Blind date

Elle essaya d’imaginer ne plus jamais embrasser cette bouche, ne plus jamais voir ces yeux plonger amoureusement dans les siens. Merde. Fallait-il qu’il soit si beau ? Et pouvait-il tomber si bas qu’elle le trouverait moins désirable ? Était-elle vraiment si superficielle ?

Elle sortait à peine d’une histoire sérieuse et désastreuse. Elle ne prendrait pas le risque d’avoir de nouveau le cœur brisé en se précipitant dans une autre. On pourrait difficilement lui reprocher de tromper un homme qu’elle venait juste de rencontrer.

Les hommes qui ressemblaient à des mannequins fréquentaient des femmes qui ressemblaient à des mannequins. Et même si Paige se savait attirante, elle était aussi consciente qu’elle ne ferait pas la une de Vogue de sitôt. Pourtant, il avait aimé sa photo, donc il devait être intéressé.

Ce n’était pas sa mère le problème, mais son mari. Et elle devait être sobre quand il rentrerait à la maison. Elle avait besoin d’être lucide et d’avoir du sang-froid, pas de lui donner une raison de s’en prendre à elle.

Il y a des choses pires que du dentifrice sur quelques peluches. Des choses comme un mari infidèle, des choses comme un mari qui respecte si peu sa femme qu’il affiche son infidélité sur des douzaines de sites de rencontre, en utilisant une vraie photo de lui.

Son cerveau n’était qu’un chaos agité de pensées et d’émotions contradictoires : son mari était un homme à femmes incurable ; un menteur et un tricheur ; elle le détestait ; elle allait divorcer, lui prendre jusqu’au dernier cent. Et pourtant, comment pourrait-elle le quitter ? Ils avaient deux enfants magnifiques. Et malgré tout, elle l’aimait encore. Son amour n’avait pas disparu en une nuit, ça ne se passait pas comme ça quand on avait vécu quasiment toute sa vie adulte avec quelqu’un.

Normalement, il ne s’intéresse pas aux femmes plus âgées, mais, bordel, ça pourrait lui offrir une distraction bienvenue. Il a entendu dire qu’elles faisaient de formidables maîtresses, que leur expérience compensait largement leurs rides. Les femmes matures sont tellement reconnaissantes de ces attentions inattendues. Tout particulièrement celles de plus de soixante ans, assez vieilles pour être sa mère.

Les femmes sont si transparentes. L’argent et une belle allure – ça suffit pour qu’elles te mangent dans la main.

– J’aime les femmes bien en chair », lui assure-t-il.

Encore un mensonge. Il n’aime pas le surpoids. C’est signe d’un esprit fainéant, d’un manque de volonté. Il préfère ses femmes minces et bien faites, comme Fleur sauvage. Mais Loulou sera punie bien assez tôt pour sa malhonnêteté. Il se penche vers elle, pour saisir une bouffée de son parfum. I

...il est important de rester consciencieux, de ne rien considérer comme acquis. « C’est l’entraînement qui mène à la perfection », comme disait sa mère. Une des nombreuses platitudes qui jaillissaient tous les jours de sa bouche idiote. On pouvait difficilement en vouloir à son père de se servir de ses poings pour la faire taire.