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sur 1210 notes
Lu sur Babelio un commentaire lapidaire et insultant sur le Nobel donné à Annie Ernaux. Un truc nuancé du genre « Cette femme n'écrit pas de la littérature » du coup, ça m'a donné envie de me replonger dans l'oeuvre de la dame en question et ça tombait bien, j'ai retrouvé sur une étagère « La Femme gelée » que -honte à moi- je n'avais encore jamais lu.
Oeuvre de jeunesse, le livre fait mentir tous ceux qui déplorent le style sec de la romancière. Ici ça claque, ça chahute, ça parle patois. C'est bien simple, j'ai pensé à Colette (N.B. (re)lire un bouquin de Colette). Il y a dans la description de cette enfance libre un bonheur contagieux. Ensuite ça râle et ça enrage de découvrir sa propre soumission au désir masculin. (Cool, Annie: on ne peut échapper ni à son temps ni à son adolescence). Et enfin la catastrophe annoncée, le renoncement à soi, l'abandon de toute ambition et le rôle d'épouse et mère dévouée pour tout viatique.
Ce livre, en fait, fait jubiler. Parce que, nous lecteurs de 2023 connaissons la fin de l'histoire. La femme gelée s'est extirpée du piège marital et, excusez du peu, pièce montée sur le gâteau, elle a gagné le prix Nobel. Et c'est quand même le bonheur, non, de lire qu'un homme il y a 50 ans, pouvait vous dire que, faute de pouvoir pisser debout, vous n'aviez pas droit à la parole. On vient de là, eh ouais, et que de chemin parcouru ! le dégel est venu, pas pour tou.te.s, pas partout, mais quand même, et pour certains ce sont des dégelées qui ont transformé la météo des rapports hommes/femmes. Napoléon contemplait son pouvoir du haut des pyramides qui rehaussaient sa jeune gloire du rappel des civilisations autrefois altières et désormais caduques, Annie Ernaux est mon Napoléon à moi qui élève avec « La Femme gelée » le tombeau du patriarcat dont le triomphe passé nous fait mesurer l'étendue de notre liberté.
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« Être une femme libérée, tu sais, c'est pas si facile… » chantait en 1984, avec une pointe de moquerie, le groupe Cookie Dingler.

Or Une femme gelée a été publié quelque temps plus tôt, en 1981, année où Annie Ernaux divorce et ne se remariera plus jamais.

Dans ce récit prenant, l'auteure n'a pas encore adopté ce style « plat », dépouillé qui deviendra,à partir du roman La place (1984), sa marque de fabrique.
Ici, l'écriture est certes sans complaisance, sans affectation, sans lyrisme, mais nerveuse, fiévreuse, comme de la parole qui se libère.

C'est autobiographique, comme toujours chez Ernaux, mais aussi, comme toujours, ça en dit tant sur la condition de la femme en cette deuxième moitié de 20ème siècle, de la petite fille à la femme adulte en passant par l'adolescence.

C'est incroyable de vérité, cette histoire, et la façon dont elle est dite, ça m'a remué, et pourtant je ne suis qu'un homme, me direz-vous.

Il y a, tout d'abord, une exceptionnelle analyse psychologique de la période de l'enfance et de la période trouble de l'adolescence, de ses préoccupations, en particulier de la sexualité, du monde des « garçons ». C'est absolument remarquable de finesse.

Et puis, il y a celle des rapports sociaux entre filles de milieux modestes, ouvriers et de celles du monde bourgeois. Et puis des représentations du rôle de la femme en société, pour une auteure dont les parents se sont toujours partagés les tâches ménagères, dont la mère a voulu à tout prix que sa fille obtienne sa liberté par les études et par un métier meilleur que le sien, et de ce fait se trouve en décalage, dans les années 50, avec toutes celles dont le seul but est de trouver un mari, d'être femmes au foyer.

Et surtout de la question de la liberté de la femme, même lorsque l'on se prétend (c'est le cas de l'auteure et de son mari), tous deux intellectuellement émancipés, c'est le schéma traditionnel qui revient vite, l'homme au travail, la femme au foyer, ou bien, l'homme et la femme au travail, mais la femme qui travaille est « multitâches »: nounou, femme de ménage, cuisinière, et en plus, pourquoi pas, amante incomparable.

C'est ce constat amer de « femme gelée » que fait une Annie Ernaux, qui termine son histoire vers ses trente ans, quelque temps après la naissance de son second garçon.

Et c'est toujours d'actualité.
Car, même si nous pensons avoir progressé, on est encore loin dans notre pays, de la parité homme-femme. Les comparaisons des salaires, des postes de responsabilité dans la société, les enquêtes comparant les temps consacrés à l'éducation des enfants, aux tâches ménagères montrent l'inégalité persistante homme-femme.
Pire, le retour, pour des raisons culturelles, religieuses, d'une soumission de la femme fait mal. Ainsi, il est terrifiant de constater dans une enquête relatée par Jérôme Fourquet dans son livre l'Archipel français paru en 2019, que, dans la population se déclarant de confession musulmane ce sont les jeunes hommes de 18-25 ans, qui majoritairement (7/10), et plus que leurs aînés, déclarent qu'une femme doit être vierge au moment du mariage.

En conclusion, ce livre, comme d'autres de l'auteure, est salutaire je trouve, par sa dimension sociale et son combat pour la liberté de la femme.
Et puis, j'ai remarqué que Annie Ernaux va droit à l'essentiel et ne s'attache qu'aux épisodes de sa vie qui ont trait à la condition féminine. Ceci participe selon moi à la qualité de ce livre, certes moins maîtrisé dans sa forme que ceux qui suivront, mais d'une incroyable force.

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Roman édifiant sur la condition féminine. Ce troisième roman d'Annie Ernaux retrace une partie de sa vie : de l'enfance à l'âge adulte. Issue d'un foyer où le papa est tendre et aime cuisiner et où la maman beaucoup plus autoritaire, préfère tenir les cahiers de comptabilité du café familial et impose à sa fille la réussite scolaire, la narratrice prend conscience assez tôt des stéréotypes de genre qui pèsent sur la société et des inégalités homme / femme qui en découlent en partie. En tournant les pages de ce livre, nous nous rendons compte à quel point la lutte contre ces inégalités est compliquée à mener, à quel point les mentalités peuvent mettre du temps à évoluer. Ce parcours est saisissant tant la plume de l'autrice parvient à explorer l'intériorité d'une femme qui s'englue dans son quotidien malgré ses prises de conscience.
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En désespoir de cause, j'arrête la lecture de cet écrivain. Je n'aime pas du tout son écriture. J'ai pourtant tenté de m'y intéresser, mais je ne veux plus perdre mon temps avec ce type d'auteur auquel je n'arrive pas à m'identifier, tant elle m'insupporte.
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J'ai longuement hésité avant de rédiger ce retour, parce c'est un exercice que je n'aime guère quand je n'ai vraiment pas apprécié ma lecture.
Je ne me répandrai pas sur le résumé de cette autobiographie, sachez juste qu'Annie Ernaux nous raconte longuement son enfance et son adolescence normande, au sein d'un foyer atypique pour l'époque. Maman est commerçante, elle tient une épicerie et n'est guère adepte des tâches ménagères. Papa tient le bistrot attenant et fait la cuisine. Et on éduque la petite Annie dans l'idée qu'il ne faut pas se laisser asservir par le mariage et la maternité, et vivre et s'instruire pour s'accomplir. Très bien, ces beaux principes avec lesquels je suis d'ailleurs fondamentalement d'accord, mais Annie va finalement "se faire avoir" et épouser cet ami, ce presque "frère incestueux" en lequel elle pense avoir trouvé son alter ego. Il s'agit d'ailleurs de son premier époux, Philippe, jamais nommé, dont elle a divorcé l'année de parution de ce livre, qu'elle lui a dédié ! Ils auront deux enfants, surnommés le Bicou et le Pilou, pour lesquels elle éprouve malgré elle des sentiments maternels, mais qui l'entravent dans une vie dont elle ne voulait pas, qui la transforment en cette femme popotte qui fait la cuisine et s'occupe de son intérieur, tout ce qu'elle rejetait avec force auparavant.

On sent une énorme frustration dans ce livre, on a juste envie de lui dire : mais pourquoi alors les avoir faits si jeune ces enfants (à 24 et 28 ans), tu étais éduquée, tu n'avais qu'à choisir de passer ton capes et ton agreg avant, au lieu de gémir sur ton sort ? L'écriture, heurtée, contorsionnée, laisse penser qu'il faut se dépêcher de tout "sortir", comme si après, il sera trop tard...

Elle m'a énervée, cette femme qui a eu une enfance heureuse, une éducation assez rare à cette époque dans son milieu social (elle est issue d'une lignée paysanne), et qui n'a jamais manqué de rien. J'ai trouvé de l'aigreur, du fiel même dans les descriptions de ses "amies", puis de sa vie conjugale. Mais fallait pas y aller, ma grande, personne ne t'a mis le couteau sous la gorge ! Et ce mari, dépeint très vite sous les traits d'un gros macho sourd aux aspirations de sa femme, il ne me paraît pas si imbécile qu'il n'aurait su entendre qu'elle avait besoin de temps, d'espace pour finir ses études avant de penser à fonder une famille. le dialogue, ça se fait à deux... En plus, elle explique qu'il partageait les corvées et les biberons, en tout cas pour leur premier enfant, ce qui était loin d'être le cas dans toutes les familles des années 60. Enfin, je n'étais pas dans leur lit, fort heureusement, mais j'ai l'impression qu'elle s'est de plus en plus enfermée dans un statut de victime du mariage au détriment de son épanouissement. Pour moi, ce n'est pas une attitude féministe, parce qu'elle se borne à reprocher à l'homme de mener la vie qu'elle voudrait avoir. Rien de constructif là-dedans, juste, je me suis fait gruger et je râle toute seule.

Quant à l'écriture, elle est ennuyeuse, des phrases décousues, syncopées, des énumérations, un style qui se veut travaillé mais m'a juste énervée. Cette femme gelée m'a carrément frigorifiée par sa froideur et son manque d'empathie. Annie et moi, ça finira sans doute là.
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A mon avis ce livre d Annie Ernaux vaut pour ce qu il dit des relations femmes-hommes, leur évolution après le mariage, quand les enfants arrivent, enfin quand tout ronronne pour Monsieur. Par contre la qualité littéraire n est pas le sujet. Écriture ressemblant à un prise de notes. Je l ai apprécié pour un témoignage juste du processus de décomposition du couple amoureux a l'épreuve du mariage, du temps, de la pression sociale sur les femmes. Bref ce qui est détestable pour certaines, mais qui s installe petit à petit. Ce modèle existe toujours il a la peau épaisse, encore combien de générations?
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LA FEMME GELÉE de Annie Ernaux 


Je n'arrive pas à décoller mes yeux des 30 premières pages de la femme gelée tant les mots sont limpides et le texte mélodieux, je reviens en arrière, je relis, redécouvre, et c'est bien joli. 


Annie Ernaux nous parle de sa mère d'une manière si différente que dans ses premiers romans publiés Les armoires vides et Ce qu'ils disent ou rien( La femme gelée est le 3ème de la longue liste). Il y a le style dansant plus fluide moins tranchant, moins acharné…


Elle parle de son père qui passe beaucoup de temps avec elle. 


J'ai décidé de re-découvrir Annie Ernaux en lisant ses romans/ nouvelles dans l'ordre de parution. 


Une mère : " Elle est la force et la tempête, mais aussi la beauté, la curiosité des choses, figure de proue qui m'ouvre l'avenir et m'affirme qu'il ne faut jamais avoir peur de rien ni de personne." Annie Ernaux, La femme gelée, extrait p.15


Dans ce roman autobiographique, on suit Annie de l'enfance, jusqu'à ce qu'elle soit en couple, mariée avec un cadre puis mère et ce que la société laisse sur les bras des femmes et ce qu'elles doivent mettre entre parenthèse, temps- liberté, étude-carrière pour s'occuper de l'appartement, d'un enfant, pendant que le mari va travailler. Un récit important pour l'égalité des sexes et Annie est toujours aussi révoltée, c'était évident : LA FEMME GELÉE…en contraste avec l'enfance si douce évoquée au début du livre Et les descriptions des femmes hautes en couleurs qu'elle a rencontrée dans sa vie.
En revanche, une bien piètre place pour " le bicou" et ça j'ai vraiment été ulcerée.

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Un très beau livre, que je referme en me disant que je vais l'acheter pour l'offrir à plusieurs personnes. Un de ces livres qui devient tout de suite une référence dans une bibliothèque personnelle, qui a ce quelque chose d'assez unique et à la fois universel. Un livre qui peut accompagner une évolution personnelle, une forme de libération.
Loin de l'écriture "plate" qui est plus présente dans d'autres livres d'Annie Ernaux, ici j'ai trouvé au contraire le ton très vivant. Ernaux use du langage parlé, d'une multitude d'images, de souvenirs et d'expressions du cru, pour nous plonger dans toute une époque et un petit coin de France aujourd'hui révolus, avec une finesse de regard quasi ethnographique, qui à elle seule vaut le détour.
Et qu'il est précisément disséqué et émouvant, ce parcours de la petite fille à la femme (plus ou moins) "accomplie", en passant par l'adolescente rêveuse, l'étudiante, la mère, l'enseignante, l'épouse...
L'amour, le corps, la sexualité, le couple, la famille, le travail... à travers l'expérience complexe d'Annie, c'est l'expérience de tant de femmes et d'hommes qui résonne, ces dilemmes, ces pièges personnels, familiaux, culturels, ces changements sociétaux...
Une lecture qui m'a fait réfléchir, sourire, m'a rendue étrangement nostalgique, et m'a aussi dérangée par moments, mais d'un bon dérangement, celui de la remise en question salutaire.
Et surprise, encore et encore, de constater que même si je suis née près de 50 ans après Annie Ernaux, et mêmes si les temps ont bien changé, je me retrouve dans tellement de ses ressentis et de ses expériences.
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C'est le premier livre que je lis d'Anne Ernaux et je dois dire que je n'ai pas été déçue. En racontant son histoire, elle décripte à petit feu le lent engrenage qui aliene les femmes. Si la première partie jusqu'au mariage m'a montré que les choses ont changé depuis les années 60, la deuxième partie à partir de son mariage et l'arrivée des enfants n'a pas tellement vieilli. Bien sûr la réalité d'aujourd'hui n'est pas aussi atroce que celle de son époque. Les hommes participent un peu plus, les femmes travaillent dans la grande majorité des cas mais les mécanismes de l'inégalité sont toujours là. Petit à petit, elle se retrouve préposée à la cuisine, au ménage, à l'éducation des enfants... Et petit à petit, elle meurt et se vide de l'intérieur dans l'indifférence la plus totale. le style est un peu particulier mais il met tellement bien en lumière ce phénomène. Je me suis vraiment identifiée à cette femme et ça fait du bien (ou ça fait peur, au choix) de se rendre compte que l'on est toutes dans le même bateau. Un livre à faire lire à tous les jeunes d'aujourd'hui, garçons ou filles pour qu'une prise de conscience s'opère.
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J'y allais à reculons mais je suis entrée tout de suite dans l'histoire, c'était très agréable à lire parce que c'est parfois drôle et on changeait régulièrement de rythme avec des phrases très longues ou constituées d'un seul mot.

Ses parents ne semblent pas du tout dans la « tradition », le mariage est d'abord présenté comme un détail de la vie, une étape qu'on envisage après les études, et comme je ne connaissais pas du tout la vie d'Annie Ernaux, j'ai pensé qu'avec une éducation comme ça, elle ne sentirait pas le mariage comme une « obligation » mais comme un « piège ».
On comprend vite qu'elle va finalement tester le mariage et la maternité. À partir de là le livre est assez difficile à lire, on sent la souffrance et l'incompréhension dans son couple. Aucune réciprocité, c'est toujours la femme qui fait des efforts. Elle essaye d'accepter son rôle de mère et de femme au foyer mais sent bien que l'égalité homme/femme est un concept qui n'intéresse pas grand monde.
C'était très touchant, juste et ça fait réfléchir sur des sujets qui sont restés d'actualité.
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