American Psycho, c'est la prétention de se croire seul sur terre.
Bateman est un cliché. Une marionnette à bretelles, sans personnalité.
Soldat du libéralisme, il se réduit lui-même à la marque de son gel douche, son titre de Vice-Président, ou au bout de carton de sa carte de visite. Comme un produit. Avec un léger cynisme car il lui reste encore un semblant de sensibilité. Ce monde lui donne la nausée. Il le rejette avec horreur. Son sourire de façade masque la colère qui l'habite. Son visage angélique tranche avec la violence des mots qu'il emploie.
Bateman est malheureux car il s'est noyé bêtement dans la fange de Wall Street où il a voulu faire trempette à ses dépens. L'idée qu'il puisse n'être qu'un yuppie parmi les autres lui est intolérable. Alors il se plaint car c'est sa seule manière d'exister. Il veut qu'on le plaigne d'être un banquier de Wall Street.
Malheureusement pour lui, il n'a pas le monopole du dégoût. Il est comme les autres. Un banquier d'affaires aux dents longues comme les autres. Tout comme lui, ils ont autant horreur du monde. Les centres d'affaires sont remplis de gens qui se détestent.
Bateman continue, comme les autres. Il ne démissionne pas, comme les autres. Certes, il a des envies de meurtres – sans être capable de passer à l'acte. Avec ses collègues, il construit le monde du ressentiment. En vérité, il n'a rien d'un monstre. Il est comme tout le monde. Complètement humain.