Un livre passionnant qui traite de l'approche de la photographie et de la réalité humaine au travers de l'histoire romancée de l'office funèbre d'une photographe célébrée par son parrain. Tout le long, la vie d'Antonia défile e parralèle des photographies qu'elle a réalisées.
Emouvant, très bien écrit.
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A 14 ans, son parrain lui offre un appareil photo qui ouvre son avenir: elle sera photographe de presse: mariages, cérémonies etc. puis photographe de guerre.
mais c'est par un requiem pour elle, Antonia, que commence le livre: elle venait de retrouver un compagnon perdu de vue depuis dix ans, engagé dans la légion étrangère; ils ont discuté toute la nuit et elle a pris la route (corse) fatiguée et s'est tuée au volant.
Son parrain, devenu prêtre officie et la courte vie d'Antonia défile. Elle était tombée amoureuse d'un nationaliste corse et passait son temps à attendre des sorties de prison, jusqu'à ce qu'il soit assassiné.
Elle a donc connu la violence corse mais cela ne lui a pas suffi : elle a voulu faire des photos de guerre en Yougoslavie déchiquetée. Photos insoutenables, impubliables de scènes inoubliables.
Une belle écriture, beaucoup d'émotions
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L'histoire se déroule en Corse. À l'occasion des funérailles d'une photographe on revient sur sa vie et sa vocation. C'est un beau texte même s'il y a peu d'émotion, les personnages sont observés avec une certaine distance.
Au passage on critique le milieu nationaliste avec ses clowns qui jouent à la guerre pendant que de "vraies" guerres se déroulent ailleurs (en Yougoslavie, à l'époque où se situe l'épisode "reporter de guerre" de l'héroïne).
L'occasion de dresser le portrait de deux photographes bien réels, et de décrire quelques photos célèbres, réelles également.
Ce roman peut donner envie de ressortir son appareil.
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La vie d'Antonia se construit dans la violence jusqu'à cet accident de voiture qui lui est fatal. Elle tente d'y échapper, de fuir mais la Corse et ses démons la rattrapent. L'ecriture est précise mais froid. Les liens ambigus entre la photographie et le temps qui passe reviennent en un discret filigrane tout au long du récit. En revanche, la figure moralisatrice de son oncle prêtre vient plomber le récit et le rythme de la messe n'apporte ni spiritualité, ni perspective mais plutôt une certaine médiocrité. Était-ce l'effet souhaité ?
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Je ne suis pas un inconditionnel de Jérôme Ferrari, auteur du "Sermon sur la chute de Rome" que j'avais trouvé prétentieux et qui m'avait irrité. Eh bien, "A son image" m'a fait une forte impression. Bien entendu, l'essentiel de l'action se déroule en Corse et met en scène des Corses. D'ailleurs, les fier-à-bras du FLNC se trouvent stigmatisés par l'auteur. De plus, Ferrari montre les moeurs des insulaires, en particulier la position relative des femmes et des hommes. Mais ceci n'est pas l'essentiel.
Le roman nous parle de la guerre (que ce soit une "guerre d'opérette", ou une guerre génocidaire) et de notre incapacité à regarder en face les atrocités. Certes, la photographie est là pour saisir l'innommable, mais « aucune photo, aucun article n'a jusqu'ici provoqué aucun choc si ce n'est peut-être le choc inutile et éphémère de l'horreur et de la compassion. (…) C'est impossible de regarder ces choses en sachant qu'on ne peut strictement rien y changer » (p. 177). Justement, l'héroïne Antonia est photographe et, plutôt que de faire des reportages insignifiants ou des albums de mariage très conventionnels, elle voudrait saisir les actualités de la guerre. Elle finit par sauter le pas, en quittant son île et en couvrant une partie du conflit en ex-Yougoslavie. L'un des personnages, Dragan, un soldat serbe rencontré là-bas par Antonia, illustre bien l'enchaînement de tueries ordinaires. A noter aussi que l'auteur n'hésite pas à consacrer des pages à d'autres correspondants de guerre plus anciens, dont j'ignorais l'existence.
Mais selon moi ce livre est - avant tout - une méditation profonde et poignante sur la mort et sur le « péché ». En fait, chacun des chapitres du roman correspond à l'une des parties d'une messe de requiem, celle qui est dite pour les obsèques d'Antonia qui, après avoir souvent côtoyé la mort, vient de ses tuer dans un accident de voiture sur une route corse. Et l'officiant n'est autre que l'oncle et parrain d'Antonia, qui l'a toujours beaucoup aimée. Pourtant, tous les deux s'étaient souvent heurtés au sujet de la religion. Le prêtre trouvait que « elle avait tort de penser que le péché se quantifie comme les délits du Code Pénal, il peut être plus ou moins visible, en un sens il est toujours là tout entier, dans les grands crimes comme dans les petits, égal à lui-même, terne, sale, sans profondeur ni noblesse, si bien qu'au coeur de chaque péché, fût-ce le plus infime, grimace toujours le visage hideux de la méduse. Il ne faut pas hurler, c'est difficile, il ne faut pas laisser son coeur se pétrifier, il faut veiller sur la chair vivante, la circulation obstinée du sang, car Dieu a fait l'homme à Son image et à Sa ressemblance » (p. 107). Dans de nombreux passages, je sens une authentique angoisse; une "pression métaphysique" pèse sur les individus quand le fonds de la nature humaine se révèle sous la forme du crime ordinaire. C'était vrai en Croatie, mais aussi en Corse quand les militants nationalistes en arrivaient à s'assassiner réciproquement…
Jérôme Ferrari écrit somptueusement, avec ses envolées habituelles, sans jamais que son écriture apparaisse comme une pénible logorrhée. "A son image" est donc pour moi un grand livre.
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