Il y a toujours un peu de gêne pour le lecteur dans ces livres très introspectifs, comme ceux d'
Annie Ernaux ou de
Christine Angot par exemple, qui cherchent une vérité, une explication dans un événement vécu.
Malgré cette gêne, j'avais beaucoup aimé les autres récits d'
Annie Ernaux, mais je n'ai pas compris le sens de celui-ci.
Annie Ernaux, qu'elle va nommer "la fille" au lieu de "je" parce qu'elle ne se retrouve pas en elle, revient sur une période de sa vie qui l'a fortement marquée sans avoir jusqu'ici réussi à l'écrire.
A 19 ans, elle quitte pour la première fois ses parents, dont une mère omniprésente lui laissant peu de liberté, pour être monitrice dans une colonie de vacances. Très vite, le moniteur-chef, beau gosse, lui saute dessus, l'embrasse plutôt brutalement, essaie de coucher avec elle mais n'y arrive pas donc lui demande - ou plutôt la force - à lui faire une fellation.
Le lendemain, il fait comme si rien ne s'était passé mais elle, n'étant pas sûre d'avoir été déflorée, s'en vante quand même à sa co-turne et bientôt tout le monde est au courant. A partir de là, d'autre moniteurs s'intéressent à elle, cataloguée "fille facile". Elle parle de honte,
la honte qu'elle a, ou qu'elle refuse d'avoir.
Mais surtout, ce qui est surprenant mais sans doute lié à l'époque -
les années 50 - , Annie tombe amoureuse de cet homme qui a juste eu envie de baiser et qui s'en est pris à la première ingénue venue pour tirer son coup. Aujourd'hui, on pourrait presque parler de viol, mais elle, malgré la brutalité de la relation, fait une fixation sur lui, s'imagine qu'ils sont liés, qu'une romance commence. Une année durant, elle sera obsédée par cette histoire qu'elle s'imagine, se sentant différente des autres parce qu'elle a accédé au sexe, fière de ne plus être vierge, devenue femme, supérieure aux autres filles qu'elle fréquente.
Ce qui me dérange ici, ce n'est pas tant cette naïveté et cette fierté liées éventuellement à ses 19 ans à l'époque, mais c'est que quarante ans plus tard, l'autrice en est encore à considérer cette relation, le fait qu'elle ait eu une relation sexuelle à cet âge, de cette manière, hors mariage, comme un acte rebelle qui
la place hors de la norme, qui la rend différente, délinquante? (elle a aussi volé des bonbons quand elle a eu sa période de boulimie).
Comme d'autres lectrices, j'ai attendu que le moment vraiment subversif arrive pour comprendre l'importance que
les années 58-59 ont eu pour elle, et ... je n'ai pas vraiment saisi. J'ai trouvé ce récit pitoyable, tout comme cette relation avec le moniteur-chef, mais j'ai surtout vraiment détesté cette fille... pitoyable aussi. Et tout en décrivant avec lucidité et introspection cette période de sa vie,
Annie Ernaux ne remet pas en question, ne prend aucune distance avec ses sentiments de l'époque, les revivant de plein fouet sans un regard mature. Je ne sais pas quel sentiment elle a pu éprouver quand elle a fini d'écrire. Je n'ai pas vu l'intérêt de cette publication.