Blind date

"On ne devrait jamais faire attendre une dame. "

Fuis-moi, je te suis. Ça, c’était une maxime à laquelle il pouvait croire.

Il semblait que les filles, comme les femmes qu’elles deviendraient, aimaient souffrir par amour. Et il était plus que ravi de leur donner ce qu’elles voulaient.

Il s’en doutait depuis quelque temps, il avait toujours ressenti un curieux détachement à l’égard du monde qui l’entourait. Alors que les autres enfants de l’école riaient souvent aux éclats à une blague idiote, ou pleuraient quand un animal de compagnie adoré mourait, il ne ressentait rien, si ce n’était du mépris pour leur faiblesse. Il prit l’habitude de copier les expressions qu’il voyait sur leurs visages et d’imiter la joie ou la tristesse qu’il entendait dans leur voix pour ne pas paraître trop étrange ou différent. Il leur donna ce qu’il comprit instinctivement être ce qu’ils attendaient de lui. Sa beauté naissante les rendait plus faciles à duper, surtout les filles. Elles croyaient ce qu’elles voulaient croire, malgré les preuves du contraire.

Elle avait déjà démontré qu’une belle allure ne suffirait pas à la conquérir et qu’il devrait l’approcher sous un autre angle. La clé, avait-il décidé, était de faire appel à ses émotions, de jouer sur la corde sensible. D’où les parents mariés depuis cinquante ans et la jeune épouse décédée d’un cancer. Ajouté à ça, la référence désinvolte à un MBA pour parler à son intellect et le mensonge au sujet de son goût pour le jazz balancé au dernier moment à cause d’une photo d’elle portant un tee-shirt Herbie Hancock, qu’elle avait postée.

Ce qui est fait est fait. Encore une chose qu’aimait dire sa mère, aucun cliché n’était trop banal pour elle.

Elle était tout ce qu’une mère est censée être – aimante, prévenante, réfléchie. Pas comme la sienne, toujours étalée sur le lit de Josh. Jennifer était tellement soûle que Chloé n’avait pas réussi à la réveiller. D’ailleurs, elle devrait trouver un moyen de le faire rapidement pour que les enfants puissent aller se coucher. Ils avaient déjà regardé la télévision davantage en une seule journée qu’elle ne l’autorisait normalement pendant toute une semaine.

Je t’aime, Matt. Malgré tout. Une part de moi t’aimera probablement toujours. Mais tu as raison. Je ne te fais pas confiance. Et je ne te crois pas, peu importe à quel point j’essaie ou à quel point j’en ai envie. Tu es un menteur et un tricheur. Je regretterai probablement de vivre sans toi, mais je regretterai encore plus que tu restes. »

C’est juste que j’aime qu’on fasse attention à moi. J’admets avoir été tenté. Après tout, je suis humain. Qui n’a pas envie de se sentir désiré ? Puis je pensais à toi et à quel point tu es douce, et à quel point je t’aime. J’ai pensé aux enfants et à tout ce que je risquais de perdre. Et je ne pouvais pas. 

C’est l’hôpital qui se fout de la charité. 

... La nuit porte conseil.  Et elle avait bien besoin d’une bonne nuit, décida-t-elle. Elle avait besoin de temps pour digérer ce qui s’était passé, pour réfléchir. Elle ne pouvait pas déguerpir seulement à moitié préparée. Après tout, elle n’était pas la seule affectée par ses décisions à venir. Elle devait considérer qu’elle avait deux jeunes enfants, deux enfants qui aimaient leur père, elle ne pouvait pas bouleverser leur vie sans y avoir sérieusement réfléchi. Il fallait qu’elle ait les idées claires, elle le devait à ses enfants. Quoi qu’elle eût à dire, cela pouvait attendre le lendemain matin.