article 317 du Code pénal de 1810
Quiconque, par aliments, breuvages, médicaments, violences, ou par tout autre moyen, aura procuré l'avortement d'
une femme enceinte, soit qu'elle y ait consenti ou non, sera puni de la réclusion. La même peine sera prononcée contre la femme qui se sera procuré l'avortement à elle-même, ou qui aura consenti à faire usage des moyens à elle indiqués ou administrés à cet effet, si l'avortement s'en est ensuivi. Les médecins, chirurgiens, et autres officiers de santé, ainsi que les pharmaciens qui auront indiqué ou administré ces moyens, seront condamnés à la peine des travaux forcés à temps dans le cas où l'avortement aurait eu lieu.
Janvier 1964.
Une dizaine d'années avant le vibrant plaidoyer de
Simone Veil pour que les femmes puissent disposer de leur corps et avoir le droit à l'avortement,
Annie Ernaux a été confrontée à ce que tant de jeunes filles de cette époque ont subi : un avortement clandestin chez une "faiseuse d'anges", avec tous les risques que cela comportait.
A l'époque 300 000 femmes avortaient clandestinement chaque année, une mourait chaque jour. Toutes risquaient la prison, la septicémie, l'opprobre publique, voire la mort.
Dans ce récit, mélange de souvenirs précis et d'impressions sur cette épreuve,
Annie Ernaux livre crûment les étapes de cet avortement, la violence, le doute, la douleur, l'inconnu, le silence imposé ; mais elle dénonce surtout la solitude dans laquelle cela l'a plongé et l'hypocrisie de tous : les médecins, les pharmaciens, le géniteur, les amis. Paradoxalement, c'est cette épreuve qui fera d'elle
une femme et une mère potentielle.
Un récit indispensable, un vrai coup de poing dans l'estomac où l'on perçoit la condition féminine encore si dure pendant
les années 1960. Une lecture difficile mais nécessaire.