extrait 4
Quand prononceras-tu
la parole de silence
toi qui n’es plus corps des corps du monde
ta voix trouve trace dans la mienne
(privée de bouche)
a peur de mourir de n’importe quelle mort
créature de songe et de fumée
d’encre ancienne, de langage et de souvenirs
s’essaie à parler
les mots sont des prétextes
pas de déchiffrement mais une traînée de temps
peut-être as-tu vécu, frère humain
comme tous les tiens avant toi
sans jamais savoir
quelle est ta voix et où elle va
seulement l’ivresse
et l’extinction.
extrait 9
Je cherche ton corps
(la cage s’est métamorphosée)
définitivement en allé
l’événement est arrivé sans crier gare
défunte, ton âme ?
la radieuse n’oubliait jamais de vivre
peut-on mourir de trop de vie ?
As-tu pensé ton passage ici suffisant
frère humain qui as habité la douleur
avec endurance
risqué l’ivresse pour repousser la nuit
je te pense avec ma foi si faible
(luciole sur ma paume de fille
que tu faisais tomber jadis d’un coup de rire)
au bord du pire
ton rire toujours
quand ta gorge tranchait l’écorce
pour faire affluer le souffle
sur la route chaude encore
nos mots s’épaulaient hurlant à la sève
plus forts que la menace
courant leur espoir
seulement la maigre couronne des blés
sur ton front
et en côte à côte pulmonaire
la mort à venir
qui cherche sa victoire dans le corps.
extrait 8
Tu n’as rien désiré d’autre
que le réel au-dedans de toi-même
le salut, tu n’y croyais pas
ton dieu était un dieu trop exigeant
bien plus exigeant que le Jésus de l’enfance
(tu avais été une nuit de Noël
son étrange incarnation)
la foi en toi n’était personne
et l’alcool n’était pas l’autre
(solitude de ta passion)
comme tombées d’amour
les femmes dans tes yeux, tes mains
tremblantes bribes de vie
tous les jours que ton dieu ne fait pas.
Tu as vécu l’enfant en l’homme
jeté dans les pentes sur un vélo
sans freins, tu t’es cogné
contre les parois de granges
où le foin enivrant t’appelait
poutres ou pommiers
en funambule défiant, bataillant
osant la folie de durer
pour ta soif jamais étanchée
comme si tu étais né au désert
qu’il te faille le mirage de l’oasis
la fontaine ardente
pur sang d’éternité
nulle parcimonie dans tes gestes
tu as rêvé
l’enfant en l’homme.