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Citations sur La femme gelée (196)

Les petites filles doivent être transparentes pour être heureuses. Tant pis. Moi je sens qu’il est mieux pour moi de me cacher. Portée à croire que ça me sauvait cette attitude, je me préservais par en dessous, les désirs, les méchancetés ; un fond noir et solide. Par le même réflexe de défense, j’avais une trouille bleue que la Vierge m’apparaisse, après j’aurais été obligée d’être une sainte et je n’y tenais pas. Je voulais voyager, manger des papayes et du riz avec des baguettes, me servir de mon mien, et devenir docteur ou institutrice.
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La tache, le mot lancinant, Marie sans tache. Comment réussir à dissimuler tout ce que je charrie comme violence et désirs. Si difficile, l'ange gardien dans le dos, Dieu qui est partout, la conscience, ce gros œil sans paupières flottant dans un coin du plafond, première leçon du livre de morale.
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"T'occupe pas de ça, travaille." Le discours maternel remet tout en place. Contraignant, mais rassurant. Pourtant il a dû laisser des traces, ce rabâchage entendu pendant douze ans, qui exalte le don de soi et le sacrifice. Le corps est sale et l'intelligence un péché. Les prières, pas le plus grave, mais les récits de saintes, Agnès, l'agneau blanc, torturée, livrée aux lions, fouettée, Blandine, même scénario, Maria Goretti un couteau en plein cœur, et Jeanne d'Arc, j'en ai pleuré en classe. (…) Fascinée. La simplicité, l'innocence, le corps pour rien, même le fin du fin qu'il soit martyrisé, couvert de scrofules comme sainte Germaine. Elles ont fait le sacrifice de leur vie, rien ne saurait être plus agréable à Dieu, petites filles. Sucer avec délices des souris en caramel, grimper à la corde lisse, bavarder dans les rangs, tout cela est vaguement faute. Faire des sacrifices, le leitmotiv, par exemple s'empêcher de parler quand on en a envie, se priver de dessert, faire la vaisselle à la place de maman, toutes les fois que vous n'avez pas envie de faire quelque chose faites-le. Avoir son carnet de sacrifices, les noter. Il y en a qui noircissaient le carnet, numérotaient. Émulation dans la négation de soi.
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Oedipe, je m’en tape. Je l’adorais aussi, elle.
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La cocotte-minute, cadeau de mariage si utile vous verrez, chantonne sur le gaz. Unis, pareils. Sonnerie stridente du compte-minutes, autre cadeau. Finie la ressemblance. L'un des deux se lève, arrête la flamme sous la cocotte, attend que la toupie folle ralentisse, ouvre la cocotte, passe le potage et revient à ses bouquins en se demandant où il en était resté. Moi. Elle avait démarré, la différence.
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faire de la vie, ça dépend de quel point de vue on se place, du mien ça ressemble à une marche vers la mort
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Femmes fragiles et vaporeuses, fées aux mains douces, petits souffles de la maison qui font naître silencieusement l'ordre et la beauté, femmes sans voix, soumises, j'ai beau chercher, je n'en vois pas beaucoup dans le paysage de mon enfance.
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Et puis quoi c'est que tu ne sais pas t'organiser. Organiser, le beau verbe à l'usage des femmes, tous les magazines regorgent de conseils, gagnez du temps, faites ci et ça, ma belle-mère, si j'étais vous pour aller plus vite, des trucs en réalité pour se farcir le plus de boulots possible en un minimum de temps sans douleur ni déprime parce que ça gênerait les autres autour. Moi aussi, j'y ai cru au pense-bête des courses, aux réserves dans le placard, le lapin congelé pour les visiteurs impromptus, la bouteille de vinaigrette toute préparée, les bols en position dès le soir pour le petit déjeuner du lendemain. Un système qui dévore le présent sans arrêt, on ne finit pas de s'avancer, comme à l'école, mais on ne voit jamais le bout de rien.

(p. 155 -Éd. Folio)
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Dans les rues, rues sans nom, rues-énigmes de l'Ecole sans ecole, de l'Enfer, rues à cités pleines d'enfants qui s'arrêtent de jouer pour nous dévisager, rues à villas hantées d'êtres invisibles derrière des rideaux de dentelle. Toujours à l'affût du bizarre et du nouveau, démolitions avec les chambres à ciel ouvert, réclames peintes sur les murs, oeils-de-boeuf des maisons riches. Rues des vitrines de Noël, à faim profonde, il fait froid, promenée devant les crèches et les sapins, enfin assouvie dans les volutes et le dôme délicat d'une religieuse. Il y avait les jours exceptionnels, la découverte absolue : le voyage à Rouen.
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En deux ou trois ans je vais devenir une fille évidée d'elle-même, bouffée de romanesque dans un monde rétréci aux regards des autres. (p. 62)
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