Spider-Man's : Tangled Web 01

Ce tome est le premier d'une série qui aura comporté 22 numéros. Il contient les épisodes 1 à 6, initialement parus en 2001, qui forment 3 histoires distinctes. La mise en couleurs de ces 6 épisodes a été réalisée par Steve Buccellato. le principe de cette série est de s'attacher à des criminels évoluant dans l'environnement de Spider-Man, avec une équipe créatrice différente pour chaque histoire.

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- Épisodes 1 à 3 (Scénario de Garth Ennis, dessins de John McCrea, encrage de James Hodgkins) – À l'extérieur, Spider-Man est en train de se battre, avec panache et quelques bons mots, contre Rhino (Aleksei Sytsevich). À l'intérieur du bar, Carl King les observe en ruminant en son for intérieur. Il estime que c'est lui qui devrait disposer de ces pouvoirs, que c'est lui qui devrait briller de mille feux en redressant les torts, que c'est lui qui devrait être adulé. Il se trouve que Carl King connaît Spider-Man depuis le collège et qu'il dispose d'une forme de superpouvoir.

Voilà qui est fort inattendu : Garth Ennis, la terreur des superhéros et le roi de la provocation trash et pertinente, écrit une histoire de Spider-Man. Ce dernier apparaît bien dans l'histoire, et se trouve confronté de manière directe à Karl King, dans des affrontements physiques. Contre toute attente, Ennis joue le jeu sans traîner Peter Parker dans la fange, sans l'humilier, sans le ridiculiser, en l'écrivant au premier degré pour faire simple. le plus trash concernant ce personnage est qu'il a utilisé la machine à laver de sa tante, et qu'il a lavé son costume avec l'une des tuniques de sa tante, et il a déteint dessus (sans aucune connotation de quelqu'ordre que ce soit).

Le comportement de Peter Parker est conforme à sa version canonique : répliques moqueuses quand il se bat, courage pendant les affrontements, gentillesse avec sa tante, et chance qui le lâche (par exemple, lors de sa sortie en soirée avec sa copine du moment Skye). L'intérêt de l'intrigue se trouve donc dans l'histoire de Carl King. Garth Ennis met en scène un envieux, bardé de mauvaises excuses. Quand il regarde Spider-Man (Peter Parker, car il connaît son identité secrète), il voit une personne qui ne mérite pas ses pouvoirs, qui trompe le public, qui n'est qu'un imposteur dans les grandes largeurs.

Ennis réussit à rendre la personnalité de Carl King, plausible. Ses motivations sont compréhensibles et convaincantes. Son origine (secrète comme de bien entendu) est intiment liée à celle de Spider-Man, ainsi que son histoire personnelle. le thème n'est pas très surprenant compte tenu du parcours de Peter Parker, mais il est bien traité. Pour ces 3 épisodes, Ennis est associé avec un de ses compères habituels : John McCrea. Ensemble, ils avaient réalisé la série Hitman pour DC Comics (à commencer par A rage in Arkham), ainsi que la série trash Dicks Volume 01.

Dans un premier temps, le lecteur est un peu surpris, car cet artiste a choisi une approche assez simplifiée pour ses dessins, épurant la majeure partie des décors, dessinant les silhouettes avec une dimension cartoon. La narration est claire, et il peut ainsi rendre tout public, même les éléments de nature horrifique (The Thousand qui habite la peau des personnages, et qui en change quand le besoin se fait sentir, laissant derrière lui une peau intacte mais vide).

Le résultat de l'esthétique choisie n'est pas toujours très joli, et les expressions des visages manquent parfois de nuance et de conviction. La tonalité narrative oscille entre un langage corporel adulte pour les personnages, et des effets plus enfantins pendant les combats, atténuant la gravité des méfaits commis par Karl King.

Au final cette première histoire est agréable et en phase avec l'histoire personnelle de Peter Parker. Gath Ennis a mis la pédale douce sur les moments Ennis, John McCrea a opté pour un rendu tout public pas très enthousiasmant, mais lisible. 4 étoiles.

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- Épisode 4 (Scénario de Greg Rucka, dessins et encrage d'Eduardo Risso) – Tom Cochrane est un homme de main à la solde du Kingpin (Wilson Fisk), assez haut placé dans la hiérarchie pour que le Caïd connaisse son nom et le reçoive en personne. Un soir, il reçoit un coup de fil de Brian, un homme de main moins important qui vient le chercher pour l'emmener devant le boss. À la télé, un reportage d'information relate l'arrestation de voleurs, ayant raté leur larcin à plusieurs millions de dollars.

Changement radical de dessins, avec cet épisode. le lecteur retrouve avec un immense plaisir l'artiste de la série 100 Bullets, en grande forme graphique. Les aplats de noir sont généreux et assombrissent la narration pour une noirceur en phase avec le récit. le niveau de détails est adapté à chaque séquence. Les tenues vestimentaires sont impeccables. La mise en scène est sophistiquée et participe d'une prise de vue construite. Les visages expriment des émotions complexes et adultes. Un régal visuel du début jusqu'à la fin.

Le scénariste a concocté un récit bien noir, dans lequel l'un des lieutenants de Wilson Fisk doit payer le prix de son échec. Cet homme est marié ; sa femme se fait une idée assez exacte de ses activités réelles. Il a 2 enfants. Il n'est pas du genre à se défiler. Comment se préparer à un tel entretien ? Comment rester professionnel ? Comment garder sa contenance face à cet homme imposant qu'est Wilson Fisk ? Une chose est sûre, Spider-Man n'apparaît que le temps de 2 cases en ombre chinoise, et il n'a aucune idée de ce que son intervention va avoir pour conséquence dans la vie de Tom Cochrane.

Ce récit en 1 épisode de Greg Rucka est noir à souhait, futé et retors, avec une mise en image somptueuse et en phase. 5 étoiles.

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- Épisodes 5 & 6 (scénario de Peter Milligan, dessins et encrage de Duncan Fegredo) - Aleksei Sytsevich est un homme de main à la comprenette limitée. Pour augmenter sa valeur marchande sur le marché du travail, il a accepté il y a plusieurs années de se soumettre à une expérience qui lui a permis d'augmenter sa masse musculaire. Il s'est fait greffer une seconde peau impénétrable et il se fait appeler Rhino. Alors que le récit débute, il sauve Stella Pavlov d'un gang de criminels, souhaitant intimider son père, chef d'un gang rival. Ne supportant plus d'être la risée de tous les porte-flingues, et autres supercriminels sans envergure (même Kangaroo se moque de lui), il exige d'un professeur travaillant dans l'illégalité qu'il lui améliore son intelligence. le pire, c'est que ça marche.

Au travers du titre de son histoire (Des fleurs pour Rhino), Peter Milligan indique qu'il transpose l'intrigue du roman Des fleurs pour Algernon (1966) de Daniel Keyes, au Rhino. Il le fait bien. La personnalité d'Aleksei Sytsevich est très bien rendue, de sa manière d'apprécier les choses simples (traverser un mur en le pulvérisant avec sa corne), à la croissance sans limite de son intelligence (et sa condescendance pour les gens moins vifs d'esprit que lui).

Peter Milligan ne se contente pas de transposer mécaniquement le roman de Daniel Keyes, il le fait avec verve et avec piquant, montrant l'ascension irrésistible de Rhino qui reste fidèle à son histoire personnelle. le lecteur prend un grand plaisir à le voir concevoir un nouveau mode opératoire, jusqu'à se retrouver à la tête de sa propre organisation criminelle florissante.

Duncan Fegredo donne à voir cette ascension, avec des dessins adaptés. Son trait est un peu gras, avec quelques cassures introduisant de légères brisures qui rendent bien compte du caractère mal dégrossi de Rhino, et de son utilisation basique de sa force brute. L'artiste sait représenter les détails des décors pour leur donner de la consistance : très bel ameublement de l'appartement du père de Stella, magnifique terrasse de l'appartement de Rhino, très belle vue du Washington bridge, etc. Les personnages arborent des expressions de visage très parlante, à commencer par le petit margoulin qui courtise Stella.

Peter Milligan et Duncan Fegredo racontent un petit bijou d'humour et de sensibilité, autour d'un personnage en apparence peu palpitant, mais dans le fond très attachant dans son envie d'être normal et heureux. 5 étoiles.