Or, parmi ces causes, dans les sociétés humaines, il nous paraît essentiel de placer l'idée même qu'elles ont de leur constitution actuelle et de leur évolution future. Il n'y a, à proprement parler, de « fait social » que lorsqu'il y a réaction d'une conscience sur une autre, de la vôtre sur la mienne ou sur celle de mon voisin, puis réaction de l'ensemble des consciences sur soi. Dès lors, le caractère le plus essentiel de l'ordre social, à nos yeux, c'est de se modifier en se concevant, d'être un déterminisme collectif d'idées-forces et de sentiments-forces, si bien que toute société se trouve, pourrait-on dire, en état de continuelle création de soi par soi.
M. Durkheim lui-même, après nous avoir donné les faits sociaux pour des «choses stables», finit par en placer l'essence dans des représentations collectives et dans des impulsions collectives. Or, représentations et impulsions, qu'elles soient collectives ou individuelles, sont essentiellement des actes psychiques et intérieurs.
Ce qui reste vrai dans la conception psychologique de la sociologie, c'est que celte science présuppose, comme conditions antécédentes, des facteurs élémentaires et des lois primordiales empruntés à la psychologie et, dans une moindre mesure, à la biologie.
La sociologie est, selon nous, l'élude de la nature, de l'origine et du développement des sociétés, sous l'action des causes physiques, biologiques, psychologiques et surtout sociales d'où procèdent leur constitution et leur évolution.