meilleur pays. En effet, « la morale sans religion est meilleure que la religion sans morale » comme le dit l'un des personnages.

Car cette société égyptienne est gangrenée par la corruption, les passes-droits, les violences. Commises par des gens respectables, des religieux qui maquillent de préceptes religieux leurs aspirations égoïstes.

Mais Khaled, Dania, Achraf, Akram, Mazen et Asma ne baissent pas les bras. Ils sont les visages de l'auteur pour nous conter cette révolution.

Et celle-ci est belle. Portée par des souhaits progressistes et humanistes, fraternels.

Mais les révolutions sont brisées. Par celles et ceux qui sont au pouvoir, qui brassent de l'argent pour manipuler l'information, pour briser ceux qui ont choisi de lutter. Anarchie organisée, désinformation, libération de prisonniers…tous les moyens sont bons.

Les révolutions sont aussi trahies par le peuple, qui observe les manifestants depuis son balcon, qui attend de savoir qui gagnera avant de se prononcer.

La révolution a-t-elle fait progresser l'Égypte ? le peuple égyptien méritait-il ses jeunes qui ont tout sacrifié ? Pour certains oui, pour d'autres non. À vous de vous faire votre propre opinion en lisant ce magnifique roman, servi par une plume magnifique, sensuelle.

Un roman qui se lit la colère au coeur et les larmes au bord des yeux.

Un roman à découvrir absolument !
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Un très beau roman recouvrant la période de la révolution égyptienne à travers différents personnages avec leurs histoires distinctes (qui parfois peuvent s'entrecouper avec un autre personnage) et ils ont tous eu un rôle dans la révolution.
Le roman est construit historiquement et critique ouvertement la politique de cette époque expliquant les raisons de cette révolution.
Ce roman m'a remémoré cette période particulière mais a aussi approfondi mes connaissances, c'était vraiment intéressant tout en suivant le cours des différentes histoires passionnantes elles aussi.
C'est un livre qui restera en mémoire pour ma part et qui nous fait réfléchir.
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Roman polyphonique qui relate la révolution égyptienne de 2011. À travers les récits des différents personnages, Alaa al Aswany revient sur les épisodes du soulèvement du 25 janvier: de la montée de l'espoir, au rêve de démocratie et à la fin l'échec et la désillusion.
D'un point de vu littéraire ce n'est certes pas le meilleur roman de l'auteur, mais son intérêt réside dans le fait qu'il documente et donne un témoignage historique de cette période trouble.
Et le plus important c'est qu'il fait une analyse critique de la société égyptienne et du régime militaire. Il nous pousse aussi à réfléchir sur les causes de l'échec de cette tentative de révolution.
J'aime beaucoup cet auteur et je conseille vivement ce roman.
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