John Fante est un écrivain dont j'admire réellement la capacité à faire une chose que j'ai toujours trouvé difficile : rendre intéressant des personnages qui sont à tout point détestable. Et dans ce roman, mieux que dans n'importe quel autre, car il va le sublimer avec une histoire d'amour. Et quand
John Fante écrit l'amour, ça sonne comme du
Bukowski mêlé de roman noir. Et il est bougrement fort sur les deux points, en plus !
J'ai trouvé dans ce roman une image à contre-pied du rêve américain : le narrateur/héros étant détestable tout du long, bien que l'on comprenne l'origine de ce caractère, et que l'on soit attaché a lui.
Bandini est un personnage désagréable que l'on a envie de voir gagner au final. Sans pour autant que je ne sache pourquoi, quelque chose sonne si juste dans sa façon d'être que l'on ne peut qu'être avec lui. Et tout du long, je me prenais à souhaiter qu'il réussisse à être heureux, ne serait-ce qu'un peu.
John Fante raconte les malheurs de son personnage d'une façon qui laisse planer l'ombre de la fatalité, une destinée où Arturo
Bandini ne peut pas être heureux, coincé entre ses rêves fous et sans aucun intérêt (puisqu'il n'a aucun autre but en soi que la richesse et la gloire, sans la moindre idée de ce qu'il ferait s'il y accédait), alors qu'a ses côtés se profilent les ombres d'une réalité sordide, crue et sans concession pour tout les humains. Une réalité qui est un fardeau pour lui.
Bandini ne pourra jamais se débarrasser de ce qu'il a vécu, malgré ses efforts desesperés pour s'extraire de tout ceci. Il restera marqué par la fange dont il vient. Et cela donne une dimension héroïque à ce personnage détestable.
Le propos est articulé autour de cette double histoire de quête de richesse et d'amour involontaire. Car
Bandini ne cherche pas l'amour, quand bien même celui-ci s'invite chez lui. Et c'est là la beauté de ce livre : la façon dont il ne peut gérer ses propres émotions, sa propre vie qu'il veut régler comme il l'entend uniquement. Mais l'humain échappe à toute règle, même celle que l'on s'impose ...
Ce roman a une grandeur d'âme incomparable, entre les errances du personnage qui le rendent détestable et que l'on se prend à aimer, ou à plaindre; et les considérations de
John Fante sur un monde qui lui a fait perdre les illusions et les rêves. La réalité du mythe américain qu'il nous présente semble proche de celles des romans noirs, représentant une société qui ne donne nullement envie d'y vivre. Et pourtant elle est diablement réelle.
C'est tout cela mélangé qui fait un si bon livre de
Demande à la poussière : le talent de Fante mis au service d'une histoire qui nous embarque réellement. Et cette fin douce-amer, mélange d'une réussite et d'un raté, donne un ton aigre-doux au récit. En le refermant, il reste un peu de ce désert californien dans l'esprit, ce lieu où tout est voué à mourir et disparaitre,
Bandini avec tout le reste ...