SIMPLE –
Julie Esteve– Stock
ENORME COUP DE COEUR❤❤❤❤❤❤
Antoine parle à une vieille chaise de jardin fendue trouvée parmi les poubelles. Il lui raconte son histoire, la traîne dans son sillage pour lui montrer le paysage. Il le sait, les autres « ils verraient rien qu'un déchet », mais pas lui. Antoine a de l'imagination et s'il s'attache aux objets c'est parce que, depuis toujours, les hommes ne veulent pas trop de lui. Ca, il n'est pas comme tout le monde Antoine ! Il a pas eu de chance, comme sa chaise, il est un peu fendu au milieu… la vie lui a pas fait de cadeau. Zéro.
Pour les jeunes de son petit village corse avec vue sur les montagnes, il est plutôt cool, une mascotte qu'on asticote, qu'est-ce qu'on rigole avec Antoine ! Et puis c'est un bon pote qui accourt quand on a besoin de lui… Pour les adultes, c'est une autre histoire. C'est ô baoul ! On s'en méfie, trop bizarre Antoine, il pue, il pique des crises, vole des tas de trucs sans importance, reluque les jeunes filles. On imagine des choses sales, on projette ses propres fantasmes, ses propres peurs, on salit et quand le drame se produit, quand Florence est retrouvée morte dans les bois, on jette en pâture. le coupable est tout trouvé.
Et pourtant Antoine, c'est de l'or en barre, un gars avec un coeur gros comme ça, toujours à rire -‘un rire qui lézarde les murs'-, toujours à vouloir aider, à vouloir fraterniser… il ne demandait pas grand-chose Antoine, juste un tout petit peu d'amour. Ça lui suffisait.
Quel personnage Antoine ! Et quelle écriture car les deux sont indissociables. Une écriture différente (en littérature, ça n'est pas dans les vieux pots qu'on fait les meilleurs livres), honnête, sombre et lumineuse à la fois (oui c'est possible), une écriture à fleur de peau.
L'histoire est maîtrisée jusqu'au bout des mots et se lit d'une traite, pour mieux se relire ensuite.
Antoine a l'étoffe des grands héros, ceux que la vie abime, ceux qui résistent, malgré tout. Antoine est une leçon d'humanité à lui tout seul. Evidemment on pense à Bohem, le héros du formidable « Nous rêvions juste de liberté », mais aussi à Lennie dans « Des souris et des hommes » ou John dans « La ligne verte ». Antoine est de cet acabit. le roman, bouleversant et inoubliable. Un catalyseur émotionnel. Mon n° 1 cette année.