AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
3,9

sur 175 notes
5
10 avis
4
28 avis
3
9 avis
2
3 avis
1
0 avis
Wastburg est une cité apatride, coincée entre deux royaumes et régie par ses propres lois, des règles qui sont celles de la rue… Une cité médiévale corrompue, qui est depuis toujours le théâtre de rivalités entre Loritains et Waelmiens. Une cité livrée à elle-même, affaiblie par la disparition de la magie et, avec elle, de ses puissants majeers. Depuis, la société s'est organisée autour d'un burgmaester dont elle a oublié jusqu'au nom et autour de maesters qui règnent en maître sur la Garde. C'est elle qui est chargée de maintenir l'ordre et l'équilibre fragile qui règne entre les deux clans, elle qui est tenue de déjouer les coups fourrés et les embrouilles en tout genre. Et justement, la garde est en émoi. D'étranges évènements viennent troubler l'ordre apparent. Quelque chose de se trame dans la cité qui pourrait bien changer le cours des choses…

Peu adepte de fantasy, je me suis pourtant laissée convaincre par cette cité médiévale en perpétuelle effervescence et dans laquelle s'anime un monde essentiellement populaire, rustre et violent, embourbé dans sa crasse et dans ses croyances. Ici, nul héros porté par un fier destrier immaculé, mais des gardes bedonnants et malhonnêtes, manipulés par les autorités supérieures et qui se vengent sur les plus faibles. A Wastburg règne le crime et la corruption. La morale semble être une valeur depuis longtemps oubliée… Et c'est dans cette ambiance pour le moins inquiétante et insalubre qu'évoluent les différents personnages de Cédric Ferrand, dont le destin est bien souvent tragique et de courte durée… Et c'est bien ce qui m'a gêné durant ma lecture ! Les « protagonistes » se succèdent, pour disparaître aussitôt, du coup, impossible de s'attacher ou de se focaliser sur l'un d'eux puisque chacun ne fait que passer. Rares sont ceux que l'on retrouve plus tard… Ce n'est qu'en approchant la fin du roman que l'on comprend qu'une intrigue beaucoup plus complexe s'est mise en place depuis le début grâce à ces différents épisodes. Malheureusement, j'ai trouvé que cette révélation venait un peu tard et c'est ce qui m'a manqué pour accrocher complètement au récit. En revanche, j'ai beaucoup aimé l'écriture de l'auteur, cette langue crue, vulgaire, faite d'argot et de grossièreté, qui nous plonge tout de suite dans l'ambiance de la ville. L'atmosphère est pesante et en même temps crédible et laisse une impression finale plutôt réussie !

Je tiens à remercier Folio et Livraddict pour ce partenariat !
Commenter  J’apprécie          212
J'allais te proposer un plan à Troie, mais on va garder l'idée pour un livre sur la Hitlerjugend (et des fois que t'aurais pas capté la vanne, Ilion se situe en nazi mineur).
Partons plutôt en virée à Wastburg, un bouquin de… de… euh… fantasy ?… sans magie ou presque. du médiéval-fantastique très médiéval. Un drôle de roman…

Vu la place qu'occupe la ville dans le texte et le contexte, tu serais peut-être tenté de le caser en urban fantasy. Sauf que non, pour que ce soit urban, faut que la trame se déroule à l'époque contemporaine. Normal, aujourd'hui il n'existe plus du tout de monde rural et avant il n'y a jamais eu de villes. Euh, attends voir… Démonstration est faite une fois de plus que multiplier les sous-sous-sous-genres relève de la crétinerie profonde, à plus forte raison sur des bases défiant le sens commun. Wastburg est 100% urbain (en même temps, c'est une ville, merci la logique). ‘Fin bref, dans la tête de certains, urban signifie moderne, comme si on avait attendu la fin du XIXe pour bâtir des cités. Un peu comme la légende urbaine de la dame blanche qui apparaît sur les routes de campagne. Cherchez l'erreur…
J'ai souvent lu la référence à Laurent Kloetzer (La Voie du cygne), auteur sur lequel je ne me suis pas encore penché (en tout bien tout honneur). Autre nom qui revient dans les comparaisons, Jean-Philippe Jaworski pour ses histoires du Vieux Royaume, Gagner la guerre en tête. Ajoute là-dessus un exergue citant China Miéville à propos du “kyste sur le cul de la littérature de fantasy”, tu sais tout de suite que tu t'aventures dans une veine non-tolkienienne.
Ici, Ferrand est très influencé par son passé de rôliste sur l'excellent Nightprowler (JdR qui te propose d'incarner détrousseur, malandrin, spadassin…), lui-même très marqué par la Lankhmar du Cycle des Epées (Fritz Leiber). Ça me va, on a vu pire comme pedigree.
Pour qualifier cette fantasy-sombre-pas-urban-mais-citadine, le site des Moutons Electriques parle de “crapule fantasy”. Bien vu, l'aveugle, ça me va aussi.
Contexte urbain de cité marchande (avec son lot de pognon, corruption, exploitation, combines de boutiquiers), langage argotique, personnages qui n'ont rien d'héroïque ni de chevaleresque, la crapule fantasy se rattache par beaucoup d'aspects au roman noir. Genre de San Antonio médiéval-fantastique, où la magie et les bestioles fabuleuses seraient reléguées au second plan. L'ambiance patauge dans une boue moyenâgeuse que jamais ne rehaussent les paillettes des licornes. Pas de dragons pionçant sur leur magot, de nains qui se crêpent le chignon avec des elfes, de magos qui se prennent pour des pyromanes dans une pinède du Var et te balancent de la boule de feu à tour de bras. Quant aux objets magiques par brouettes, tintin, on n'est pas dans une table de butin d'AD&D.

Alors de la fantasy sans magie ? Pas tout à fait. La magie existe dans la bonne ville de Wastburg. Surtout dans les souvenirs. Seuls subsistent des reliquats, des traces fugaces. Un phénomène appelé la Déglingue l'a fait s'envoler et avec elle toute l'organisation. Faute de mages pour mener la barque, il a fallu inventer de nouvelles institutions, de nouvelles lois, promouvoir de nouvelles têtes sur la base de qui magouille et réseaute le mieux. Un grand chambardement qui donne au background du “roman” une légère teinte de post-apo. Et aussi un air d'allégorie historique. Cette rupture rappelle les bouleversements révolutionnaires qui ont secoué l'Europe entre la fin du XVIIIe et celle du XIXe , quand les monarchies sacrées bien installées laissent la place à des républiques pragmatiques improvisées (pour pas grand-chose, une aristocratie en remplaçant une autre…).
Pas mal d'éléments du bouquin font écho au vrai monde de l'IRL passée et présente. Les noms à consonance flamande (Wastburg, majeers pour les mages, burgmaester pour le maire) évoquent l'Anvers des temps jadis. Les bisbilles entre Waelmiens et Loritains, les deux communautés qui se partagent la ville, restent dans le même esprit belge, quoique plus moderne (Wallons versus Flamands, un match qui n'en finit pas…). Quant aux inspirations de fiction, on les cherchera du côté de la sombre Lankhmar (Leiber) et d'Ankh-Morpork la cradingue (Pratchett).
L'ensemble donne une bonne synthèse, réaliste pour l'aspect médiéval, avec assez d'inventions personnelles pour ne se limiter à cloner les auteurs cités. Wastburg, personnage à part entière, ne donne pas son titre au bouquin pour rien. de la belle ouvrage.

L'inspiration pratchettienne se retrouve dans aussi les personnages. le Guet d'Ankh-Morpork est célèbre pour sa bande de bras cassés, la garde de Wastburg n'a rien à lui envier.
Je parlais plus haut de “roman” avec des guillemets. le récit se découpe en autant de nouvelles centrées sur tel ou tel aspect de la ville ET tel ou tel personnage. Je trouve l'idée intéressante et très maligne.
Dans une histoire à héros unique, quand un auteur veut développer son décor, le moment arrive vite où le lecteur doit suspendre son incrédulité avec deux paires de bretelles quand c'est pas trois. le gus arpente la ville dans tous les sens, occasion d'en présenter “l'air de rien” (hum…) tous les aspects. Il traîne dans tous les milieux possibles où il croise toutes sortes de gens, des riches et des pauvres, des nobles et des pécores, des guerriers et des marchands de savates… L'histoire vire au jeu de piste artificiel et aux rencontres sur le mode auberge espagnole.
Ici, un chapitre, un personnage. Lié de près ou de loin au guet de la ville, il sera membre de la garde fluviale, gardien de prison, échevin chargé de gérer la troupe dans tel quartier… Des gonziers issus de strates différentes, qui fréquentent donc des gens différents et traînent dans des coins différents. Là, d'accord, le procédé fonctionne et justifie la variété des lieux et des rencontres.
Doublement rusé, parce qu'un casting conséquent permet de dessouder des personnages sans être coincé pour la suite. le “héros” du chapitre peut crever, rien à battre, un autre prendra la relève au suivant. Tu vas me dire qu'on y perd en attachement et en identification. Déjà, d'une, tu vas arrêter de m'interrompre, c'est pas poli. de deux, pas tant que ça. Ferrand sait accrocher le lecteur et on se glisse en quelques lignes dans les godasses de la star du chapitre. En plus, on y gagne en tension. Une fois que tu as compris que la vie est courte à Wastburg, tu ne sais jamais si Machin ou Trucmuche vont s'en sortir dans les prochaines pages. Alors que dans un roman à héros unique (ou même une petite équipe), tu sais qu'à de rares exceptions près, Captain Invincible va survivre au moins jusqu'au dernier chapitre, tu ne trembles pas vraiment pour lui.
La galerie colle à l'ambiance à la fois fin de siècle et nouvelle ère (en clair, gros merdier transitoire). Les têtes qui défilent ne dépareilleraient pas dans un western spaghetti ou une adaptation med-fan des Ripoux. Point de fringants chevaliers propres sur eux et bardés de vertus, bienvenue au royaume des combinards et des magouilleux.

Ce parti pris structurel pourrait donner matière à débat. Paraît-il. Je cherche encore où. Pas dans mon fondement, j'ai vérifié.
Alors oui, si on l'aborde comme un roman, Wastburg risque de paraître décousu à cause de cette succession d'historiettes qui relègueraient au second plan l'intrigue principale. Recueil de nouvelles ? Oui et non, justement parce qu'un fil rouge relie l'ensemble. Faut le prendre comme une forme mixte, à cheval entre les deux. Plein de petites histoires qui se racontent elles-mêmes et en racontent une autre, plus grande et plus globale, une fois mises bout à bout.
Très bon choix que ce parti pris narratif avec de la réflexion derrière (et par réflexion, j'entends des choix d'auteur, pas des options par défaut pour coller à ce qui se vend). Idem la prise de risque à s'aventurer hors des quêtes d'anneaux magiques, chasses au trésor du vilain dragon, prophéties apocalyptiques et autres sagas plus interminables qu'une telenovela.
Une ambiance, un décor, un style, de la fantasy adulte, que dire si ce n'est “youpi tagada”, formule que j'emprunte à Ferrand himself.
“Quand j'aime, c'est youpi tagada. Mais quand on me vend une merde, je suis colère.”
Youpi tagada donc.
Lien : https://unkapart.fr/wastburg..
Commenter  J’apprécie          140
"Wastburg", c'est l'envers du décor de la fantasy traditionnelle : pas de grandes actions héroïques, ici on s'intéresse au populo, dans tout ce qu'il a de petit, de mesquin, mais aussi de vrai. À Wastburg, au lieu de perdre son temps à vouloir sauver le monde, on songe avant tout à s'en mettre plein la panse et à gruger la municipalité sur les taxes. Dans ce moyen-âge à l'agonie, la magie jusque-là bien commode s'est soudain fait la malle, laissant les hommes livrés à eux-mêmes.

C'est donc dans une société en pleine déliquescence que nous entraîne le roman... Mais s'agit-il réellement d'un roman ? On peut presque parler d'un recueil de textes courts, chaque chapitre donnant un coup de projecteur sur de nouveaux habitants et de nouveaux quartiers de la cité franche, bien souvent sans lien direct avec ce qui précède. Il y a certes un fil rouge, mais ce n'est pas dans cette "grande" histoire que réside l'attrait de "Wastburg". Celle-ci n'est qu'un prétexte, dont l'auteur aurait certainement pu se passer sans que son oeuvre en pâtisse.

En réalité, c'est la cité elle-même qui nous fait tourner les pages jusqu'à la dernière, cette multitude de "petites" histoires se déroulant en son sein, comme celles du jeune Sandec, propulsé à la tête d'une bande de gamins des rues, des jumeaux Berken et Fortig, contraints de devenir gardiens de cimetière pour ne pas avoir à traire les chèvres dans leur patelin natal, ou encore de Kleen, ancien ramoneur payé par la Garde pour veiller sur les toits. Autant de tranches de vies qui font que, une fois le livre refermé, on peut sentir tous ces personnages poursuivre leur existence dans les ruelles de Wastburg, à l'inverse d'autres romans où l'on imagine aisément le décor être démonté sitôt la scène finie.

Au bout du compte, la comparaison avec Jean-Philippe Jaworski est inévitable, la parenté est même revendiquée. Et si Cédric Ferrand n'atteint pas encore l'excellence de son aîné (un oeil exercé repérera dans "Wastburg" quelques petites maladresses) nul doute que nous tenons-là un jeune auteur à suivre de près.
Commenter  J’apprécie          140
Wastburg est une ville coincée sur un triangle de terre au milieu d'un fleuve. Sur chacune des rives du fleuve, un peuple : Les Waelmiens d'un côté ; les Loritains de l'autre, qui, après s'être longuement fait la guerre pour la possession du fleuve et de ses rives, ont convenu que chacun resterait de son côté. Wastburg est ainsi devenu une sorte de no man's land entre les deux.

Le livre est divisé en 15 chapitres qui sont autant d'histoires sur les habitants, les coutumes, les quartiers de cette ville pour le moins boueuse et poisseuse. Certains personnages sont récurrents (plus qu'à son tour pour le fameux Polkan), d'autres se font tuer au détour d'un toit glissant ou d'un règlement de compte. Dans tous les cas, Cédric Ferrand s'attache particulièrement à nous décrire la garde de la ville, la "gardoche" pour les familiers de l'argot wastburgien. Sans conteste, de ce côté, l'histoire la plus truculente que j'ai lue est l'épisode de la charrette de courges coincée sur le pont.

L'immersion dans l'atmosphère pour le moins viciée de Wastburg est totale. Petit à petit, on découvre les différents éléments qui la constitue : la Purge, la prison putride, la tour des majeers, désertée depuis que la magie a foutu le camp on ne sait où, le quartier des vanniers où sont fabriqués non seulement les paniers d'osiers mais aussi l'argot wastburgien, le quartier loritain haut en couleurs, les toits de la ville ... le tout n'est pas dénué d'un certain humour, parfois scatologique.

Au milieu de ces tableaux déjà passionnants, il faudra encore cherche le fil rouge de l'histoire qui se tisse entre deux verres de bouscotte ( vous n'avez pas envie de savoir ce qu'est la bouscotte, je vous assure ... Enfin, si la curiosité vous tenaille, vous savez ce qu'il vous reste à faire). Cela dit, je l'ai trouvé plutôt secondaire, même si c'est amusant de découvrir dans chaque chapitre les éléments qui font avancer l'intrigue.

Non, ce qui m'a vraiment plu, c'est ce plongeon dans la ville et dans sa populace, le côté fangeux mais néanmoins attachant ; toutes ces anecdotes qui, mises bout à bout, donnent une consistance à cette cité médiévale imaginaire mais ô combien réaliste.

Courez-y, si vous ne craignez pas de vous salir le bas du pantalon (voire davantage) !
Lien : http://ledragongalactique.bl..
Commenter  J’apprécie          130
Marre de lire encore et encore des mondes imaginaires qui ne partent de rien et qui font l'apologie de la belle fantasy ? Wastburg est fait pour vous. Il peut être lu à la fois comme un recueil de nouvelles et un roman. Chaque personnage a son histoire et sa chute, mais plus on avance dans l'histoire, plus certains deviennent récurrents. Ils sont le noeud de l'intrigue générale, à moins que ce ne soit que la ville le véritable lien ? Paradoxal quand on sait qu'à Wastburg les Waelmiens et les Loritains se castagnent tous les jours. On ne rigole pas avec la crapule fantasy.
Cédric Ferrand nous prouve aussi qu'avec nos propres cultures déguisées, on peut faire un bon roman de fantasy. On assiste un peu à une bataille des pays du Nord contre ceux du Sud avec d'un côté les traditions rustres du viking ou du germain et de l'autre l'extra-version et le côté très cultes, religieux, de l'Espagne ou d' l'Italie. Il n'y a pas que ça bien sûr : la magie est le traitement majeure tout en n'existant plus. La somme de ces deux idées nous donne l'impression de lire une fantasy écrite à la façon d'un roman de société ou historique. Malgré tout, cela reste très léger.
Ce n'est pas un coup de coeur, surtout quand on a lu Gagner la guerre juste avant, mais le roman reste intéressant sur bien des points et reste au niveau de ses ambitions : un roman court avec des idées existantes réutilisées pour recréer un monde, ses cultures et son histoire en prenant appui sur une ville imaginaire.
Commenter  J’apprécie          120
La Fantasy - ou du moins le médiéval-fantastique épique - a connu son âge d'or. Même si des cycles continuent d'être publiés, le bouseux-qui-part-en-quête-d'un-objet-pour-protéger-le-monde-du-retour-du-Mal a finalement trébuché sur son épée, et personne ne le pleurera. Dans son sillage, on a vu naître entre autres la dark ou grim fantasy, dans laquelle le bouseux et sa famille étaient brûlés vifs par des soudards ivres avant d'avoir pu mettre un pied hors de leur cahute, et d'autres sous-genres. Mais, pastiches, caricatures ou hommages, ces livres ne sont jamais très loin du Héros, qu'ils le prennent comme modèle ou anti-modèle. La Première Loi de Joe Abercrombie, par exemple, ou Les Magiciens de Lev Grossman, ne peuvent s'apprécier si l'on a déjà lu leurs prédécesseurs. (On me susurre dans l'oreillette que le mot savant pour désigner tout ceci est l'intertextualité.)

En choisissant plus simplement d'ignorer ces envahissants archétypes, sans les embrasser ou tenter de leur faire un croche-patte, Cédric Ferrand a fait de Wastburg un des rares romans de la Fantasy contemporaine qui ne nécessite ni plusieurs tomes d'exposition ou de développement, ni connaissance préalable du genre, pour être apprécié à sa juste valeur. Wastburg, c'est une cité-état corrompue et décadente, dans une ambiance qu'on pourrait appeler Renaissance si celle-ci avait consisté à dézinguer les vieux barons féodaux à coups de canon pour les remplacer directement par des politicards de la IIIe République. Dans cette ville, en proie au communautarisme et aux revendications minoritaires, on suit les tribulations de miliciens locaux, guidé par un fil rouge narratif qui serpente entre les chapitres à la manière d'un boa repu : s'attardant ici, accélérant là, développant sur le riche folklore local dès que l'occasion se présente (souvent).

Récit choral, donc, mais pas façon "choral-fantasy" avec un groupe de personnages entre lesquels on saute de chapitre en chapitre ("ah zut ! encore un chapitre sur Sansa !..."); mais plutôt à la façon de saynètes indépendantes, composant en kaléïdoscope l'image de la ville. C'est autant dans les portraits des gardes que dans les us et coutumes locaux que se déploie l'inventivité de l'auteur, qui communique au lecteur une affection pour les couches populaires de sa ville totalement dépourvue de condescendance. On suit sans mépris, et avec une certaine tendresse, les trajectoires, ou plutôt les chutes, des personnages. Difficile, pour les habitués du blog de l'auteur, http://www.hu-mu.com , de ne pas penser à ses billets sur les films des frères Coen quand on lit Wastburg : dans son billet sur Burn After Reading, Cédric Ferrand écrit : "C'est un véritable complot des imbéciles. La même imbécilité qui était mise en avant Fargo ou dans The Big Lebowski. Celle des plans foireux, des hasards malheureux et des petites bassesses humaines." Ce complot des imbéciles, la succession de malchances, on les retrouve avec délectation dans Wastburg, jusqu'à l'inévitable conclusion en feux d'artifice.

Le lecteur est entraîné, guidé dans cet entrelacs de combines crapoteuses par l'imagination baroque et féconde de l'auteur et la langue qui la véhicule. Car il est difficile, pour Wastburg, de séparer le fond de la forme. La narration comme les personnages usent du même argot gouailleur, un parler gouleyant dont on fait rouler les mots en bouche comme un vin de terroir de caractère. le vocabulaire fleuri, les métaphores hardies, font de chaque moment de lecture un plaisir intense et jubilatoire.

Cette critique dithyrambique ne doit pas faire croire que j'ai oublié tout sens critique en lisant Wastburg. J'ai été frustré de l'absence de personnages féminins : où sont les matrones wastburgiennes, les fleurs du pavé, les mères, les femmes, les soeurs et les filles ? Les gardes en parlent beaucoup, mais on les voit peu. Dommage, je suis sûr qu'elles sont aussi intéressantes que leurs mâles. Par ailleurs, le fil narratif, peu intrusif dans les premiers chapitres, le devient trop dans les derniers : on ne lit pas Wastburg pour son intrigue, mais pour sa galerie de portraits. le retour de l'intrigue dans les dernières pages, les raccourcis un peu trop elliptiques, et le changement de ton avec le dernier personnage présenté, surviennent trop rapidement. On aurait aimé continué sa promenade dans les bas-fonds fangeux de Wastburg, sans être importuné par l'artifice du suspense. Mais finalement, mon seul vrai reproche à ce livre est qu'il semble trop court, on en redemande.

Cette vision rafraîchissante et innovante de la Fantasy, l'éditeur l'a étiquetée avec beaucoup de flair crapule-fantasy. Wastburg donne à ce nouveau sous-genre ses lettres de noblesse. Comme livre, c'est une superbe réussite. Comme premier livre, c'est un ouvrage impressionnant d'audace.
Commenter  J’apprécie          100
Ouvrir « Wastburg », c'est participer à une expérience. Ne cherchez pas de modèle de comparaison car ce roman n'est pas comme les autres. Si vous espérez une grande intrigue grandiloquente, repassez plus tard car « Wastburg » s'immisce dans votre imaginaire à pas feutrés. Ou avec ses gros sabots, c'est selon. Je m'explique. Si le fil conducteur de toutes ces tranches de vie est tissé en catimini, à travers un patchwork de personnages hauts en couleur, le style lui, n'a rien de délicat...

...la suite sur mon blog !
Lien : http://avideslectures.wordpr..
Commenter  J’apprécie          90
Dans Wastburg, on suit une flopée de personnages différents dans leur quotidien. Les petites histoires s'enchaînent et semblent ne pas avoir de lien entre elles, mais elles en ont bien un ! Si la narration peut donc déstabiliser au premier abord, on prend vite plaisir à découvrir la ville, son ambiance médiévale et son folklore.

Wastburg est un roman original et surprenant, avec une écriture maîtrisée qui ravira tous ceux qui aiment suivre les aventures de personnages pas très recommandables : voleurs, assassins, brigands, marchands véreux, gardes corrompus, bourreaux... C'est bon parfois de patauger dans la fange, non ? ;)
Lien : http://lecturestrollesques.b..
Commenter  J’apprécie          90
C'est l'histoire d'une ville, nommée Wastburg, prise entre 2 bras de fleuves, longtemps convoitée par l'une et l'autre rive, divisée par deux peuples venant des 2 côtés du fleuve trop différents pour réellement s'apprécier. C'est l'histoire de personnages, de quartiers, de brins de vies qui s'entremêlent et se croisent. C'est l'histoire de Wastburg.
Et c'est pour cela que ce livre est particulier. Chaque chapitre ou presque nous dévoile une vie, un personnage, une facette de la ville. On a l'impression de survoler ce bout de terre perdue au milieu de l'eau et de faire un zoom sur une rue, une maison, un habitant qui se promène là. Puis, une fois le chapitre clôt, le second enchaîne sur un autre zoom, un autre visage. C'est ainsi que celui de la ville se dévoile peu à peu à nous, et que le voile se lève.

Cette façon particulière de raconter l'histoire, qui finalement ne porte pas vraiment sur un personnage mais sur la ville (gagnant plus que jamais son titre de "fantasy urbaine"), peut être risquée car un lecteur peu enthousiaste pourrait bien ne pas s'y accrocher et se détacher tout à fait du livre. Mais pour peu qu'il reste à errer dans les rues de Wastburg, se produit le phénomène inverse : il gardera ce goût pour ce territoire et pour toutes ses histoires et ressentira de la nostalgie à la dernière ligne, car elle le condamnera ainsi à ne plus pouvoir s'y attarder. Ce sentiment est assez diffus et ne se ressent pas immédiatement. Ce n'est que le jour suivant, lorsqu'on se remet à la lecture et que le livre a changé que l'on se rend compte du vide.
Et bien que chaque chapitre change de "focus", tous sont liés les uns aux autres pour conduire à une fin qui se laissait quelque peu deviner au fur et à mesure du livre, juste assez pour ne pas perdre le lecteur dans une narration sans but, mais pas de trop pour éviter de lui gâcher son plaisir de la fin.
J'aime bien la fin. Car il y en a une (pas biaisée, pas nébuleuse, une qui est bien).

Finalement, ce livre ne provoque pas de lecture passionnelle et boulimique sur le moment, à ne plus pouvoir s'en extraire, rater sa station de train. Mais elle laisse un petit souvenir fort agréable, l'impression d'avoir voyagé et visitée un endroit devenu familier et qui, pour finir, nous manque.
Je le conseille.
Commenter  J’apprécie          90
Wastburg , c'est un peu l'effet Grand 8
Au départ, on est impatient. Pendant la première ascension, on profite du paysage, on découvre la ville et on s'imagine déjà les rencontres à la gouaille particulière que l'on va pouvoir faire dans les wagonnets. On se dit que le trajet va être excitant et plein de découvertes.
Puis vient le premier looping , et la sensation est exaltante: des cris, des rires et un premier mort à Wastburg. Certes, il est alors difficile de profiter conjointement de la ville qui s'étend à l'horizon et des sensations acrobatiques mais il nous tarde de découvrir la prochaine boucle.
Vient alors le second looping, et déjà un sentiment de déjà vu, sensations fortes, mort, paysage défilant à toute vitesse.
Puis un troisième et un quatrième...et le malaise s'installe. Il est alors impossible d'apprécier l'immensité qui s'offre à nous alors qu'à plusieurs reprises, les rails nous permettent de prendre de la hauteur.
Nauséeux de tant de répétitions, on rêve alors que tout se termine très vite, même si les personnages avec lesquels on a embarqué nous sont toujours sympathiques.
La dernière ligne droite arrive enfin, et c'est le soulagement. On espère encore secrètement qu'un des compagnons du train crée la surprise ou qu'un ultime rebondissement nous donne envie de repartir pour un tour. Mais point de coup d'état dans les wagonnets, point de déraillement et déjà il faut quitter l'attraction avec un sentiment mêlé de plaisir et d'amertume en n'ayant su apprécier qu'un seul des loopings et bien peu du paysage.
Commenter  J’apprécie          80




Lecteurs (373) Voir plus



Quiz Voir plus

La fantasy pour les nuls

Tolkien, le seigneur des ....

anneaux
agneaux
mouches

9 questions
2495 lecteurs ont répondu
Thèmes : fantasy , sfff , heroic fantasyCréer un quiz sur ce livre

{* *}