Face à la mer immense

Saint Tudy, le patron de Groix, est arrivé ici d'Ecosse au Vème siècle sur une barque de pierre en forme de menhir. Nous sommes arrivés ce matin d'horizons divers, par bateau. Groix a cette propriété incroyable des îles, c'est un bocal à émotions, les amours y naviguent hatoup, toutes voiles dehors, les vents y sont vos amis. Ces formidables vents bretons aux noms musicaux, le gwalarn qu'on appelle noroît ailleurs, le mervent qu'on appelle suroît, le kornog qui vient de l'ouest.
Je vous souhaite du soleil pour vous réchauffer, du gwalarn, du mervent et du kornog dans vos voiles, de la pluie pour abreuver la terre, et de l'amour solide comme un menhir pour tenir le gouvernail!

Nous faisons des courses pour pique-niquer au bord de l'eau comme les héros du livre. Première halte chez le boucher pour le pâté gangster et le lard des thoniers. Nous achetons du gochtel, une brioche locale, à la petite boulangerie. Cap sur les Grands Sables, la seule plage convexe d'Europe, dont les sables se déplacent vers le nord-ouest sous l'action des courants marins. La plage a doublé la pointe de la Croix et avance vers le port.

Il y a cela, cette église pleine de couples heureux ou blasés, et de solitaires qui regrettent leur isolement ou s'en félicitent. Il y a les mômes qui pouffent ; les mariés qui ont deux fois vingt ans mais s'aiment comme des gosses ; les deux ados d'honneur en jean et baskets. Et il y a Prune, ballottée, exsangue. Elle regrette la valse des corps, la brûlure sous la peau et le vertige quand on se jette dans l'amour comme dans une eau claire. Elle n'aimera plus personne, elle en est persuadée.