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3,72

sur 1417 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Ce n'est pas la première fois qu'Annie Ernaux revient sur un épisode de son passé, c'est même le leitmotiv de ce que l'on peut appeler son oeuvre, depuis La place, en passant par les Armoires vides, elle nous a habitués à ce discours au microscope, qui met en lumière la difficulté de s'intégrer à une nouvelle niche sociale sans renoncer à ses origines. Et pourtant, cette fois un pas a été franchi, un pas qui permet de comprendre tout le reste : des critiques ont parlé de chainon manquant, et l'auteur le confirme :

« Depuis vingt ans, je note « 58 » dans mes projets de livre. C'est le texte manquant, Toujours remis. le trou inqualifiable. »

La difficulté de l'entreprise reste palpable, et est confiée au lecteur, à travers cette justification de l'utilisation alterne du « je » et du « elle ». Et c'est fondamental, car le récit se construit à l'aide des souvenirs de l'épisode estival traumatisant, mais aussi de l'analyse que l'écrivain en fait après ces décennies, des conséquences immédiates mais aussi du rôle fondateur des traces profondes de l'événement
La tâche est rude,

« pour faire ressentir la durée immense d'un été de jeunesse dans les deux heures de lecture d'une centaine de pages »

quelques semaines suivies de quarante ans de présence clandestine en filigrane, quarante années de non-dit, mais de ressenti et qui élucident cette sensation de mal-être qui m'a toujours interpelée dans les récits de l'auteur.
Et cette fois tout est là, justifiant le reste,

« à quoi bon écrire si ce n'est pour désenfouir des choses, même une seule, irréductibles à des explications de toutes sortes, psychologiques, sociologiques, une chose qui ne soit pas le résultat d'une idée préconçue ni d'une démonstration, mais du récit, une chose sortant des replis étales du récit et qui puisse aider à comprendre - à supporter - ce qui arrive et ce qu'on fait ».

Et comme toujours, au delà de l'intime, le récit lève le voile sur les us et coutumes d'une époque, la jeunesse des années soixante. Est-elle différente? Désir de se fondre dans le groupe, au risque d'un rejet, (pas besoin de Facebook pour être mis à l'écart), vertige d'une soudaine liberté qui avec le sentiment d'immortalité induit la prise de risque, la différence est ténue, le SIDA et la technologie de communication ont juste modifié les outils.

Enfin, ce qui apparaît, c'est que cet épisode douloureux, et la période qui l'a suivi, a sans nul doute une implication majeure sur l'avenir de la toute jeune fille de 58 : serait-elle devenue cet écrivain talentueux que l'on suit avec plaisir depuis tant d'années? Aurait-elle pu accéder à cette destinée qui fait d'elle « un être littéraire, quelqu'un qui vit les choses comme si elles devaient être écrites un jour »?

Lien : http://kittylamouette.blogsp..
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Annie d'va avoir dix-huit ans. Elle est la fille d'épiciers et a suivi sa scolarité dans un établissement catholique. Elle a obtenu un poste de monitrice dans une colonie de vacances et c'est la première fois qu'elle sort de chez elle. Elle anticipe la joie de se retrouver avec des jeunes de son âge, mais elle n'a pas les codes et c'est la catastrophe.

Les codes, ce serait d'abord de savoir dire non à un garçon. Faute de le faire, elle passe pour une fille facile (nous sommes en 1958) et elle est méprisée par les autres.

Elle tombe amoureuse de H. Ou plutôt, elle lui est soumise alors que ce qu'elle a subi s'apparente à un viol, c'est ce qu'on dirait aujourd'hui. Ce qui ne vient pas le moins du monde à l'idée de la jeune fille bien que la violence de ces premières relations sexuelles ait des conséquences.

J'ai apprécié ce livre grâce à la finesse de la description de cette époque où l'autorité et l'interdiction remplaçaient l'éducation, avec pour résultat que les jeunes faisaient ce qu'ils voulaient loin de leur famille et de leurs amis. Et tant pis pour les filles qui ne l'avaient pas compris.

Lien : https://dequoilire.com/memoi..
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Annie Ernaux décrit dans ce livre la période de vie qui va de l'été 1958 à l'été 1962. Quatre année capitales de sa vie. Elle a dix-huit ans au début du livre, pas encore la majorité à l'époque. Mais elle peut s'échapper, quitter le cocon familial, le temps d'un été d'abord, pour être monitrice dans une colonie. Elle va y vivre une histoire avec le moniteur-chef, une histoire qu'elle investit, mais qui ne constitue qu'un vague épisode peu intéressant pour son partenaire. Elle sera mise au ban du groupe, moquée, humiliée, et très vite abandonnée. Elle va pourtant vouloir revenir l'été suivant, mais sera refusée, jugée non conforme. Au retour de la colonie, elle quittera encore une fois le cadre familiale pour partir en internat, dans un lycée prestigieux, et va là aussi connaître des déconvenues. de la meilleure élève, elle passera à juste une bonne élève, parmi d'autres, et surtout sera confrontée à des filles issues de milieux bien plus favorisés que le sien. Cela la mènera à revoir à la baisse ses projets, et intégrer l'école normale pour devenir institutrice. Mais ce sera l'échec : elle se découvrira peu apte à enseigner aux enfants. le livre va se clore sur une note plus positive : la narratrice va s'autoriser à suivre son envie, et d'aller faire des études de lettres à l'université.

C'est une sorte de récit initiatique, la narratrice qui tente de s'émanciper de son milieu familiale, est confrontée au monde. Elle se découvre à la fois fille et de milieu populaire, les deux engendrant la dévalorisation et la honte. Annie Ernaux décrit sans rien édulcorer une initiation sexuelle que l'on qualifierait aujourd'hui tout au moins d'abus sexuel. Mais elle décrit aussi l'acceptation qui lui paraît toute naturelle de sa part de ce qui lui arrive. L'absence de questionnement de la violence qui lui est faite, et qui semble légitime à son partenaire, mais aussi à la société dans son ensemble, et qui par conséquent lui semble aussi légitime. de même que lui paraît dans l'ordre des choses son positionnement sur l'échelle social, et le champ des possibles réduit que ce positionnement implique. Tout est intériorisé, rien ne peut être questionné.

Le livre tente, de manière factuelle, à partir de photos, lettres etc de reconstruire, de retrouver, de la manière la plus précise les événements, sensations, le vécu. Sans juger en apparence, en fournissant au lecteur une sorte de matière brute. Et surtout sans pathos et victimisation : c'est au lecteur de juger. Comme toujours avec Annie Ernaux, sa démarche est aussi sociologique : ses souvenirs sont ceux d'une génération, son expérience singulière s'inscrit dans un contexte historique et sociologique. D'autres filles de sa génération ont peut-être été confronté à des événements proches, elles ont en tous les cas été immergées dans un environnement similaire, qui a forcément provoqué le même type de réactions, de ressentis, de souffrances. La jeune Annie Ernaux a été anorexique, le corps traduisait le traumatisme jamais exprimé, et il ne pouvait l'être que sous une forme culpabilisante dans le contexte dans lequel elle vivait. En tant que fille, elle était forcément coupable de ce qui lui arrivait, comme en tant que transfuge de classe. C'est le monde dans lequel ce genre de jugements étaient des vérités incontestables qu'elle met à nu. Son analyse est d'autant plus forte et incontestable qu'elle reste objective, factuelle, sans affect, sans auto-apitoiement. Cette approche lui permet de transcender des souvenirs personnels, d'en faire des généralités, de prendre parole non pas pour elle, mais pour toute une génération. Ne pas ressasser des souvenirs anecdotiques mais d'arriver à l'essence des choses.

Magistral.
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"L'été 1958 est nodal, il va décider de ma vie, comme une césure".

Le temps d'une lecture, j'ai voulu me glisser dans sa peau d'une fille. J'ai voulu ravir son coeur. J'ai voulu m'accaparer le mystère de l'amour au féminin.

J'ai voulu comprendre pourquoi le garçon que je suis a pu s'approprier, quand Elle aurait voulu partager. Pourquoi se donner sans être aimée a pu engendrer l'humiliation. J'ai voulu comprendre pourquoi les victoires dont j'aurai pu me glorifier le temps d'un jour ont pu générer autant d'opprobre. Pour toujours.

J'ai voulu connaître la blessure du coeur meurtri, celui qui a découvert la sexualité aux confins de l'interdit, dans la légèreté de l'empressement.

Alors, la beauté de l'émotion convoitée est devenue vulgarité.

L'empressement ne lui a donné d'autre alternative que de transformer l'espoir en humiliation.

J'ai voulu comprendre comment une éducation de petite fille a pu transformer l'expérience en faute. Comment de "pimbèche coincée", elle est devenue "putain sur les bords".

Mais aussi, le temps d'une lecture, j'ai voulu percevoir l'urgence de soulager un coeur. Comme une confession.

"Souvent, je suis traversée par la pensée que je pourrais mourir à la fin de mon livre. Je ne sais pas ce que cela signifie, la peur de la parution ou un sentiment d'accomplissement".

Avec Annie Ernaux j'ai fait un pas dans ma compréhension de l'amour au féminin.
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Il était grand, il était beau
Il sentait bon le… mâle chaud
C'était le plus beau d'la colo
C'était lui le chef des monos…
C'est l'été 58 d'Annie Ernaux.
On les reconnaît, ces premiers moments de liberté hors de la famille, cette griserie de se sentir adulte, cette expérience de la première nuit blanche passée à refaire le monde en fumant...
Mais je ne suis pas sûre que les hommes nés dans ces années-là aient eu conscience de ce qu'était, pour les filles, la question de la virginité. Ou plutôt de sa "perte".
Avaient-ils tous une conscience exacte de ce qu'est le consentement ? Ce beau moniteur de colo qui emmène une Annie de 17 ans dans son lit, dès ce premier soir, se rend-il compte qu'elle est d'accord pour l'y accompagner, mais pas pour être traitée comme un morceau de viande ?
Elle fait de la peine cette naïveté, cette innocence des filles dans les années 50-60, élevées dans les "bons principes" (ouh là, la virginité, grosse affaire) mais éduquées à plaire à la gent masculine.
Cela brise le coeur de voir comment, plus de 50 ans après, Ernaux se refuse encore à appeler "viol" cette relation sexuelle contrainte, comment elle a préféré se croire amoureuse de ce type odieux plutôt que d'écouter ses émotions et son corps.
Et comme énormément de filles, c'est son corps qui va lui parler, au travers des troubles alimentaires qui ont rythmé sa vie d'étudiante dans les années qui ont suivi.
Témoignage, récit, roman, peu importe de quel mot on nomme ces pages bouleversantes, Annie Ernaux éclaire comme personne les mentalités féminines forgées par des milliers d'injonctions, injonctions qui commencent à peine à être remises en question.
Challenge Nobel
Challenge Solidaire 2023
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Avec « Mémoire de Fille », je découvre enfin l'oeuvre d'Annie Ernaux. Il m'a fallu du temps pour ne serait-ce qu'avoir envie de m'immerger dans la bibliographie de celle que le prix Nobel a récompensé en 2022… J'appréhende toujours un peu la découverte d'auteurs encensés : la peur d'être déçue me serre toujours un peu le coeur et puis, pour être honnête, je m'étais forgée d'Annie Ernaux une image un peu antipathique, négative par suite d'une interview où, évoquant son milieu d'origine et sa famille, je l'avais trouvé très condescendante, voire hautaine à ce propos. J'avais cru déceler en elle la cruauté de certains transfuges de classe qui me met toujours un peu en colère, un peu mal à l'aise… Bien entendu, je sais qu'après tout, on n'est pas censé trouver un auteur sympathique pour le lire, qu'une interview ne signifie pas grand-chose au regard d'une oeuvre… mais j'ai passé quelques années sans avoir envie de lire Annie Ernaux, persuadée d'ailleurs que je n'aimerais pas ses textes qu'on compare parfois à ceux de Barthe, persuadée donc que je n'aimerais pas son écriture « plate », « blanche » (et c'est vrai que c'est un style auquel je n'adhère pas vraiment … Même chez Camus, c'est dire !).
Et puis, je crois que je me méfie toujours un peu de l'autofiction, de ces auteurs qui se racontent à l'infini (et pourtant, je voue un culte à Marguerite Duras et à ces trois « Amants », à cet aspect de son oeuvre que je trouve tellement fascinant. Bref, je ne suis pas à une contradiction près !) et qui donnent l'impression d'une écriture un peu égotique…
Il semblerait toutefois que j'ai mûri puisque peu à peu m'est venue l'envie de voir par moi-même ce qu'il en était de l'oeuvre de cette écrivaine encensée. Il se peut aussi que l'écho de son féminisme tant célébré ait résonné en moi… J'ai acheté « Mémoire de fille » qui parmi ceux de ses romans qui figuraient chez ma libraire (« La Place », « Une femme », « La Honte », « Les Années » et « le jeune homme » je crois) était celui dont le résumé me séduisait le plus.
Bien sûr que j'ai traîné avant de me lancer, remis ma lecture à plus tard… jusqu'à ces jours de vacances et de pluie où je me suis rendue compte que « Mémoire de Fille » était le dernier roman de la pile que j'avais emmenée avec moi dans ma villégiature. C'était un signe. Je me suis pelotonnée sous le plaid aux tons d'automne et je me suis lancée.
Et j'ai adoré.
Ce court roman est pour Annie Ernaux autant un voyage dans le passé qu'une réflexion sur la construction de la mémoire et des souvenirs, un peu à la manière de Nathalie Sarraute ou d'une Marguerite Duras -la poésie en moins- et dans une langue blanche, sèche, clinique, crue.


Dans ce texte clair et fluide, la Annie Ernaux de 2015 part à la rencontre de celle qu'elle était en 1958… C'est une tâche ardue, un jeu de reconstruction aussi essentiel qu'illusoire : on sait tous que nos souvenirs ne sont que des fictions, souvent embellies, élaborées avec des bribes, des éclats, des lambeaux. On sait tous que la reconstruction du passé tel qu'il était est impossible… et pourtant ! Annie Ernaux s'y attache donc dans le bien nommé « Mémoire de Filles » où à l'aide de vestiges de son passé (lettres adressées à ses amies que ces dernières lui ont restituées), photographies, agenda d'époque…) et de sa mémoire qu'elle confronte à ces derniers, l'auteure tente de découvrir qui elle était quand elle était « la fille de 58 » pour comprendre aussi, par ricochet, qui elle est devenue. Cette quête de réalité est fascinante parce que bien que nécessaire et quasi-vitale, elle est aussi marquée par un aveu d'impuissance assez cruel de la part d'Ernaux : après tout, que peut-on savoir de la chair d'un être quand c'est son squelette que l'on déterre cinquante ans après les faits ?
Mais qui était-elle, l'Annie de 1958 ? C'est l'été et celle qui s'appelait encore Annie Duchesne prend le train pour S. où elle va être animatrice pour une colonie de vacances. L'adolescente fera l'expérience pour la première fois cet été-là de la vie en communauté entre jeunes gens. Pour la première fois également, elle expérimentera la séduction, le désir. En effet, c'est au cours d'une soirée organisée à la colonie qu'elle vivra sa première expérience sensuelle, sexuelle avec un homme, un animateur un peu plus âgé qui ressemble à Marlon Brando. « Mémoire de Fille » se concentre sur cette première nuit et sur ce qu'elle a provoqué chez la jeune fille, violente onde de choc qui bouleverse son corps et sa vie pendant deux années encore après les faits.
Dans une langue taillée au couteau, si blanche qu'elle en est aveuglante et crue et dans un incessant va-et-vient entre passé et présent, Annie Ernaux raconte au mieux la jeune fille qu'elle était ou croyait être. Elle dévoile aussi l'expérience de dissociation vécue après des viols consécutifs et l'illusion d'y avoir consenti, illusion nourrie de cette idée véhiculée à l'époque que la brutalité des hommes n'était rien de moins que la manifestation normale et romantique du désir…
S'ensuit le récit de la difficile construction de soi après cette nuit-là, du rapport à sa propre image et aux autres, de l'aménorrhée et de l'épisode de boulimie qui ont suivi.
A tous ces égards, « Mémoire de fille » est un roman puissant et doté d'une vraie puissance féministe que cette fameuse écriture blanche avec laquelle j'ai parfois tant de mal sert au mieux. C'est aussi un texte qui s'appuie avec brio sur la fulgurance de l'image et du ressenti mis au service du décryptage des mécanismes de la mémoire a posteriori et c'est brillant.
Je ne sais pas si j'aimerais autant les autres titres qui ornent la bibliographie de Annie Ernaux, je ne sais pas si j'apprécierais autant sa réflexion quand elle ne concerne ni la mémoire ni le féminisme. Je ne sais pas non plus si je ne me lasserais pas de l'aspect « autofiction » qui semble planer sur toute son oeuvre. Ce que je sais en revanche, c'est que j'ai bien envie d'essayer.

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Dans ce très beau texte, Annie Ernaux poursuit son travail d'appropriation de sa propre histoire. Elle explore les souvenirs de l'été 58 et observe cette fille qui n'est plus elle en reconstruisant ses émotions, ses envies, ses peurs. Comme c'était le cas avec Les Années, Annie Ernaux parvient à parler d'elle-même, de sa vie sans jamais tomber dans le narcissisme. L'emploi de la troisième personne pour désigner la fille de 1958, le recul constant, les allusions au contexte historique donnent au livre une dimension universelle. En filigrane, on croise De Gaulle, la guerre d'Algérie, la condition féminine dont l'héroïne, l'Annie de 1958, prend lentement conscience de la terrifiante réalité au fur et à mesure qu'elle en subit l'humiliation. En 1989, une autre Annie Ernaux écrivait dans son journal, "il n'y a qu'une chose qui compte pour moi, saisir la vie, le temps, comprendre et jouir" et ce programme a produit une oeuvre forte.
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Annie Ernaux déploie son immense talent pour nous raconter sa première nuit avec un homme en 1958. Comme pour beaucoup de gens, cette "première fois" s'est mal passée et cette nuit aura des répercussions durable sur sa vie. Elle a eu la malchance de tomber sur un homme qui n’était « pas très subtil » et cela ne s’est pas très bien passé. C’était même assez violent. Annie Ernaux met des mots sur la chose et certains passages sont assez crus. Pourtant elle ne sombre jamais dans la vulgarité. Elle a consenti à cette relation « autant que l’on peut consentir à quelque chose que l’on ne connaît pas » disait-elle dans une interview.
La langue est très importante dans ce livre. Annie Ernaux se souvient de celle qu’elle était jeune fille et la décrit comme si c’était quelqu’un d’autre. Car la recomposition de cette mémoire, à partir de la personne mûre qu’elle est aujourd’hui, l’aide à mieux comprendre la jeune fille qu’elle était. Et, en même temps, le souvenir retrouvé de cette jeune fille, l’aide à mieux se comprendre aujourd’hui, alors que soixante ans se sont écoulés. Ce jeu de mémoire est particulièrement intéressant dans le livre. Annie Ernaux revient sur ce qu'a été son éducation et la société de l'époque avec une morale différente, où les mœurs étaient jugées plus sévèrement. Son regard de femme mûre, vient consoler et mettre du baume sur ses blessures de jeunesse.
Réussir à dire tant de chose en si peu de mots (150 pages) force le respect. Je n’aime pas particulièrement l’autofiction d’une manière générale, mais ici, c’est tellement bien fait que je tire mon chapeau !
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J ai adoré
L auteur décrit avec sincérité et talent un épisode douloureux de sa vie :la perte de virginité dans des circonstances qui font que le sentiment de honte et d humiliation qui y sont intimement liés ne l ont jamais quittée tout au long d une vie bien remplie
elle couche cet événement sur papier alors qu elle est une très vieille dame ,apparemment A Ernaux n a jamais osé le publier auparavant...(sa propre mère avait détruit le manuscrit de l époque )
-Roman résonnant d actualité (affaire Christine Blasey -Brett Kavanaugh)alors qu aux usa une dame ,docteur en psychologie très raisonnable et mesurée de 55 ans environ, témoigne devant les plus hautes instances du pays de l agression sexuelle qu elle a subie très jeune venant d un homme qui brigue actuellement unsiège à la Cour Supreme des États Unis _le parallèle se limite bien sûr au sentiment de honte et au traumatisme refoulé-
Revenons à Madame Ernaux : fille unique surprotégée elle quitte le cocon familial pour la première fois pour un job d été :monitrice de colonie de vacances
À l époque on l'imagine ,godiche ,un peu rondelette et faisant beaucoup plus que ses 18 ans .
On le sait bien ,l adolescence est colorée par les tempêtes hormonales ,la raison est souvent submergée par l appel des sens ... la jeune Annie se retrouve en moins de temps qu il faut pour le dire dans le lit d'un responsable de la colonie de vacances ,un homme beaucoup plus âgé qu elle qui la déflore sans ménagement pour sans désintéresser et la mépriser aussitôt ,pour lui elle n est à une fille facile ,jetable ,méprisable ..
Annie est en plein désarroi amoureux et décrit tout cela mieux que moi ,la honte brûlante et tenace « de s être fait
Avoir »mêlé au sentiment de culpabilité :pas assez Jolie ou mince pour valoir d être aimée ,considérée ..
On imagine les ricanements de l homme : »elle l a cherché ,elle ne demandait que cela , c'est une chaudasse ...etc ‘
Je vous laisse le plaisir de lire le roman
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Il y a dans une vie des épisodes que l'on aimerait effacer, dont la seule évocation mentale vous donne envie de disparaître, mortifié de honte ou de regret. Des erreurs commises, jamais avouées même à vos meilleurs amis ou des comportements dont vos ignoriez la bêtise jusqu'à ce qu'un regard méprisant vous ouvre les yeux. C'est ce genre de souvenir qu'Annie Ernaux a décidé de convoquer dans @Mémoire de fille. Il lui aura fallu 50 ans pour arriver à coucher sur le papier l'été 58. Je n'en dirai pas plus sur ce souvenir. J'avoue que j'ai été surprise par ce récit, je m'attendais à quelque chose de moins intéressant, une situation un peu plus convenue. Annie Ernaux se dévoile sans s'épargner, ni s'apitoyer ou donner l'impression de livrer une confession. Elle écrit pour comprendre. A l'issue de la première moitié du récit, qui couvre l'été 58, l'autrice a déjà gagné toute ma sympathie admirative pas seulement pour le courage dont elle fait preuve en revenant sur une période douloureuse mais aussi sur le travail de réflexion, d'introspection qu'elle fait. Toujours dans une écriture fluide et d'une justesse bouleversante.
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