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J'avais lu il y a quelques années Désert américain, une comédie plutôt originale et n'épargnant pas grand monde parmi les spécimens qui composent la société américaine, et j'étais partante pour lire un autre roman de l'auteur. Ne me demandez pas pourquoi j'ai attendu aussi longtemps pour le faire, je n'ai pas d'explication à cela ! En tout cas, le mois afro-américain propose une occasion parfaite.
Percival Everett est diplômé de littérature et de philosophie et enseignant. Il a publié des recueils de nouvelles, des romans où il actualise les mythes grecs anciens. Effacement a été son premier roman traduit en France, suivi par plusieurs autres, toujours chez Actes Sud.
Le personnage principal de ce roman se nomme Thelonious Monk Ellison, plus communément Monk. Ecrivain en panne d'inspiration, il revient en visite dans sa ville natale, revoit sa mère atteinte d'Alzheimer, sa soeur médecin comme son frère d'ailleurs. Il est un peu perturbant au début de se trouver face à un texte aux allures classiques de roman américain avec pour personnage principal un auteur, et en fond une famille éclatée, et des ressentiments larvés entre ses membres. Mais cela ne dure pas longtemps !
Le roman se présente comme un journal intime, mais destiné à la postérité, de Monk. Cette contradiction n'est qu'une parmi d'autres d'un personnage peu commun. Ce personnage créé par Percival Everett possède une manière surprenante d'insérer dans son journal des intermèdes sur la menuiserie ou la pêche, ses passions, ainsi que le contenu carrément hermétique d'une conférence sur le nouveau roman ou des idées de roman qu'il s'empresse de noter en les intercalant dans son histoire.

Mais le roman constitue surtout une charge féroce, et souvent drôle, contre le milieu américain de l'édition. Tout commence par le bruit, le buzz dirait-on, autour d'un roman écrit par une afro-américaine, qui fait la une des magazines et se trouve en tête des ventes. Monk est offusqué du succès de « Not'vie à nous dans le ghetto » et décide que lui aussi serait capable d'écrire un tel roman, qui de plus, lui serait bien utile pour subvenir aux besoins de sa mère vieillissante et à ses besoins propres… Et Monk passe à l'acte. En découlent des péripéties en cascade parfois dramatiques, parfois réjouissantes.
Tout cela fonctionne très bien, et même si la forme est parfois déroutante, le tout tient bien la route, et montre l'étendue de la culture et de l'humour de l'auteur. Bon, il me faut avouer que les 80 pages, insérées dans le roman, de caricature de roman à succès dans un style parlé afro-américain des cités, j'ai trouvé ça un poil trop long. J'ai pensé un moment que c'était un peu se payer la tête du lecteur, mais il est bien évident que c'est parfaitement volontaire, et assez indispensable à la perfection de cette satire.
Lien : https://lettresexpres.wordpr..
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Thelonius Ellison, appelé Monk par ses proches, est un écrivain érudit. Trop peut-être, car ses écrits ne se vendent pas très bien. Il lui est souvent reproché que ses oeuvres ne sont pas assez « noires ». Une position qui le rend fou de rage car il ne s'est jamais vraiment intéressé à la notion de race et ne voit pas pourquoi il devrait écrire en fonction de sa couleur. Et ce qui le met encore plus en colère est le succès remporté par un mauvais roman écrit par une jeune femme noire et intitulé Not'vie à nous au ghetto qui caricature les noirs mais est encensé par la critique comme le récit véridique sur la communauté afro-américaine. Alors que son dernier livre est refusé par tous les éditeurs, Monk décide d'en écrire une parodie féroce qu'il signe d'un pseudonyme. Mais la blague va aller plus loin qu'il ne le pensait quand les éditeurs vont commencer à se l'arracher.

A côté de sa vie professionnelle, Monk doit aussi faire face à des difficultés familiales : sa mère commence à souffrir de la maladie d'Alzheimer et ne pourra plus vivre très longtemps sans assistance médicale. Sa soeur, Lisa, est médecin dans un centre pour femmes et pratique l'avortement. Chaque jour,elle affronte les menaces des militants anti avortement qui manifestent devant sa clinique. Son frère vient de révéler son homosexualité et vit mal d'être éloigné de ses enfants. Et enfin, Monk découvre des lettres que son père, décédé depuis plusieurs années, avait cachés et qui dévoilent un secret.

Effacement fait partie de cette littérature américaine comme je l'aime. Percival Everett réussit une brillante satire du monde de l'édition américaine dans lequel personne n'est épargné, de l'éditeur à l'agent ni même le lecteur. Tous passent pour des moutons qui avalent des bestsellers sans âme, dont le manque d'intelligence n'égale que la quête du sensationnalisme. L'argent gouverne tout et le profit fait paraître des navets qui ont des chances de connaître le succès au détriment de la qualité littéraire. Ce qui désespère notre romancier. Même les libraires sont passés au crible, eux qui classent les oeuvres de Monk dans la littérature afro-américaine alors que la plupart de ses livres traitent de sujets classiques, voir parfois de philosophie antique. Un tel classement ne risque pas d'augmenter ses ventes.

Plus qu'un roman critique sur l'édition, avec une mise en abyme, Effacement est aussi un récit sur l'identité, que ce soit sa perte ou sa recherche. Percival Everett exprime très bien le malaise que les noirs peuvent ressentir autour de la notion d'appartenance. Monk est avant tout un romancier et sa couleur de peau n'a rien à y voir. Il ne ressent d'ailleurs aucun sentiment d'appartenance à une race noire. C'est pourquoi il ne supporte pas que ses livres soient classés en raison de la couleur de sa peau ni que le lectorat attende de lui qu'il écrive d'une manière soi-disant « black ». L'auteur traite aussi ce thème au travers de la maladie qui touche sa mère, qui voit sa mémoire se déliter et avec elle sa personnalité s'évaporer. En voyant sa mère décliner, Monk se remémore son passé, son adolescence et sa jeunesse et s'interroge sur les gens, sur les secrets que chacun conserve, sur ce qu'on sait jamais vraiment sur les autres. D'autant plus que son frère vient d'avouer son homosexualité alors qu'il était marié. Monk avait deviné depuis longtemps les penchants de son frère mais ce dernier a désormais besoin d'affirmer à tout le monde qui il est vraiment.

Percival Everett m'a vraiment séduit avec ce roman érudit écrit dans une langue intelligente et fluide, ce qui contraste d'autant plus avec l'extrait de la parodie écrite par son personnage pour imiter les romans du ghetto. Une véritable réussite et je ne compte pas en rester là !
Lien : http://www.chaplum.com/effac..
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Un livre intelligent sur les questions raciales aux Etats-Unis et notamment sur les assignations répétées à rester à "sa place". Un Noir n'écrit donc pas de livres bercés de culture helvétique mais plutôt un livre sur le ghetto (où il faudra donc user d'argot ou parler "p'tit nègre"). Bref, Percival Everett signe un livre pertinent sur l'effacement des identités et sur les injonctions à répondre aux attendus de la Race.

Et en prime, c'est bien écrit. Chaudement recommandé !
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Beau roman, faussement simple et léger, de dénonciation drôle du prêt-à-penser culturo-médiatique.

Publié en 2001, le onzième roman de Percival Everett signait un nouveau coup de maître, utilisant avec habileté narrative, intelligence érudite, et capacité d'émotion intacte, toutes les ressources d'un art aux si multiples facettes.

Nourri comme souvent de quelques ferments autobiographiques, nous suivons donc l'afro-américain professeur de littérature et romancier plutôt confidentiel Thelonius Monk Ellison, spécialiste du structuralisme et de la déconstruction, aimé notamment de toute une intelligentsia française, lorsque, confronté à des besoins d'argent imprévus (du fait de l'assassinat de sa soeur, médecin qui acceptait de pratiquer des IVGs et s'occupait de leur mère, du divorce ruineux de son frère, suite à la tardive révélation de son homosexualité, et du déclin, donc, de leur mère, qui voit poindre des symptômes manifestes et inquiétants de maladie d'Alzheimer), et ulcéré par le succès médiatique et commercial spectaculaire d'un roman-navet "noir issu du ghetto", alors même que son agent littéraire, résigné, lui reproche d'écrire du "trop intellectuel" et du "pas assez noir", le romancier écrit en quelques heures un roman "brut de décoffrage" bourré de traits afro-américains caricaturaux, précisément du genre dont raffolent les médias et les éditeurs, et... voit, incrédule, sa supercherie prendre toute la trajectoire d'un énorme best-seller.

Portraits subtils et drôles, dénonciations à la mitrailleuse lourde, mais tout en humour, du "prêt-à-penser" qui irrigue les milieux culturo-médiatiques américains, parcours émouvants sans "pathos" des individus normaux, de cette famille "décomposée" qui s'essaie malgré tout à la vie et à la décence ordinaire qui fut chère à George Orwell : un grand et beau roman, sous les apparentes légéreté et simplicité du propos et du ton.
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Erasure
Traduction : Anne-Laure Tissut

Thelonius Ellison est noir. Mais il y a plus grave - on ne le lui dit pas mais on le pense si fort que, de toutes façons, il l'a compris depuis longtemps : son grand-père était médecin, son père l'était aussi, sa soeur et son frère le sont. Enfin, en ce qui concerne sa soeur, Lisa, très rapidement, on peut utiliser l'imparfait car la malheureuse est assassinée par un militant anti-avortement particulièrement fanatisé. Ce qui n'est pas sans causer beaucoup de problèmes à Thelonius - surnommé "Monk" ou "Monksie", devinez pourquoi - car Lisa s'occupait activement de leur mère, laquelle commence à perdre la mémoire et, lentement mais sûrement, bascule vers Alzheimer.

Le problème n'est pas pécuniaire. le Dr Ellison a laissé suffisamment d'argent pour couvrir les soins de sa veuve. Et puis, on peut toujours vendre la maison - ce à quoi Monk se résoudra à la fin du roman.

Le problème, c'est que Monk se voit mal s'occuper à plein temps et à domicile d'une femme que, deux fois au moins dans le roman, on voit s'enfermer dans sa chambre ou dans la maison et ne plus reconnaître ceux qui l'entoure quand elle ne les menace pas carrément d'un pistolet chargé.

"Artiste de la famille" comme disait déjà son père, Thelonius a choisi la voie de la littérature. Et pas n'importe laquelle, s'il vous plaît puisqu'il s'agit d'un ersatz de ce que nous autres, Français, avons produit dans les années soixante : le Nouveau Roman.

Ecrire dans le style "Nouveau Roman", ça prend du temps mais ce n'est pas précisément porteur. Comme le dit si souvent Yul, son agent, au malheureux Monk : "Ecoute, tu n'écris pas assez Noir ! Quel rapport y a-t-il entre le Nouveau Roman et la culture afro-américaine ? Les lecteurs ne peuvent pas comprendre ça ! ..."

Monk, bien sûr, s'offusque. "Donc, si l'on est noir, réplique-t-il en substance, non seulement on n'a pas le droit de s'intéresser à "Ulysse" (par exemple) mais en plus, il est d'ores et déjà certain qu'on sera incapable d'y prendre goût et moins encore de comprendre ce que voulait dire Joyce ? Eh ! bien, je ne suis pas d'accord !"

Un jour, l'esprit occupé par ses problèmes familiaux, Monk aperçoit, dans une gondole de supermarché, un livre, écrit par une Noire, et intitulé "Not'vie à nous dans le ghetto." Il s'arrête, l'ouvre, lit quelques paragraphes et, comme tout littéraire digne de ce nom, Noir ou pas, manque s'évanouir d'horreur : syntaxe, dialogues, style au ras des pâquerettes. Evidemment, on a supprimé les fautes d'orthographe - mais enfin, c'est tout juste. Quant à l'image du Noir américain véhiculée par ce livre qui sera bientôt recommandé par Oprah Winfrey (qui est noire d'ailleurs) lors de son fameux talk-show, eh ! bien, c'est toujours la même : misère, drogue, stupidité, haine, délinquance, etc, etc ...

Pris de rage, Monk décide d'écrire, lui aussi, son roman à la Richard Wright. Ce sera "Ma Pataulogie", qu'il réintitulera plus tard "Putain !" le héros, van Go, est un jeune Noir qui n'a même pas besoin de se droguer pour agir comme un fou furieux. Accro au sexe, il a déjà, à vingt ans, quatre enfants naturels - de quatre mères différentes, bien entendu. Il traîne dans le ghetto, ne se lave pas, bref, passons les détails ... de toutes façons, Everett vous a inséré "Ma Pataulogie" dans "Effacement" : donc, vous ne perdrez aucune miette, rassurez-vous.

C'était couru d'avance, à peine l'agent de Monk a-t-il envoyé ce nouveau manuscrit à Random House (Random House, eh ! oui !) qu'il reçoit des propositions alléchantes. Seul problème : Ellison ne peut pas bien sûr - et d'ailleurs, il ne veut pas - endosser officiellement une aussi douteuse paternité. Pour l'occasion, il se crée donc l'identité de Stagh Lee et se voit bientôt invité au show d'Oprah Winfrey - toujours elle et toujours noire - sur je ne sais plus quelle chaîne ...

Grinçant, subtil, ce roman de Percival Everett est une réflexion d'une profondeur rare sur la nature et les diktats du racisme. L'écrivain pointe évidemment du doigt les Blancs avides des livres à la Stagh Lee mais il se montre encore plus sévère envers les Noirs qui cautionnent cette image de leur peuple. Sans nier les problèmes vécus par certains dans les ghettos noirs, Ellison soutient en parallèle qu'on peut - et que l'on doit - briser le cercle vicieux.

Mieux encore, Ellison démontre que, en refusant à leurs frères le droit d'accéder à la littérature, au savoir, à la connaissance, certains Noirs se montrent aussi racistes que les plus enragés des klansmen. Pour eux, qu'un Noir réussisse dans la société blanche, en utilisant les meilleures des armes mises au point par les Blancs, cela reste une trahison. Raisonnement d'une stupidité sans commune mesure, raisonnement suicidaire également que Monk - et Ellison derrière son personnage - rejette avec vigueur.

Bon, pour être franche, je n'ai pas trouvé le style particulièrement transcendant même si le contraste entre les extraits "Nouveau roman" de l'oeuvre d'Ellison et l'intégrale de "Ma Pataulogie" est une réussite absolue. Mais "Effacement" vaut largement le détour. C'est un livre qui interpelle (comment peut-on être noir ou conserver son identité, quelle qu'elle soit, sans se voir contraint, y compris par les siens, d'effacer ce qui, finalement, en soi, fait sa personnalité ?) et qui, j'en suis d'ores et déjà certaine, est de ceux que l'on relit tôt ou tard. ;o)
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Jubilatoire ! "Effacement" de Percival Everett, c'est l'histoire de Thelonious Ellison dit Monk, romancier et universitaire américain, également menuisier et pêcheur parce qu'il faut bien gagner sa vie et que ce ne sont pas ses romans inspirés d'Euripide qui vont le nourrir... et c'est aussi une charge féroce contre le milieu de l'édition, mais aussi contre l'Amérique en général, un constat cynique, drôle, malheureusement réaliste, avec un style mouvant à la hauteur des ambitions de son auteur. Monk va connaître le succès sur un malentendu à cause de sa parodie du best-seller "Not'vie à nous au ghetto" (parodie dont le texte intégral figure dans le roman au point qu'on en oublie que c'est le même roman !). Comment révéler que ce chef-d'oeuvre encensé par ses contemporains est une blague de potache d'un érudit incompris (spécialiste du théâtre antique et des critiques de Barthes) ? 🕶 Je n'avais jamais lu aucun roman de Percival Everett , mais je ne compte pas en rester là. Bien sûr, le contenu de cette oeuvre (publiée en 2001 alors que le narrateur du roman écrit par Monk songe à appeler un de ses futurs enfants Corona...) ne se limite pas à l'autoportrait de l'écrivain maudit également membre de la Société du Nouveau Roman (il conclura son exposé incompréhensible sur Barthes par "Un rappel de l'évidence n'est jamais superflu pour les oublieux" ... avant de voir voler un projectile au-dessus de sa tête...). Non. L'ensemble est BRILLANT, 363 pages que j'ai lues d'un trait, en moins d'un jour. ❤
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Les écrivains noirs américains sont-ils condamnés à n'écrire que sur les (si possibles rudes) conditions de vie de leurs congénères pour satisfaire une certaine attente et curiosité du public, et voir ainsi leur talent reconnu ? Ne peut-on être simplement écrivain et exercer son art comme tout autre écrivain ? C'est un peu la question qui sous-tend ce récit avec un cynisme dont on se délecte tout le long.

Monk, dans ce roman, est cet écrivain noir américain qui prend conscience du fait que le racisme n'est pas juste une question de haine, mais la manifestation d'une reconnaissance de la différence raciale. A ce moment-là, on vous dénie une identité propre, vous représentez forcément votre culture et son histoire, et l'on attend de vous que vous vous comportiez et exprimiez en conséquence, selon les idées préconçues que l'on s'est forgé sur vos origines.
Et comme le démontre assez tristement ce récit, concernant l'écrivain noir américain, si le public est prêt à l'accueillir chaleureusement, il n'est pas assez mûr pour voir l'écrivain au-delà du Noir américain.

C'est un état des faits assez tragique mais l'auteur, Percival Everett, parvient à soulever ces points avec tant d'ironie qu'on ne peut s'empêcher de rire bien souvent (j'ai même eu des rires de hyène hilare !).

J'ai aimé aussi le côté givré de l'auteur que je n'attendais pas du tout. A vrai dire, j'avais peur de me plonger dans un roman intello, limite inaccessible, et si son protagoniste, Monk, semble être de ces auteurs qui se délectent dans l'écriture de ce type d'ouvrages, Everett parvient justement à diluer ce trop plein de sérieux dans une narration multiforme particulièrement savoureuse et intelligemment développée.

Et quel talent dans tous les genres, et que de dérision ! J'ai adoré la lecture de Fuck, un roman dans le roman, une sorte de délire coup de tête qui m'a fait frémir au départ, un pastiche des romans sociaux noirs américains, mais que j'ai adoré à ma grande surprise (et à ma grande honte puisque selon Monk, je n'étais pas censée adhérer à ce genre de récits ). Vraiment truculent ! J'ai adoré les réactions de l'auteur, des éditeurs, des médias, du jury littéraire - excellent, ce dernier ! Rarement le ridicule de situation n'a été poussé aussi loin !
On assiste ici à une vraie satire socioculturelle de l'Amérique !

Dans une société qui impose de correspondre à des normes, à des critères sociaux qui rassurent, et qui ne peut accepter une autre réalité, on ne peut être soi. Il faut faire des concessions sur ses principes, perdre son identité propre, jouer un rôle pour conforter les gens dans le bien-fondé de leurs certitudes, se trahir pour survivre, ou alors, accepter d'être rejeté par la société.
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Totalement séduite! A ceux qui commencerait ce roman, ne vous laissez pas décourager par l'exposé d'Ellison sur le roman expérimental. Je n'ai RIEN compris mais ça ne m'a pas empêché de savourer pleinement ce(s) roman(s).
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Thelonious Ellison, spécialiste du Nouveau Roman, exerce le métier d'écrivain mais son écriture, jugée trop " dense et hermétique", le range dans la catégorie des auteurs mineurs, celle de ceux qui restent dans l'anonymat. Quand il découvre le nouveau best-seller "Not'vie à nous au ghetto" ovationné par la critique et le public, qui n'est autre qu'un ramassis de clichés sur les afro-américains, il réclame "au nom de l'art" vengeance. Thelonious prend donc un pseudonyme et entreprend la rédaction d'une parodie acerbe intitulée " Ma pataulogie" dans laquelle il met en scène un protagoniste violent et vulgaire :" J'la plante pasque j'l'aime.... avec m'man qui rampe sur le lino qu'essaye d'rattraper ses boyaux", véritable représentation archétypale du " vrai noir" du ghetto. La visée de son oeuvre était de dénoncer cette fausse vérité dans laquelle il ne se reconnait pas, de condamner tous ces stéréotypes qui alimentent les discriminations mais ce roman contre toute attente rencontre un succès phénoménal, il devient même le plus gros succès de Thelonious. S'en suit alors une schizophrénie qui ronge le personnage, totalement dépassé par la situation d'autant plus qu'il doit faire face à des problèmes familiaux très préoccupants. Lui qui assiste au déclin de sa mère aurait bien besoin de cet argent mais ce serait vendre son âme au diable....Percival Everett propose un roman original, nourri de littérature et de références érudites mais qui reste aussi drôle et percutant. Il se saisit d'un sujet sensible, celui de la question raciale, et l'aborde sous l'angle du "politiquement incorrect". Une oeuvre terriblement intelligente !
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Voilà un livre qui vaut le détour (livre recommandé par Ingannmic)

D'abord j'ai adoré la forme : un journal d'un écrivain américain qui livre à la fois ses impressions sur l'écriture et l'art et qui nous fait partager son quotidien : ses relations avec sa mère atteinte d'Alzheimer, ses relations avec ses frère et soeur, son éditeur, ses relations sentimentales …

Thelonious Monk Ellison (Monk pour ses amis) est un écrivain qui a publié des analyses érudites sur des auteurs grecs ou sur le « nouveau roman ».

Aux Usa, il a peu de succès car le fait qu'il soit noir fait que le public attend de lui une certaine littérature (une littérature « noire , comprenez : qui mette en avant des «noirs»)
Un jour, il lit un extrait d'un livre (atroce) d'une femme noire « Not' vie à nous au ghetto» et rédige une parodie (parodie qui est présente intégralement dans le livre), ce livre compte tout attente devient un best seller, et Monk se retrouve confronté à un cruel dilemme : perdre son honneur ou ne pas pouvoir subvenir aux besoins de sa mère dépendante..

Ce que j'ai le plus aimé dans ce livre est bien la surprise. On passe d'un épisode « réel » de l'auteur avec sa mère avec une discussion fictive (ou pas) entre Hitler et Eckhart («Souvenez vous que vous êtes allemand. Gardez notre sang pur ») puis un épisode réel puis une discussion fictive (ou pas) de Rothko et Alain Resnais… sur la valeur artistique des rectangles, de Kooning et Rauschenberg sur la notion d'effacement du titre….

Puis on revient à des souvenirs d'enfance et de ce qu'il a vécu à 10 ans. Cela pourrait semble un peu foutoir mais pas du tout : La transition entre tous ses « moments » est facilité par la typographie. A chaque changement de narration, le lecteur est « prévenu » par trois croix.

Bref, tout m'a plu dans ce livre le fonds et la forme, l'écrivain pris entre ses convictions sur le fait qu'un écrivain peut écrire sur tout et pas seulement sur le milieu d'où il vient et la dure réalité de la vie quotidienne.

J'ai eu un peu peur au début de ne pas arriver à finir (je n'ai pas compris un seul mot de la conférence sur le « nouveau roman » mais je crois que c'était fait exprès).

Autre tout petit bémol : le style de « Pataulogie », le livre dans le livre, est très « grossier », dans le sens bourré de clichés (étonnant que les lecteurs américains n'aient pas vu qu'il s'agissait d'une parodie tellement c'est gros!!!)…donc 80 pages un petit peu longuettes… mais si ce faux « livre » n'avait pas été inclus, il est presque certain que j'aurais regretté qu'il n'y soit pas….

Le point principal est qu'il remet en cause tous nos préjugés : En refermant ce livre, je m'aperçois que j'avais un préjugé sur ce livre : En voyant la couverture, et sans avoir lu la quatrième, je m'étais imaginé que le sujet était l'histoire d'un homme noir dans le couloir de la mort (qui allait donc être effacé)…Etrange non, ce préjugé juste sur la couverture?

En bref une excellente lecture qui réussit à mêler écriture, racisme, préjugés en tout genre , coming out, droit à l'avortement , Alzheimer et art sans paraître complètement superficiel …
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