Fetjaine a eu dans ma vie, un impact quasi similaire à
Barjavel. C'est dire. Tous les deux découverts à l'adolescence, ces auteurs ont été fondateurs sur bien des points, aussi bien pour les réflexions que leurs récits ont entraînées que pour l'imaginaire qu'ils m'ont offert. Ils ont notamment posé les bases de l'anticipation, les codes de la fantasy et du mythe arthurien dans mon esprit. Bases et codes qui n'ont ensuite fait que s'épanouir et qui font totalement partie de ma personnalité aujourd'hui, quinze ans plus tard. Des auteurs fondateurs, je vous dis.
Malgré tout, si à 15 ans on absorbe tout ce qu'on lit, à 30 ans on le digère ; la relecture m'angoissait donc un poil… et si par malheur cette Trilogie des Elfes me décevait à l'âge adulte ? L'émotion a rejailli dès la redécouverte du magnifique prologue et j'ai retrouvé les scènes fortes de ce premier tome comme si elles n'avaient jamais vraiment quitté ma mémoire. C'était génial à 15 ans, ce fut grandiose à 30. Il ne me reste plus qu'à (re)lire tous les autres romans de Monsieur
Fetjaine.
La Trilogie des Elfes c'est ce mélange évident de la légende arthurienne, de la mythologie celtique-irlandaise (les Tuatha dé Danann) et de la matière nordique que l'on a appris à connaître car elle a été “vulgarisée” par Monsieur
Tolkien (les créatures merveilleuses telles que les elfes ou encore l'anneau de pouvoir qui rend invisible). Si je dis “évident” c'est que oui-mais-c'est-bien-sûr la matière de Bretagne s'inscrit parfaitement dans le merveilleux médiéval mais qu'il ne manquait qu'un petit rien pour y ajouter les elfes-nains-gobelins et comment ça se fait que l'on n'y ait pas pensé avant ?! Surtout que certaines figures de la légende, de nature ambiguë, trouvent alors des origines dans ce merveilleux nordique et celte… et évidemment que ça fonctionne ! C'est même cette insertion des elfes et autres éléments “fantasy” qui permet d'expliquer – d'une façon nouvelle – quelques points de la légende arthurienne, mais ça, on le comprend au fil des tomes suivants, pas forcément dans ce premier opus.
Premier opus qui débute un peu comme une “redite” du Seigneur des Anneaux : une communauté composée de plusieurs représentants de chaque race (Hommes, Elfes, Nains) qui partent en quête de réponses suite au meurtre du roi des Nains sous la montagne. Un Elfe gris (des marais) est largement soupçonné, non seulement de l'assassinat mais également du vol d'objets précieux. Derrière cette expédition, le lecteur découvre très vite que personne ne joue franc jeu dans cette histoire, à part peut-être les Elfes qui, naïvement, sont peut-être les seuls à vouloir rendre justice dans les règles. Si les Nains ne sont pas franchement des tendres et qu'ils ne sont pas en reste quand il s'agit d'éliminer leurs ennemis de toujours (les Elfes), la palme d'or des manipulateurs (disons plutôt des “gros connards”) revient tout de même – et haut la main – aux Hommes, race qui voudrait bien dominer le monde. Pour ça, rien de tel qu'un bon massacre des autres peuples, ni vu ni connu.
Derrière la fantasy, moi je perçois des thèmes comme le racisme et l'intolérance face aux cultures qui sont différentes (physiques étranges, traditions incomprises, religions…) et avec cette Trilogie des Elfes, on a à nouveau un bel exemple des travers des Hommes. Et moi ça me touche. Énormément. Comme avaient déjà pu le faire des textes – eux aussi fondateurs pour moi – tels que Les Dames du Lac de
Marion Zimmer Bradley et la trilogie des Descendants de Merlin de
Irene Radford, plus tournés vers les conflits religieux (entre anciennes traditions païennes et nouvelle religion chrétienne) mais tout aussi forts en terme de fanatisme et de folie humaine finalement.
L'émotion est très présente dans ce premier tome et ce n'est que le début car l'on commence tout juste à faire connaissance avec les personnages. Certains prennent rapidement plus de place que d'autres, tous apportent un petit quelque chose, tous ont leur place dans le récit.
Évidemment, la part belle est faite à Lliane, la reine des Hauts-Elfes que l'on rencontre dès le premier chapitre, premier chapitre que je n'avais pas oublié malgré les quinze années écoulées entre les deux lectures. C'est une figure que j'aime beaucoup mais il faut dire que j'apprécie énormément le traitement des Elfes par
Fetjaine. On y retrouve beaucoup des traits adoptés par
Tolkien avant lui : des créatures sur lesquelles le temps n'a pas vraiment de prise (pas plus que les autres éléments), grandes et élancées, aux oreilles pointues, versées dans les arts (travail de l'argent par exemple). L'auteur français leur offre une peau bleutée (virant sur le gris pour les Elfes des marais), une mélancolie plus accentuée et un lien encore plus fort avec la nature, très animal, un côté quasi druidique qui me séduit énormément. Ce n'est que le début mais Lliane évolue déjà dans ce premier tome, elle s'adapte aux situations et en apprend finalement beaucoup sur elle-même.
Autour d'elle évoluent d'autres Elfes mais aussi des représentants du peuple des Nains (petits, barbus, prisant plutôt la hache et vivant dans des tunnels sous les montagnes), des Hommes (beaucoup trop nombreux si vous voulez mon avis) et même un immense guerrier barbare.
Tout ce petit monde cohabite – ou non – lors de l'expédition et des rapprochements étonnants (malgré les différences culturelles) ou des inimitiés assumées apparaissent. Et là encore, ce sont ces interactions, ces relations qui m'intéressent et m'émeuvent beaucoup car derrière les mots propres à la fantasy (“elfes”, “nains”, “gobelins”…), je pense que tout est finalement très humain et que l'on peut transposer tout ça à des choses et des situations qui nous sont très contemporaines à nous, Hommes du XXIe siècle.
Historien médiéviste et philosophe de formation,
Jean-Louis Fetjaine sait jouer avec les mots et construire des scènes qui tiennent la route. C'est visuellement assez fort et donc très perceptible voire palpable. Je me suis sentie transportée dans ce monde qui aurait pu être le nôtre au Ve/VIe siècle (époque admise par les spécialistes de la légende arthurienne), c'est fascinant et j'ai adoré ça !
Emouvant, intense, fascinant… il me tarde de relire les tomes suivants !
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