Challenge Pavés 2014/2015 (517 pages)
Challenge ABC 2014/2015
Challenge Variétés 2015
Catégorie : Un livre avec des personnages non humains
Chef d'oeuvre !
Alors que je viens de refermer ce livre je me demande encore pourquoi je ne l'ai pas lu plus tôt ! Pourtant, j'avais vu les films, le dessin animé mais je n'avais jamais touché au livre. Mieux vaut tard que jamais dit l'adage, mais quand même !
Il y a tellement à dire sur ce livre que je ne sais pas trop par où commencer. Publié en 1979 par
Michael Ende, ce roman de la littérature jeunesse allemande est un livre que tout le monde devrait lire, petits comme grands. Encore faut-il que cela soit fait dans une édition correcte, respectant le travail original de l'auteur ! Hachette vient justement de rendre honneur à ce roman dans sa dernière édition parue en 2014.
"Il souleva le livre et l'examina sous tous les angles : il était relié, de couleur bleue, et le titre étincelait quand on le manipulait. En le feuilletant rapidement, Bastien vit qu'il était imprimé en deux teintes différentes. Il n'y avait pas vraiment d'illustrations, mais des lettrines très grandes et splendides. En regardant à nouveau la reliure, plus attentivement, il y découvrit deux serpents, un clair et un foncé, qui se mordaient la queue l'un l'autre, décrivant ainsi un ovale. En dessous de cet ovale figurait le titre :
L'HISTOIRE SANS FIN" (p.11)
A deux détails près, l'emplacement du titre au-dessus de l'ovale plutôt qu'en dessous et la mention de l'auteur, cette édition correspond en tout point à la description qui en est faite dans le roman. Ce pourrait être un détail anodin et pourtant cela participe pleinement à l'immersion et surtout à la mise en abîme qui s'opère tout au long du récit. Celle-ci n'est qu'un des nombreux procédés utilisés dans ce roman.
Auparavant, je possédais une version poche (que je n'ai malheureusement jamais ouvert) jusqu'à que je tombe sur cette magnifique édition. Franchement, je suis incapable de résister à un ouvrage relié et soigné. Aussitôt vu, aussitôt acheté ! Et je suis bien content de m'être embarqué dans cette lecture au travers de cette édition tant on s'aperçoit que le simple jeu de couleurs du texte à son importance dans l'histoire. En fin de compte, une version totalement monochrome est une trahison à cette oeuvre, un peu comme si l'on publiait "Le Petit Prince" sans ses illustrations.
Le travail sur les lettrines de chaque première page de chapitre est très agréable et on se prend à rester un petit moment à les détailler. Ce soin apporté souligne également la structure particulière du récit. 26 chapitres commençant chaque fois par la lettre de l'alphabet lui correspondant : ainsi le chapitre 1 commence par un A, le chapitre 2 par un B, le 16 par un P, le 24 par un X, et ainsi de suite.
La forme accompagne donc le fond tout au long du roman. Ainsi, on remarquera également la notion du temps s'imposant régulièrement à Bastien durant sa lecture. Les heures s'égrenant une à une au fil des chapitres. Il est 9h (du matin) dans le chapitre 1, puis le clocher sonne les 10 coups, les 11 coups, etc. jusqu'aux fatidiques 12 coups de minuit dans le chapitre 12 qui accompagnent le basculement de Bastien vers le Pays Fantastique. On notera alors l'utilisation de cette heure symbolique qui est récurrente dans notre culture. A contrario, une fois Bastien projeté dans le Pays Fantastique, le temps s'efface et devient sans limite, au même titre que la géographie de ce monde merveilleux où rien n'est fixe, rien n'est délimité.
"
L'histoire sans fin" est un roman initiatique qui n'épargne à aucun moment son/ses héros. Et on comprend vite ce schéma qui veut que la renaissance et l'évolution passe par la destruction. En effet, le Pays Fantastique se maintient dans un cycle perpétuel dans lequel sa disparition est nécessaire pour perdurer. Régulièrement, un "sauveur" doit venir pour donner un nouveau nom à la Petite Impératrice afin que le Pays reprenne vie.
Ce cycle éternel de vie/mort/renaissance est enchâssé au coeur même du Pays Fantastique et s'incarne en
Graograman, ce lion gigantesque qui meurt chaque soir pour que Perelin, le bois de la nuit puisse croître, et qui renaît chaque matin pour mettre un terme à l'expansion infinie de cette forêt qui se transforme alors en Goab, un désert multicolores .
Et on ne quitte jamais totalement cette idée de devoir mourir, ne serait-ce que de manière symbolique, pour pouvoir avancer vers un autre soi, une autre étape de sa vie. Il faut accepter de se perdre pour mieux se retrouver et c'est bien ce que Bastien expérimentera
l'auteur poussant la symbolique jusqu'à un Bastien nu renaissant dans un milieu aqueux que sont les Eaux de la Vie, gardées par les deux fameux serpents se mordant la queue .
Autant la forme que le fond sont imprégnés de symboles et donnent non seulement sa profondeur au récit mais également son attrait et son universalité.
Michael Ende s'amuse même par quelques petits clins d'oeil comme cette mention faite à un ancien voyageur du nom de Schexpir. On se demandera alors un petit moment si pour être l'un des sauveurs du Pays Fantastique, il faut obligatoirement porter la triple initiale comme Bastien Balthasar Bux
ou Karl Konrad Koreander , mais la morale de cette histoire à de quoi nous rassurer.
Les films, le premier adaptant la première moitié du livre et le second l'autre moitié, ne sont, comme bien souvent, qu'un pâle reflet de ce qu'est véritablement "
L'Histoire sans fin". C'est pour moi un coup de coeur et si je ne me suis permis que des analyses succinctes plutôt qu'un résumé c'est tout simplement parce que je vous invite vivement à vous plonger dans ce livre qui est une vibrante déclaration d'amour à la littérature et une ode à l'imaginaire.