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" Nul n'a jamais écrit ou peint, sculpté, modelé, construit, inventé, que pour se sortir en fait de l'Enfer." Antonin Artaud

J'ignore si Brian Evenson a écrit ce roman pour se psychanalyser de son vécu au sein des mormons, mais c'est le sujet principal de l'oeuvre. On y découvre des situations que j'ai peiné à trouver par d'autres moyens, comme par exemple la façon dont les mormons célèbrent le mariage et cela m'a semblé intéressant. La folie est le maître mot de ce récit. le protagoniste est complexe car on ignore si on doit l'apprécier ou avoir pitié.

Je connaissais déjà "l'expiation par le sang" ayant lu auparavant Sur l'ordre de Dieu de Krakaeur, essai qui m'en avait beaucoup appris sur le mormonisme. L'expiation par le sang, c'est une manière d'autoriser le meurtre. Horrible.

Inversion m'a paru moins sujet à l'interprétation que ses autres romans. Lorsque j'ai lu immobilité, La Confrérie des Mutilés et Baby Leg, j'avais le cerveau en ébullition. Ce qui n'est pas le cas pour Inversion. Alors peut-être est-il aussi riche que les autres mais je ne l'ai pas perçu ainsi.
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Si l'on devait user d'un mot pour qualifier le mode narratif dominant utilisé par l'américain Brian Evenson, ce serait certainement le mot « fissure. »
Son horreur, tout autant psychologique que physique, procède d'un lent processus d'altération du réel, l'auteur « fissurant » ce que l'on prend pour acquis et contemplant la psyché de ses personnages s'effondrer sur elle-même à mesure que ladite fissure s'élargit.
La chose était évidente dans son premier roman, Père des Mensonges, qui voyait Elden Fochs, homme d'Église et père de famille, basculer dans les tréfonds de l'horreur et de la dépravation. Cette tendance à corner le réel et à acculer ses personnages dans un mécanisme implacable menant tout droit à la folie se retrouvait également dans nombre de ses nouvelles issues de son premier ouvrage, La langue d'Altmann. Il est donc normal (et attendu) de retrouver le même procédé pour Inversion, certainement l'un des romans les plus connus de Brian Evenson…et l'un de ses plus radicaux avec La Confrérie des Mutilés.

Une partie manquante de moi
Écrit en 2006, Inversion est le tout premier livre traduit en langue française de Brian Evenson par Julie et Jean-René Etienne dans la cultissime collection Lot 49 du Cherche-Midi. Curieusement, son titre français ne rend pas particulièrement honneur à sa version originale bien plus évocatrice : The Open Curtain. Mais qu'à cela ne tienne puisqu'Inversion est une expérience de lecture qu'on n'oublie pas.
Reprenons du début : Rudd Theurer est un adolescent plutôt fragile et effacé lorsqu'il tombe sur ce qu'il pense être la preuve de l'existence d'un demi-frère dans les affaires de son père mort conservées à la cave par sa mère. Éconduit par celle-ci lorsqu'il lui parle de cette découverte, Rudd va se mettre à ressasser encore et encore cette information jusqu'à découvrir que son demi-frère, Lael, habite en fait à Springville non loin de son propre domicile. Dans le même temps, Rudd doit rendre un devoir à propos d'un héros d'une époque qui le fascine. Mais malheureusement, Rudd n'a pas de héros à qui s'identifier (normal puisque pour beaucoup de garçons, le père fait office de premier héros). Privé de ce repère fondamental et profondément secoué par les secrets que garderait sa mère à propos de son demi-frère, il tombe sur la sinistre histoire d'un certain William Hooper Young qui, en 1903 à New-York, aurait assassiné une jeune fille, Anna Nilsen Pulitzer. Comble de l'horreur pour le jeune garçon, William était non seulement le petit-fils de l'un des fondateurs de l'Église mormone mais aurait, en plus, tué selon un obscur rite inavouable de cette même religion appelé « l'expiation par le sang. »
…Et si c'est un comble, c'est parce que Rudd est lui-même mormon !
Dès lors, les choses vont peu à peu se fissurer dans l'esprit du jeune homme et l'on sent, petit à petit, que la logique de Rudd s'altère à mesure que des mantras pervers envahissent ses pensées. Brian Evenson nous emmène graduellement dans une spirale horrifique qui ne semble avoir aucune fin.

Catalysé par la foi
Pour cela, il va employer des mots-clés, des phrases qui deviennent des sortes de formules quasi-surnaturelles pour Rudd, comme investies d'un pouvoir occulte que nous ne serions pas en mesure de percevoir.
Ce qui est important dans Inversion, c'est que rien n'est vraiment comme il semble l'être de prime abord et que les perceptions du personnage principal ne sont pas fiables…et qu'elles le seront toujours moins au fur et à mesure de la plongée dans le récit qu'il n'ous rapporte. Un récit qui semble se dédoubler avec l'investigation menée par Rudd sur l'histoire sinistre de William, comme une image de sa propre psyché en train de se briser en deux. Mais c'est la violence et la cruauté, mêlées à la propre histoire personnelle de Rudd, qui vont définitivement faire basculer l'ensemble.
On le sait, Brian Evenson est lui-même mormon et l'une des obsessions centrales de son oeuvre concerne la religion et ce que celle-ci fait à l'homme, au croyant.
Est-ce qu'elle le préserve ou est-ce qu'elle le maudit ?
Dans le cas de William, c'est clairement le second choix puisqu'au travers de la religion mormone, l'adolescent va complètement décrocher puisque noyé par les rites, les secrets, les codes et les symboles qui s'accumulent dans son esprit comme autant de pierres contre un barrage déjà prêt à s'effondrer. C'est par deux rites mormons en particulier, l'expiation par le sang et le mariage, que la fissure devient finalement une fracture puis un gouffre qui l'aspire littéralement dans une hallucination où il est désormais incapable de discerner le réel de la fiction…et de reconnaître sa propre identité !

Se protéger par le déni
Après ce qui incarne le premier basculement dans l'horreur pour le récit (et pour Rudd), Brian Evenson ouvre une seconde partie inattendue sur le personnage de Lyndi, une jeune femme amenée à rencontrer Rudd dans des circonstances pour le moins compliquées. On retrouve une nouvelle fois cette volonté de torture d'un esprit déjà fragile et confronté à une brusque rupture de sa propre réalité. Surtout, on assiste finalement à un déni inconscient du réel dans un but de protection, un peu à la façon de Rudd mais cette fois pour échapper à un évènement traumatique direct et non pour échapper à sa propre folie qui guette dans les circonvolutions de son encéphale.
Il serait vain de raconter la suite des évènements et impossible de narrer correctement la troisième et dernière partie du roman, hallucination totale et sans concession qui fait constamment glisser le tapis sous les pieds du lecteur encore désorienté. À ce stade, comme Eldon Fochs dans les dernières pages de Père des Mensonges ou comme Kline dans l'épilogue sanglant de la Confrérie des mutilés, il n'y plus de retour en arrière et plus aucune voie de secours pour le héros tombé tête la première dans la folie qui l'entoure. Inversion confond les rôles : celui de la victime et celui du bourreau, celui du héros et du criminel, celui du fou et du sain d'esprit, celui du croyant et du fanatique. Brian Evenson montre à quel point la religiosité et les rites qui l'entourent déstabilisent et peuvent facilement confiner à la folie pure et simple. Son roman, difficile et radical, à la fois par sa froideur clinique et descriptive mais aussi par sa volonté de n'ignorer aucune des failles mentales de ses héros malheureux, n'est pas pour tout le monde, loin de là. Il faut adhérer à cette dissection fiévreuse qui se fiche totalement de l'identité du tueur et pour qui le voyage mental représente le seul véritable intérêt du crime. Car c'est le chemin vers la folie, la destruction du corps par l'esprit qui intéresse l'américain avant toute autre chose et pas l'arme du crime ou sa découverte.

Comme des sables-mouvants, l'histoire d'Inversion aspire le lecteur et Rudd Theurer. Dissection glaçante d'un esprit en train de s'effondrer sur lui-même par le poids de son histoire familiale et de sa culture religieuse, le roman de Brian Evenson dérange et obsède, tel un monstre sournois et infâme terré aux confins de votre esprit prêt à se fissurer à son tour.
Lien : https://justaword.fr/inversi..
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J'ai pris ce roman de Brian Evenson dans les mains parce que je trouvais que le garçon sur la couverture ressemblait à Elijah Wood, et puis j'ai lu le résumé, je suis évidemment repartie avec.

Rudd est un adolescent solitaire, introverti, étouffé par les préceptes stricts de la religion mormone que sa mère l'oblige à respecter. Leur relation se dégrade et un samedi matin, Rudd découvre parmi « les affaires mortes de son père mort » qu'il a un demi-frère, Lael, vivant à peine à quelques kilomètres. Rudd décide de le rencontrer, très vite une complicité s'installe.
La vie de Rudd est alors rythmée entre sa semaine au lycée et ses week-ends avec Lael.
A l'école où la religion et l'obéissance sont de mises, il doit effectuer une recherche associant des termes qu'il a choisis. Il croise alors le chemin de Hooper Young, petit-fils de l'un des fondateurs de l'église mormone, mais surtout auteur d'un crime sauvage en 1903.
La fascination s'empare de Rudd et il s'enfonce « peu à peu dans une contemplation morbide […] et dans une gigantesque hallucination. »
Un jour, il est retrouvé inconscient sur une scène de crime où trois corps d'une même famille gisent horriblement mutilé.

Ce livre est absolument angoissant et se révèle au fil des pages un récit à tiroirs où les choses ne sont pas ce qu'elles paraissent et, jusqu'à la fin, nous plonge dans une véritable folie, LA folie.
Le roman est divisé en trois grandes parties : Rudd, disséqué – Lyndi, égarée – Hooper, déchainé.
Débutant sur un rythme plutôt lent, il n'en finit pas de gagner en intensité jusqu'à la troisième partie qui est vraiment le paroxysme de cette histoire. Un peu comme à la manière d'une réalisation cinématographique, l'auteur raconte plusieurs fois le premier chapitre de cette dernière partie, ajoutant, retirant des informations, développant son personnage.
Tout est si bien construit qu'on ne voit rien venir, l'écriture fluide et riche nous amène là où elle veut, se prenant tour à tour pour Elling, Hooper, Lael ou Rudd, jetant Lyndi au milieu, au coeur d'une cérémonie de mariage mormone.
Si je n'avais qu'une remarque « négative » à faire ce sera celle de ne pas avoir assez de précisions sur les coutumes et les rites de l'église mormone. J'aime énormément les romans mettant en scène une religion et tous ses aspects sombres, mystiques, et je suis un peu restée sur ma faim sur ce point là.

Pendant 300 pages, on entre à la fois dans le monde des névroses, de la folie pure, des hallucinations, des obsessions ; mais aussi dans un monde religieux, coincé par ses dogmes, prônant une éducation édulcorée mais brimée, dénonçant ce fanatisme propre aux religions qui mènera Rudd aux affres de la psychose et de la perversion et le lecteur aux portes de l'angoisse (qu'on franchira quand même avec plaisir !).
Lien : http://revoir1printemps.cana..
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Dans Inversion, Brian Evenson réussi le pari de parler et critiquer la religion mormone, ainsi qu'une jeunesse en perdition. Un roman bien étrange qui parle à la fois d'un crime horrible et de la chute d'un adolescent dans une hallucination troublante.
Rudd est orphelin de père, il est élevé par sa mère au sein d'un groupe de mormons, après quelques recherches il tombe sur le meurtre qu'a perpétré Hooper Young au début du XXème siècle. A partir de là tout s'effondre doucement mais sûrement, un peu à la manière d'un Lovecraft et la folie. Cette intrigue m'est totalement inédite et le tour de force que l'auteur arrive à faire dans ce roman aux saveurs particulières m'a beaucoup plu.
Les personnages sont bons, j'ai même dû me renseigner pour savoir si c'était tiré d'une histoire vraie mais non, c'est bel et bien issu de l'imagination de Brian Evenson. le rythme est bon, pas haletant mais les chapitres plutôt courts donnent l'ambiance et la cadence. Lors du second meurtre similaire au premier a lieu, beaucoup de question se posent, notamment sur le jeune Rudd et son aspect psychologique. J'ai aimé cette dimension oppressante des mormons sur à peu près tout et le jeune qui cherche un peu d'émancipation ainsi que l'opposition entre la psychologie des personnages de la mère et son fils, tout se complète.

Un bon roman, un peu étrange certes mais qui vaut le coup d'oeil.
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Lu la version originale (The Open Curtain) en 2007, et en garde un souvenir de violence très intériorisée. Mes notes brèves laissées sur un coin de page ; "dur, pour le moins perturbant, à l'évidence sincère". Everson tient de première main sa connaissance de l'embrigadement mormon. Mais au-delà de ces éléments réalistes, la structure du livre,et l'addition d'une sincérité quasi documentaire et de l'ambiguité narrative, participent d'un malaise très puissant qui rend ce livre exceptionnel. Il ne s'agit pas un thriller classique, excitant mais aussitôt lu, aussitôt oublié. Plutôt d'une catharsis littéraire se révélant dans un roman d'introspection. Brillant, pour moi.
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Brian Evenson a répondu à mes questions. C'est ici :

http://bartlebylesyeuxouverts.blogspot.com/2008/07/entretien-avec-brian-evenson.html

et là :

http://fricfracclub.blogspot.com/2008/07/le-questionnaire-du-ffc-brian-evenson.html
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Un livre bien a part de ce que j'ai pu lire du genre jusqu'à maintenant, pas non plus ce à quoi je m'attendais, pas un trhiller sanglant et mené comme une chasse au monstre, non plutôt un thriller qui serait une étude de cas d'un Schizophrène qui s'ignore ou presque ! L'écriture est intéressante, la structure du livre aussi même si à la fin la succession des changements de personnalité peu agacer voir perdre le lecteur. Toutefois un livre difficile à lâcher et franchement inquiétant !
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Histoire macabre et rituel religieux, terrifiants chemins vers "l'autre côté du rideau" de la folie.

Désormais sur mon blog : http://charybde2.wordpress.com/2014/05/01/note-de-lecture-inversion-brian-evenson/
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« Inversion » (2006, Cherche Midi, 261 p.), traduit de « The Open Curtain » (2008, Coffee House Press, 223 p.) est un (presque) long roman qui retourne aux sources de la religion des mormons et de ses rapports avec la société.
Rudd Theurer est un jeune garçon dont le père s'est suicidé, mais c'est un sujet tabou chez les mormons. Il est strictement élevé dans l'austérité et la foi mormone sous la férule de sa mère autoritaire et culpabilisatrice. La découverte de lettre à son père d'une certaine Anne Korth, qui lui révèle l'existence d'un demi-frère, Lael. L'enseignement que suit Rudd, ainsi que la vie avec sa mère, tournent autour des mêmes thèmes religieux « Bienheureux celui qui écoute le Seigneur et suit ses commandements ». Cela bien sûr le traumatise et lui font rechercher son demi-frère, lui-même assez diabolique et pervers. Au cours d'un travail de recherche, Rudd tombe par hasard sur des articles racontant le procès pour meurtre, en février 1903, de William Hopper Young (WHY, c'est-à-dire pourquoi en anglai, Brian Evenson va jouer à dessus).William Hopper Young est le petit-fils de Brigham Young, lui-même héritier de Joseph Smith le fondateur de l'église mormone. le problème est que ce WHY est accusé du meurtre d'Anna Pulitzer. Son corps a été retrouvé dans la boue d'un canal, avec diverses blessures au crâne et à la tempe gauche. Cependant, la mort est due à un coup de couteau ouvrant le ventre en diagonale. La symbolique de ce meurtre correspond à la doctrine mormone de l'expiation par le sang. « La doctrine de l'expiation par le sang stipule que, lorsqu'un mormon a renié sa foi, il est possible de sauver son âme en répandant le sang d'une personne de qualité similaire à la victime, et que la bénédiction sera portée dans l'au-delà au crédit de celui qui a commis l'acte en question. ». Un mormon apostat pourrait ainsi sauver son âme en répandant le sang d'une victime innocente. Il faut pour cela d'abord creuser la fosse, faire saigner abondamment la victime (baigner la fosse) avant d'y jeter la victime. (Tout le cérémonial est décrit p.53). le roman bascule alors dans l'enquête pour démontrer la culpabilité de WHY, sa fuite, et l'envoi à Chicago d'une malle contenant les éléments matériels du meurtre. On comprend que cela déstabilise encore plus le jeune Rudd (avec l'aide, il est vrai, de Lael). Ils vont jusqu'à profaner la tombe du père pour constater qu'ils ont tous trois, le même visage. Fin de la première partie.
La seconde partie « Lyndi, égarée » démarre juste après que Rudd (et Lael) aient tués une famille de randonneurs. Lyndi, la fille de cette famille, n'était pas de la partie. Elle est donc sauve, tandis que Rudd est retrouvé à moitié égorgé auprès de la famille. La découverte des corps reprend une géométrie inscrite sur les sous vêtements mormons, mais aussi celle incisée dans la chair de la jeune Anna Pulitzer (un V suivi d'un L, puis centré en dessous un trait horizontal, et un second trait plus bas, décalé vers la droite). Ces traits symbolisent le signe du compas, l'équerre, le nombril et la marque du genou.
Le meurtre commis par WHY devient alors une obsession pour Rudd. L'existence de Rudd elle-même devient une « longue question renouvelée ».
Les exégètes voient alors l'influence de la pensée de Deleuze à propos de la schizophrénie. « L'anti-Oedipe » conduit à l'échec de la psychanalyse freudienne dans la compréhension de la psychose. « le délire ne se construit pas autour du nom-du-père, mais sur les noms de l'histoire. » C'est tout à fait le cas de Rudd, dont le père est inexistant, sinon nié, et WHY qui sert de point de fixation. D'après Deleuze, le discours et le délire du schizophrène s'articulent autour de l'histoire politique, sociale ou religieuse et non pas autour de l'histoire familiale (contrairement à Freud).
Cependant Brian Evenson se défend, dans une longue interview, de faire cette analogie avec Deleuze. Mais il reconnait que « Deleuze compte beaucoup pour (lui) » « La théorie française post-hégélienne au XXe siècle était l'un des quatre champs d'étude de (s)on doctorat » et d'ailleurs il a « appris davantage sur l'écriture en lisant Deleuze, qu'en lisant n'importe quel autre philosophe ».
Et ce n'est pas fini (on n'est qu'à la moitié du roman). Nouveau basculement.
Lyndi se prend d'affection pour Rudd et tombe amoureuse. Ce dernier, il s'installe tout naturellement chez elle lorsqu'il sort de l'hôpital. (Attention, on est en pays mormon, tout reste très chaste). Mais Rudd dérape de plus en plus, perd la mémoire, confond un peu tout, jusqu'à laisser échapper le nom de Elling (le complice présumé de WHY). Cet épisode de perte de mémoire et d'absences répétées correspond à ce que Deleuze appelle « le corps sans organe ». Puis un jour, Lyndi le retrouve la gorge tranchée. «Il gisait au sol, à la main un canif aux quatre lames sorties. Sa gorge ouverte gargouillait, le sang bouillonnant avait imbibé le col du T-shirt et commencé à couler le long du cou ». « de nouveau il toussa et elle goûta son sang ». Retour à l'hôpital, et à la sortie de l'hôpital, Rudd demande Lyndi en mariage (selon le rite mormon, cela va de soi, décrit dans le chapitre VIII, p. 177-191).
La grande scène du mariage, maintenant. Pour les préparer à la cérémonie, les époux sont séparés à l'entrée du temple. Puis Lyndi est lavée, habillée avec des habits du temple (les broderies lui rappellent le massacre de sa famille) et on lui donne un nouveau nom (Rachel), nom secret que seul son mari aura le droit de connaître. Lors de son initiation, on lui révélée le sens des symboles brodés qu'elle devra reproduire dans l'autre monde pour entrer au paradis. « Des signes et symboles on passa aux sanctions – la promesse de ne jamais, sous aucun prétexte, dévoiler les signes et symboles, même au péril de sa vie. Placé dans une situation où l'on ne pourrait garder le secret, on était censé se tuer. Elle dut faire mine de s'ouvrir la gorge avec le tranchant de la main, puis poser les mains de part et d'autre de son torse avant de les laisser retomber sur ses flancs, comme si elle avait ouvert son torse et que le sang giclait le long de ses côtes. Plus tard, l'arrière de son pouce décrivit un trajet symbolique d'une hanche à l'autre, coupant les reins. » L'étape suivante voit la réunion des deux nouveaux époux qui franchissent un rideau bleu puis se retrouvent devant un rideau blanc et on connait alors la signification des symboles géométriques. (Au passage, on comprend le lien entre le rideau et le titre anglais « The Open Curtain », certes plus représentatif que « Inversion »). « La marque de l'équerre, au-dessus du sein droit : ordre et précision, rectitude des actes et de la pensée. Sur le rideau, ce n'était pas seulement une marque mais une fente assez longue pour laisser passer un bras. Elle imagina qu'une main minuscule et désincarnée pénétrait la marque apposée sur sa poitrine et plongeait dans ses poumons. La marque du compas, autre fente, sein droit, signifiait que Jésus-Christ les guiderait dans la vie éternelle telle une boussole. La marque du nombril, une fente écartée : accepter que nous ne pouvons vivre sans nourriture spirituelle de la parole de Dieu. La marque du genou – qui à la différence des autres n'était pas une ouverture mais une simple marque sur le rideau : tout genou doit plier et toute langue reconnaître que Jésus est le Christ. ». Lyndi comprend alors pourquoi Rudd a survécu au massacre. On lui a laissé une marque sur sa gorge, (symbole de la marque du genou ?) parce que sa mort n'était pas nécessaire à la réalisation de la cérémonie pervertie. Cependant, le mariage est lui aussi perverti car lorsque Rudd joue le rôle de Dieu derrière le voile pour recevoir Lyndi en mariage, il l'oblige à changer de nom secret. Ce n'est plus Rachel, mais Elling (la boucle est quasiment bouclée).
Ce n'est pas fini pour autant et la situation s'aggrave encore. Rudd recherche son visage qu'on lui a volé dans les différents miroirs de la maison. Il refuse toujours de faire chambre commune avec Lyndi. Puis, il quitte sa chambre et s'installe avec toutes ses affaires dans un cabanon dans le jardin. Lyndi prend peur et force l'entrée de ce cabanon. « A l'intérieur, il faisait chaud, l'odeur était épouvantable ». « Derrière la porte un drap faisait office de rideau. Rudd l'avait tailladé pour reproduire les marques des vêtements, mais à l'envers et inversées. » « Au milieu, échoué sur le dos, enfoncé jusqu'au couvercle, le vieux réfrigérateur ». Et dans ce vieux frigo « La puanteur de la viande putréfiée ». Fin de la seconde partie.
La troisième partie « Hooper déchainé » commence par trois sous chapitres, tous numérotés I (le chapitre II vient après ces trois là). Tout devient confus. On ne sait plus si c'est Rudd, ou WHY « Tu t'appelles William Hooper Young. On t'appelle Hooper », ni si c'est Leal ou Charles Elling (ou Rudd). On retrouve également Anna Pulitzer « Anna Pulitzer. Une connaissance, une pécheresse, aussi ».
En final, on ne sait plus très bien qui est qui (et qui est moi). Pour couronner le tout, je ferai remarquer de Brian Evenson traduit les romans de Claro, alors que Claro édite Brian Evenson. Comme cela on boucle la boucle…..

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