Lire
Annie Ernaux, c'est une aventure dans l'intimité, la sienne et la nôtre.
Elle écrit la vie, comme très peu réussissent à le faire, avec cette volonté absolue de sincérité et d'honnêteté dans le récit autobiographique. L'objectif est inatteignable, mais à mes yeux, c'est elle qui s'en approche le plus.
Ce qu'ils disent ou rien est le portrait de l'adolescente qu'elle a pu être l'été de ses 15 ans, un sujet qu'elle reprendra d'ailleurs avec
Mémoire de fille. Elle raconte là sa relation à ses parents, devenue très distante et heurtée, son désir farouche d'indépendance, sa solitude et son ennui, sa recherche de camarades et sa curiosité de rencontrer des garçons, son envie d'écriture qui prend naissance après la lecture de L'étranger, ses premiers questionnements politiques, son avenir...
Il m'a été troublant de lire ce roman sur l'adolescence qui sonne si juste, mais si distant en même temps. Une mise à distance inhérente à l'analyse ? de cette période particulièrement compliquée de la vie, tout y est : la rébellion, le désir et les pulsions d'aventures et d'inconnu, la confusion et l'angoisse d'un avenir incertain.
C'est le récit du passage, tant désiré et attendu pour Anne, de la jeune fille à la je
une femme, mais vécu avec déception et désillusion, parce qu'il lui manque des codes peut-être, des échanges certainement. La solitude qu'elle ressent au sein de sa famille est estompée un temps par tout ce que lui apporte le groupe de jeunes qu'elle rejoint, pour mieux ressurgir aux premiers remous qui agiteront la bande.
Cette envie d'ailleurs, d'apprendre, de comprendre, de s'exprimer ne provoque en ces instants de vie que frustration et tourment pour cette jeune fille en laquelle beaucoup pourraient se reconnaître.
Personnellement, j'ai ressenti beaucoup d'empathie pour cette adolescente maladroite et perdue, qui m'a fait sourire avec ses stratégies inventives pour ne plus porter ses lunettes ou pour rejoindre son amoureux en douce, qui m'a touchée dans ses velléités de vivre autre chose qu'un destin tout tracé, et qui m'a émue dans ses déceptions et ses premières blessures.
Annie Ernaux quoi.