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Citations sur La femme gelée (196)

Je n'ai pas regimbé, hurlé ou annoncé froidement aujourd'hui, c'est ton tour, je travaille La Bruyère. Seulement des allusions, des remarques acides, l'écume d'un ressentiment mal éclairci. Et plus rien, je ne veux pas être une emmerdeuse, est-ce que c'est vraiment important, tout faire capoter, le rire, l'entente, pour des histoires de patates à éplucher, ces bagatelles relèvent-elles du problème de la liberté, je me suis mise à en douter. Pire, j'ai pensé que j'étais plus malhabile qu'une autre, une flemmarde en plus, qui regrettait le temps où elle se fourrait les pieds sous la table, une intellectuelle paumée incapable de casser un œuf proprement. Il fallait changer.
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Naïveté de ma mère, elle croyait que le savoir et un bon métier me prémuniraient contre tout, y compris le pouvoir des hommes.
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Le minimum, rien que le minimum. Je ne me laisserait pas avoir. Cloquer la vaisselle dans l'évier, coup de lavette sur la table, rabattre les couvertures, donner à manger au Bicou, le laver. Surtout pas le balai, encore moins le chiffon à poussière, tout ce qui me reste peut être du Deuxiéme sexe.
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Je n’ai pas été effondrée ni hurlante. Une conclusion cynique et logique, ça le mariage, choisir entre la déprime de l’un ou de l’autre, les deux c’est du gaspillage. Evident aussi que ma place était auprès de mon enfant et la sienne au cinéma, non l’inverse. Il y est allé. Après il ira au tennis l’été, l’hiver au ski. Je garderai, je promènerai le Bicou. O les beaux dimanches… […]
Bien sûr, en dehors de la bouffe, de l’enfant et du ménage, je suis métaphysiquement libre. […] il avait beau jeu de me jeter à la figure mes principes d’avant, être indépendants l’un de l’autre, ne pas rester soudés pour ne pas se limiter…etc.
A moi le dîner du Bicou et pour moi la bouffe ne viendra pas toute seule dans l’assiette. Les cours, quand l’enfant dormira. Lui, il regardera la télé. Je ne suis pas prof, je ne serai jamais prof, mais une femme-prof, nuance … […] Le même travail qu’un homme, mais jamais perdre de vue son intérieur, le déposer à la porte du lycée et le reprendre à la sortie. Le soir, en versant le paquet de spaghettis dans l’eau bouillante, avec le Bicou tournicotant autour de moi, j’ai l’impression d’une vie encombrée à ras bord, pas la place d’y fourrer la plus petite goutte d’imprévu, la moindre curiosité.
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Papa-bobo précipité avec inquiétude sur mon genou saignant, qui va chercher les médicaments et s'installera des heures au chevet de mes varicelle, rougeole et coqueluche pour me lire Les Quatre Filles du docteur March ou jouer au pendu. Papa-enfant, "tu es plus bête qu'elle", dit-elle. Toujours prêt à m'emmener à la foire, aux films de Fernandel, à me fabriquer une paire d'échasses et à m'initier à l'argot d'avant la guerre, pépédéristal et autres cezigue pâteux qui me ravissent. Papa indispensable pour me conduire à l'école et m'attendre midi et soir, le vélo à la main, un peu à l'écart de la cohue des mères, les jambes de son pantalon resserrées en bas par des pinces en fer. Affolé par le moindre retard. Après, quand je serai assez grande pour aller seule dans les rues, il guettera mon retour. Un père déjà vieux émerveillé d'avoir une fille. Lumière jaune fixe des souvenirs, il traverse la cour, tête baissée à cause du soleil, une corbeille sous le bras. J'ai quatre ans, il m'apprend à enfiler mon manteau en retenant les manches de mon pull-over entre mes poings pour qu'elles ne boulichonnent pas en haut des bras. Rien que des images de douceur et de sollicitude. Chefs de famille sans réplique, grandes gueules domestiques, héros de la guerre ou du travail, je vous ignore, j'ai été la fille de cet homme-là.
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Mes femmes à moi, elles avaient toutes le verbe haut, des corps mal surveillés, trop lourds ou trop plats, des doigts râpeux, des figures pas fardées du tout ou alors le paquet, du voyant, en grosses taches aux joues et aux lèvres. [...] elles ne soupçonnaient pas que la poussière doit s'enlever tous les jours, elles avaient travaillé ou travaillaient aux champs, à l'usine, dans des petits commerces ouverts du matin au soir.
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Que les hommes nous appellent nanas ou boudins, humiliant, mais je n'étais pas très nette du côté vocabulaire moi non plus, les garçons, je les divisais souvent en minus, zigotos et zizis, dont avec Hilda j'ignorais le sens obscène. Bien obligée d'avouer que le zizi était le pendant de boudin, un type falot, sans valeur flirtable. Compagnons des amphis, copains du restau, voyageurs aux yeux fixes des trains, je ne dépendais d'aucun d'entre eux plus de trois semaines. Ils étaient dans le paysage de ma liberté.
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J'ai admiré les amoureuses avant de l'être.
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Une conclusion cynique et logique, ça le mariage, choisir entre la déprime de l’un ou de l’autre, les deux c’est du gaspillage. (p.168)
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Femmes fragiles et vaporeuses, fées aux mains douces, petits souffles de la maison qui font naître silencieusement l'ordre et la beauté, femmes sans voix, soumises, j'ai beau chercher, je n'en vois pas beaucoup dans le paysage de mon enfance. Ni même le modèle au-dessous, moins distingué, plus torchon, les frotteuses d'évier à se mirer dedans, les accommodatrices de restes, et celles qui sont à la sortie de l'école un quart d'heure avant la sonnerie, tous devoirs ménagers accomplis; les bien organisées jusqu'à la mort. Mes femmes à moi, elles avaient toutes le verbe haut, des corps mal surveillés, trop lourds ou trop plats, des doigts râpeux, des figures pas fardées du tout ou alors le paquet, du voyant, en grosses taches aux joues et aux lèvres. Leur science culinaire s'arrêtait au lapin en sauce et au gâteau de riz, assez collant même, elles ne soupçonnaient pas que la poussière doit s'enlever tous les jours, elles avaient travaillé ou travaillaient aux champs, à l'usine, dans des petits commerces ouverts du matin au soir. Il y avait les vieilles, qu'on allait voir le dimanche après-midi avec les boudoirs et le flacon de goutte pour arroser le café.
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