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sur 564 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Les Bourgeois, une famille suivie sur plusieurs générations de la fin du XIXe siècle à nos jours, ont les caractéristiques de leur nom. Les plus anciens vont connaître les deux guerres mondiales, certains y mourir prématurément, d'autres les pleurer. Tous auront à coeur de perpétuer la tradition : une manière de vivre avec naturel ce qui est culturel et hérité.

Ces Bourgeois bourgeois, catholiques, de droite, qui pensent qu'il vaut mieux accepter qui l'on est plutôt que prétendre se créer, Alice Ferney les décrit comme : " les représentants d'une époque et d'un milieu typiquement bourgeois, parisien, catholique, très " Action française " comme on le dit maintenant, avec la sévérité de ceux qui viennent après et n'ont guère de mérite, puisqu'ils savent où mènent certaines idées et que l'Histoire a jugé. " Alice Ferney le dit et le répète, il faut se garder de juger les gens qui ont vécu dans un autre temps : « Le présent est lourd et opaque, la teneur des jours n’est pas historique. »

Une famille (la sienne ?) dont l'histoire indissociable de l'Histoire inspire à Alice Ferney de belles et justes phrases sur la mort, la maternité, la transmission des valeurs bourgeoises. Mais elles ne doivent pas cacher le revers de la médaille, ce que ne fait pas Alice Ferney avec une certaine honnêteté, car si elle évoque longuement les aspects positifs de la bourgeoisie, justifie ses choix, comprend ses erreurs, parfois aussi elle se demande dans quelle mesure ce milieu est fermé, obtus, non progressiste.
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Voila un curieux roman, qui se démarque des sagas familiales par son ancrage historique fort et très bien intégré. C'est toute l'histoire du vingtième siècle, revue à l'aune de quatre générations d'une famille aisée, appartenant à la bourgeoisie, bien que le titre se réfère simplement à leur nom de famille.

Outre une analyse intéressante de l'histoire des conflits qui ont marqué ce siècle passé, de la grande boucherie de 14-18, à la guerre d'Algérie longtemps pudiquement évoquée comme « les événements » , en passant par la seconde guerre mondiale et la guerre d'Indochine, on mesure l'impact de ces événements sur les vies individuelles et l'évolution de la vie familiale.

C'est aussi une fresque chronologique qui illustre le processus lent d'une métamorphose de la condition féminine avec ses conséquences sur la cellule familiale. Avec cette impression de courbe exponentielle, avec une progression lente au départ puis extrêmement rapide. Avec cependant dans le milieu étudié, une résistance forte aux changements, et un maintien obstiné des traditions, étayées par la religion, malgré l ‘évolution importante des valeurs traditionnelles

Témoin de la succession des naissances et des décès , qui alternent avec les mariages , le lecteur assiste en une sorte de de diaporama accéléré au déroulé du destin de cette famille. Et bien entendu, la mort y est très présente, naturelle, ou induite par la folie des hommes, mais de toute façon inéluctable et seul réelle égalité entre les humains.

C'est sans doute la mise à distance, l'observation minutieuse mais désaffectée , à la manière d'un entomologiste scrutant une colonie de fourmis, qui donne un ton particulier à ce roman. Ce n'est donc pas un roman qui induit un attachement aux personnages, d'autant qu'ils défilent génération après génération.

Belle chronique d'un milieu social particulier , dans la tourmente d'un siècle mis à mal par la haine ordinaire et la mégalomanie des dirigeants peu enclin à tenir compte des malheurs individuels qu'ils créent.


Lien : http://kittylamouette.blogsp..
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Tout a été dit déjà et en plus je suis une admiratrice de l'auteur depuis "-LElegance-des-veuves " et "Grâce et dénuement".........
Je n'écrirai rien d'original , simplement qu'Alice F .réalise une fresque vertigineuse longue à lire vu le déploiement d'une famille et ses complexités généalogiques , un récit narratif riche d'anecdotes familiales. Il imbrique nombre de destins individuels ,en construisant avec maestria un siécle d'engagements - de la grande guerre à la seconde, -de la Décolonisation à l'après mai 68 ---
En allant du singulier au collectif , elle tisse une mosaïque géante différente à mon sens d'une simple saga familiale., plutôt un essai déguisé en roman rythmé par l'apparition et la disparition des personnages, leurs engagements et leurs aspirations . Elle se fait historienne et conteuse !
Les "Bourgeois , cette grande famille qui a le goût de la transmission et de la continuité vit avec naturel ce qui est culturel et hérité : de Jules l'aîné "le magnifique" , André "le simple" , Nicolas le "héros discret", Louise "la passionnée", Jean "le bon", Joseph " l'ambitieux ", Guy " le chevalier " , Jérôme le "brave ", Claude " l'impétueux," à Marie "nourricière" , la petite dernière qui n'a pas connu sa mère, : son décès , une Blessure Invisible " pour les dix enfants de la fratrie jusqu'à leur disparition !

Comment s'exprimait leur conscience d'être des privilégiés et des catholiques ?
La matrice culturelle qui avait vu naitre leur père en 1895, avait traversé une incroyable série d'évolutions .
Il connut une belle collection de premières fois !
Toutes les évolutions sociales et les grandes réformes furent de son époque. Henri verrait le monde changer au point d'être méconnaissable ! de son vivant , on privilégiait les sujets convenables aux sujets intéressants ! Sous pretexte de tenue , on ne déballait pas ses états d'âme..
"Les-Bourgeois "sont sérieux comme la pluie, droits, dignes, élégants et volontaires, conservateurs, peut - être un peu raides , dévoués aux autres.
Ils portent haut le sens du devoir , une valeur partagée par tous !
Au sein de ce puzzle temporel , cet album au souffle romanesque , ample et captivant nous passons du 28 avril 1869 , naissance de la "racine de l'arbre de Valentine" , veuve à 40 ans de Jules Bourgeois jusqu'en 2013 !
L'auteur compose une oeuvre à la fois intimiste , universelle , une intéressante réflexion sociologique sur l'emmêlement cruel de la mort et de la vie, l'évolution des moeurs , les valeurs , le statut et la "place" des femmes, le deuil, le rôle du père, la religion, les progrès sociaux , les évènements porteurs de tragédies comme les guerres , les mutations essentielles .......
Là où le temps s'en mêle , elle donne à voir sans jugement ni concession , avec délicatesse , bienveillance et profondeur , l'éternel recommencement des choses , ses multiples personnages sont des "caractères" .........
L'écriture est d'une grande beauté, précise et colorée, incisive .
Une saga que je n'aurais certainement pas lue si elle n'avait été écrite par Alice F , c'est une conteuse hors- pair , remarquable ! Mais ce n'est que mon avis , bien sûr .
Je n'ai pas lâché ce livre depuis deux jours ,même la nuit........
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Né en 1895, Henri a vécu la séparation de l'État et de l'Église. En bon catholique, Henri obéissait au pape, quoi qu'il lui en coûtât.
Quant à Mathilde, elle n'eut d'autres choix que d'être heureuse, comme épouse et mère. Elle a mis au monde dix enfants, en a élevé huit. Qui lui a demandé ce qu'elle pensait ?
La vie de cette tribu tout au long du siècle. J'ai aimé comprendre leur point de vue, souvent issu d'un monde fermé. Dans les institutions catholiques, il n'y a pas eu de sièges vides le lendemain de la rafle du Vél d'Hiv. Comment alors réaliser que des familles entières disparaissaient ? Uniquement parce qu'elles étaient juives. Choquant bien sûr, mais sans doute proche de la réalité.
Il est assez rare qu'un auteur s'efforce de reconstituer les points de vue des personnages d'une époque plutôt que de leur donner un point de vue contemporain. Moins révoltant, mais invraisemblable.
Comprendre leur point de vue n'est pas les excuser bien entendu. Peut-être, pourrions-nous réfléchir au monde que nous traversons. Sans doute, dans le futur, nos arrières petits enfants seront choqués de voir ce que nous avons ignoré et qui, selon, leur point de vue, crève les yeux.

Lien : https://dequoilire.com/les-b..
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1918, la toute jeune Mathilde épouse Henri Bourgeois, comme un pied de nez à la guerre qui vient de finir et qui fait dire à tous "plus jamais ça". Jules, Jean, Nicolas, André, Joseph, Louise, Jérôme, Claude, Guy, Marie, le couple aura 10 enfants égrenés au fil des années jusqu'à la mort en couches de Mathilde. Car chez les Bourgeois on est... bourgeois ! Catholique, plutôt de droite, fidèle à sa patrie et à son dieu, faisant passer le devoir avant tout et cachant ses émotions si la situation l'exige. du début à la fin du XXe siècle, les descendants de Mathilde et Henri traverseront guerres et bouleversements sociétaux sans jamais oublier leurs racines et leur famille.

Drôle de roman que ces Bourgeois d'Alice Ferney dont j'ai découvert la plume avec cette lecture. Alors que je m'attendais à une saga familiale assez classique épousant le destin de cette famille au fil des années, j'ai d'abord été désarçonnée par la construction de cette histoire qui ressemble à un puzzle fragmenté. Déjà, procédé assez classique, l'auteure entremêle deux trames narratives, celle d'une narratrice inconnue (qui semble faire partie de la famille, petite fille ou arrière petite fille, voire être l'auteure elle-même) de nos jours racontant le bouleversement créé par la mort de Jérôme un des enfants de la fratrie, et celle de la construction de cette immense famille débutant avec le mariage de Mathilde et Henri en 1918. Mais très vite les chapitres se bousculent et le roman éclate en fragments divers avec des retours en arrière sur les ancêtres de Mathilde et Henri, des bonds en avant pour parler de leurs petits ou arrières petits enfants, bref on est loin d'un récit chronologique classique. J'ai trouvé le procédé plutôt enrichissant car il offre des éclairages différents sur les époques et les moments, certaines scènes clés étant d'abord racontées comme des allusions ou à travers leurs conséquences alors qu'on découvre plus loin dans le récit ce qu'il s'est vraiment passé. Par contre j'ai eu beaucoup de mal avec la trame contemporaine qui mêle réflexions sur la mémoire, l'histoire familiale, ce qu'il reste de nos racines ou de nos souvenirs quand on vieillit puis qu'on disparaît. Les propos ne sont pas inintéressants mais c'est quand même très répétitif, un peu pontifiant et surtout très lent, au point que j'ai vraiment songé à abandonner ce livre.

Heureusement après une grosse centaine de pages, la petite musique d'Alice Ferney se met enfin en place et j'ai été happée par cette histoire, cette famille pas comme les autres, qu'on pourrait détester pour son côté ringard, réactionnaire, cette vie étriquée qui refuse de voir le monde changer autour d'elle, et que pourtant l'auteure arrive à rendre attachante en nous montrant à quel point tous ses membres ont toujours été fidèles à leurs valeurs, à ce qu'ils estiment être leur honneur, leur devoir. C'est aussi un excellent témoignage sur l'histoire tumultueuse du XXe siècle puisque à travers les différents enfants, dont plusieurs choisissent la carrière militaire, on va revivre les grandes guerres qui marquèrent cette période : second guerre mondiale puis guerre d'Indochine ou d'Algérie. le tout est raconté d'une plume alerte et très fine qui excelle à nous faire revivre les événements, à nous replacer dans le contexte et à apporter à chaque fois un éclairage original et pas caricatural sur les faits historiques. Au fil des pages (et c'est un beau pavé !), on s'attache de plus en plus à cette famille et à son histoire au point que je n'avais pas envie de voir ce roman se terminer malgré mes réticences du début.

Les Bourgeois... un roman qui se mérite mais qui une fois apprivoisé m'a laissé une forte impression, à la fois par le talent d'écriture de son auteur et par son originalité sur un type de récit pourtant déjà beaucoup vu et lu. Je vais aller piocher dans les autres titres de l'auteure car j'ai très envie de réitérer l'expérience avec elle.
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Un roman dense, foisonnant qui suit l'histoire de la famille Bourgeois tout au long du XXème siècle. Valentine, l'aïeule, restée très tôt veuve avec ses fils, dont certains seront emportés lors du conflit 14-18 – puis Henri, son fils, dont l'union avec Mathilde sera très féconde : pas moins de 10 enfants verront le jour en l'espace d'une vingtaine d'années.

La narratrice, dont on ne sait pas très bien si elle est une Bourgeois ou non, entretient des liens affectifs très forts avec Claude,8ème dans la lignée. C'est en observatrice qu'elle fait le récit de l'histoire de la famille, mêlant petite histoire et grande Histoire : la seconde guerre mondiale et les loyautés au Maréchal, mais aussi la participation à la Résistance, l'Indochine, puis l'Algérie – autant de combats pour cette famille de militaires qui a la Patrie chevillée au coeur et au corps, autant de blessures, de pertes et de désillusions.

Une famille française, bourgeoise, catholique, qui vit dans un monde clos, où l'on se marie entre soi et dans laquelle le collectif noie un peu l'individu. Pour autant, c'est aussi une fratrie qui s'épaule, se soutient, se retrouve avec plaisir même si la pudeur, la dignité empêchent tout épanchement trop personnel. Les adultes aiment, protègent, élèvent mais n'ont pas non plus le temps d'accorder à chacun trop d'attention. Une autre époque, finement saisie par Alice Ferney qui, jamais ne juge ou ne compare : soucieuse de contextualiser des positions, des attitudes, d'expliquer qu'en d'autres temps, d'autres moeurs. C'est si intelligent que le lecteur lui-même n'a nulle envie de s'indigner mais cherche plutôt à comprendre.

Quelques personnages très attachants, Claude notamment sur lequel l'auteur s'attarde le plus. le 7ème fils, le cancre, renvoyé de tous les collèges, celui qui reste en retenue à la pension le weekend pour mauvais résultats alors qu'il se languit des siens. Claude, si proche de son frère Jérôme, presque jumeau, qui veillera sur lui à la suite de son accident. Claude qui a incorporé l'humiliation de celui qui échoue mais qui brillera par le sport – à une époque, dans un milieu où les performances de ce type ne sont pas valorisées. Claude qui finalement trouvera sa voie et portera à la fin de sa vie un regard attendri sur les Bourgeois.

C'est étrange car je ne partage presque rien des valeurs de cette famille et pourtant lorsque j'ai tourné la dernière page, j'étais presque triste de la quitter.

C'est un excellent roman, très bien écrit, une fresque sociale et historique ample qui m'a permis de découvrir Alice Ferney : un joli coup de coeur.

Challenge ABC – 2021/2022
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Alice Ferney dresse ici le portrait d'une famille sur un siècle, et pas n'importe quelle famille... Mais ce qui est passionnant dans le roman, outre le défi de ce récit avec ses multiples personnages sur une durée de plusieurs décennies, ce sont les réflexions que cela inspire à l'auteure, les questions sur le temps et la mémoire, la famille et le sens de la vie, mais surtout sur cette particularité énorme du 20ème siècle : les extraordinaires changements de société auxquels ont assisté sinon participé les êtres de ce siècle, et les bouleversements moraux et psychologiques que cela a pu entrainer. En effet, on a peu l'occasion de s'attacher aux protagonistes, qui sont trop nombreux et auxquels on peut difficilement s'identifier, mais on ressent très finement le temps qui passe, l'histoire qui se tisse, les mouvements qui naissent et laissent sur les bords ceux qui ne s'adaptent pas, ou qui refusent de se laisser porter par les courants nouveaux. J'ai juste regretté que ce regard et cette réflexion soient un peu trop extérieurs, qu'on ne soit pas plus emporté par un personnage en particulier, mais je ne me suis pas ennuyée une minute, et c'est là tout le talent d'Alice Ferney.
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Remarquez le B majuscule du titre... C'est d'une famille dont il sera question durant tout le livre. Leur patronyme de Bourgeois leur va comme un gant en veau le plus fin car ils font partie aussi de la catégorie sociale dont ils portent fièrement le nom. Alice Ferney, va nous tracer le portrait de tous ces gens depuis le début du siècle dernier jusqu'à nos jours. Une saga familiale me direz-vous ? Pas du tout ! Ou pas tout à fait, car si le romanesque est quasiment exclu durant ces 350 pages, le vent de l'Histoire de notre pays souffle sur ce roman. La romancière cette rentrée a laissé la place à l'historienne et à la sociologue pour pousser les lourdes portes en bois des îles de cette famille du 16ème arrondissement et nous éclairer sur l'impact des grands événements du siècle imprègnent sur leur vie.
Au début du 20 ème siècle, les Bourgeois sont riches, cathos et corsetés. Plus de cent ans après, malgré plein de guerres, d'avancées sociales et technologiques, ils continueront à transporter vaillamment leurs familles nombreuses dans des monospaces garés devant des églises un peu clairsemées. Oui, au fil des événements ils seront antisémites, pétainistes, attachés à l'armée française et aux colonies, abasourdis par l'arrivée de la pilule, ne comprendront pas trop le féminisme même s'il arrivera quand même à s'infiltrer, seront révulsés par l'avortement, le sida ne passera pas par eux, manifesteront pour l'école privée et bien sûr contre le mariage pour tous. Avouez que les personnages sont bien chargés et n'attirent pas de prime abord la sympathie ( enfin pour moi qui ne suis ni croyant, ni riche, ni habillé chez Cyrillus). Alice Ferney n'essaie pas que l'on soit en empathie avec eux, se contentant de les étudier comme une scientifique, promenant sa loupe sur les photos de familles et essayant de deviner les pensées intérieures de ces personnes dont les traditions bien ancrées leur ont permis de ne pas vaciller malgré les remous de l'Histoire.
Pourtant la narratrice semble bien les connaître, et même y être attachée, saluant au passage, et avec justesse, leurs valeurs d'honnêteté, de droiture, leurs nombreux services rendus à la nation via leurs enfants devenus militaires. Si leur monde aux idées apparemment assez rances ne supporte que le regard tronqué d'une vision essentiellement religieuse et formatée par les règles inoxydables d'une bourgeoisie pas si éclairée, celui de la romancière élargit le champ en donnant à voir comment et pourquoi les positions changent si peu au cours de ces vies. Dans un style qui force l'admiration, leurs agissements, leurs choix sont remis en perspective et prennent soudain un sens beaucoup plus universel que leur jupes plissées et leurs Légions d'Honneur pourraient le laisser paraître.
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Comme son patronyme l'indique, la famille des Bourgeois est une famille bourgeoise catholique aisée. Lors du décès de Jérôme, 8e de la fratrie, la narratrice décide de retracer le parcours complet de cette famille durant le XXe siècle. Peu après la Première guerre mondiale, Henri rencontre Mathilde et ceux-ci décident aussitôt de fonder une famille. Dix enfants naîtront de 1920 à 1940 (ce qui était beaucoup à l'époque mais n'était en rien exceptionnel), de Jules à Marie. Après des études dans des institutions privées catholiques, les garçons accèderont à un métier noble : trois seront militaires, un sera médecin, un autre avocat… Quant au deux filles, elles deviendront mère à leur tour.

Tous ou presque perpétueront et agrandiront la famille. Tout cela en parallèle avec les soubresauts de l'histoire de France. Observant le temps qui passe, mais sans vraiment suivre les évolutions de son époque, ou alors avec quelques trains de retard (pour les droits des femmes par exemple). Car le clan des Bourgeois est une famille on ne plus traditionnelle et réactionnaire. Ce qui en fait un point de vue original, car peu développé en littérature. Les nombreux événements sociétaux, hormis les guerres bien sûr, semblent se passer dans un autre monde, même s'ils auront des répercussions à terme dans le monde feutré de la famille. Les réunions familiales revêtent plus d'importance que n'importe quelle manifestation extérieure.

Bien sûr, en développant l'histoire de toute une famille, nombreuse qui plus est, Alice Ferney prend un recul nécessaire qui peut s'apparenter à de la froideur, mais au fil des pages, on s'habitue et s'attache à l'un ou l'autre membre de la famille. Même si quelques attitudes surprennent : une famille dont le patriarche fréquente l'Action française, et pourtant personne n'est tenté par l'antisémitisme, tout en soutenant Pétain (comme la grande majorité des français par ailleurs). de plus, le Concile Vatican II (juste cité) ne semble avoir aucune incidence sur une famille aussi catholique que l'est celle des Bourgeois, alors qu'il a bouleversé de nombreux pratiquants et divisé des familles entières.

Hormis cela, Les Bourgeois est une excellente saga familiale et historique, nous faisant découvrir l'histoire de France avec un autre point de vue.
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Dans Les Bourgeois, famille si bien nommée, Aline Ferney nous offre une belle saga allant du milieu du 19ème siècle à nos jours , plus spécialement axée toutefois sur la génération née entre les deux guerres.


Précisons que si ce roman s'inscrit dans une époque où les valeurs de solidarité, de respect de l'ordre, d'obéissance envers les parents et la société en général étaient largement répandues dans toutes les classes de la société, il n'a pas prétention à embrasser tous les milieux. Il se concentre exclusivement sur cette bourgeoisie aisée, privilégiée, héritière d'une tradition qu'il ne venait à l'idée de personne de contester ("le drapeau, l'armée, l'honneur, Dieu, voilà qui vous tenait un homme" p.91), où les hommes avaient à coeur de
remplir leur rôle de pilier familial et où les femmes privées de droits entraient dans le mariage comme dans un piège douillet.
Les fratries de huit ou dix enfants se succédaient chez les Bourgeois, de sorte qu'il n'est pas toujours facile de se retrouver dans des familles si nombreuses que les générations finissaient par se chevaucher (le petit dernier était souvent encore en culottes courtes quand l'aîné se mariait.).


Si loin que nous paraisse ce monde, tant les mentalités longtemps figées ont évolué rapidement au 20ème siècle, on parvient cependant à éprouver beaucoup d'empathie pour les personnages qu'Alice Ferney fait défiler sur la route du temps. Leurs valeurs immmuables recèlaient de beaux sentiments de générosité, de don de soi et d'altruisme, certainement plus nobles que notre individualisme moderne.
L'auteur pénètre les coeurs et les esprits avec tellement de finesse qu'elle réussit à refaire de ces disparus des êtres de chair, avec leurs qualités et leurs faiblesses. le lecteur en vient à éprouver une réelle émotion à leur fréquentation. Il partage leurs joies - évenéments heureux de la vie, retrouvailles emplies des rires des ribambelles de cousins, mais aussi leurs peines - l'épreuve de la guerre (certains ont eu la malchance d'en connaître deux) ou le chagrin de parents devant la mort de leurs fils fauchés sur les champs de bataille à l'aube d'une vie brillante.


Une des réussites de ce roman est aussi d'avoir enchâssé ces histoires de famille dans la grande Histoire pour les mettre en perspective, analyser et comprendre les mentalités et les comportements en essayant de faire abstraction des connaissances historiques que l'on n'avait pas à l'époque. Un très beau travail de recherche dans ce roman fort bien documenté.
Le revers de la médaille - et c'est le seul regret que j'émettrai- est qu'Alice Ferney, emportée par un désir de bien faire sans doute, a péché par abondance de détails. A mon sens le roman aurait gagné à avoir une bonne cinquantaine de pages en moins. On aurait pu, par exemple, se passer aisément de connaître par le menu les avancées et reculs des armées pendant la guerre de 40, ou de savoir que la loi Neuwirth fut adoptée le 19 décembre 1967 et qu'elle abrogeait les articles L.648 ET L.649 du code de la santé publique. Tous ces détails rallongeant inutilement la lecture ont pour conséquence de détourner l'intérêt de l'humain.


En dépit de cette réserve, il reste que Les Bourgeois m'a procuré un vrai plaisir de lecture. Au-delà de la saga familiale romanesque, cet ouvrage est une réflexion sur la fuite du temps qui nous remet face à notre propre finitude. Pas de tristesse, pas de regrets , pas de nostalgie, juste de la mélancolie. Tout passe!
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