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Second volet de sa tétralogie intitulée Histoire Contemporaine, le Mannequin d'osier poursuit, avec délice, les petites joies, faux plaisirs et turpitudes de la vie de province telle que le génial Anatole France nous les avait fait découvrir dans l'épisode précédent "L'Orme du Mail". le tout, sous la plume d'un France toujours aussi subtil et joyeusement sarcastique, bien que ce soit par la voix de son M. Bergeret, plus que jamais infortuné, portant son regard las et désabusé sur le monde, bien qu'il découvre, cette fois, les affres d'un orgueil blessé !

En effet, tandis qu'il vit maritalement - ainsi qu'on l'exprime communément lorsqu'il n'y a plus rien d'autre à évoquer d'un couple - avec une Mme Bergeret dont les plus haut-faits consistent à enquiquiner son mari, jour après jour, notre malheureux héros va découvrir, le plus fortuitement du monde, que cette grosse et infatuée mégère qui lui sert de femme le trompe. et non seulement qu'elle le trompe mais, Vénus improbable de cet IIIème République en plein envol, que son prétendant n'est autre que son étudiant (jusqu'alors) préféré, nouvellement intégré à son unité pour cause de conscription, se transformant ainsi en une espèce de Mars au petits pieds. Notre M. Bergeret-Vulcain, toute honte très mal bue, va cependant ce saisir de cet impair impardonnable pour... enfin se débarrasser de cette Xanthippe provinciale. S'ensuivent, tout au long de l'ouvrage, des scènes cocasses où, à rebours de ce que l'on aurait pu imaginer, le mari cocu n'a qu'une seule explosion de véritable colère - à l'encontre de ce fameux mannequin d'osier, objet servant jadis aux dames pour se confectionner leurs robes, dont la mégère avait manie d'encombrer le petit bureau de son époux, et que celui-ci va donc défenestrer ! -, mais il va patiemment, tranquillement fomenter sa vengeance afin de pousser Madame à bout et obtenir d'elle une séparation finale.

Nous sommes par ailleurs toujours en compagnie de M. Worms-Clavelin, le préfet, de M. Lantaigne, le directeur du séminaire, de M. Guitrel, le prêtre ambitieux, candidat-évêque, et d'autres connaissances de notre M. Bergeret, maître de conférences à la Faculté des Lettres. Et encore, M. Worms-Clavelin, dans ce nouveau volume, apparaît à peine, M. Lantaigne assez peu et M. Guitrel trop rarement.

Et si les vrais événement s'y font assez rares, c'est parce que c'est une oeuvre toute de pensée ; c'est un « roman philosophique » à la façon du xviiie siècle, et où Anatole France se livre beaucoup plus que dans aucun de ses ouvrages précédents. On sent qu'ici plus que dans la merveilleuse Rôtisserie de la reine Pédauque, plus que dans les Opinions de Jérôme Coignard, plus que dans L'Orme du Mail lui-même, Anatole France parle en son nom, fait, par la bouche de M. Bergeret, ses réflexions personnelles sur les moeurs, les travers, les idées, la religion et la politique des Français de la classe moyenne de son temps. le ton diffère à peine en ce volume quand il y a des guillemets et quand il n'y en a pas. C'est, sous forme directe, ou sous forme indirecte, une suite de jugements sur tout ce que nous pensons, disons, sentons, faisons, et surtout ne faisons pas. C'est une revue des choses de la France de bientôt 1900. Ainsi s'intéresse-t-il à cette guerre aujourd'hui totalement oubliée entre Turcs et Grecs, qui sera appelée "guerre de trente jours", provoquée par les irrédentistes grecs et qui se soldera par de nombreux massacres du côté grec. On discute également de l'armée et du pouvoir des tribunaux militaires (dans le contexte toujours omniprésent de l'Affaire Dreyfus), des efforts d'armement des nations, de la condition carcérale, de la peine de mort, de la physiognomonie (science en vogue au XIXème siècle voulant mettre en rapport les traits du visage avec le comportement), de l'existence des écoles privées religieuses (liés au lois sur les congrégations), du clergé et de son pouvoir, de l'anticléricalisme, de l'idée qu'on se fait de Dieu, de la corruption des dirigeants et des élites. En toile de fond historique plane encore et toujours la honte et les suites violentes (la commune) de la pitoyable défaite de Sedan, en 1870, de la fin de l'Empire et de ses conséquences sur le présent de M. Bergeret et de tous les personnages qu'Anatole France nous donne encore à côtoyer, pour notre plus grand plaisir intellectuel et littéraire.

Une peinture in «vivo» de la France moyenne supérieure (tel qu'on l'écrirait aujourd'hui) de ces villes elles aussi moyennes de Province, balançant entre ennui et médisance, entre volonté de pouvoir et petitesse. Heureusement, M. Bergeret veille au grain de la médiocrité, lui, le désabusé, le pessimiste qui persiste pourtant à croire encore en l'homme, le philosophe brillant, libre mais trop peu écouter au milieu de ces océans de platitudes, d'images d'Épinal et de lieux communs si souvent débités par ses contemporains proches... Autant que par bien de ceux d'aujourd'hui. Toujours incroyablement fin et réjouissant !
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Dans cette deuxième partie, M Bergeret est pleinement à l'honneur. Secoué dans son amour propre, il ne semble pas pour autant déséquilibré. Il fait preuve d'un contrôle de soi qui, au fil du temps, parait comme un acte cruel, inhumain. Pour ne pas sombrer dans un profond abattement, M. Bergeret se cloitre dans ses lectures, dans ses recherches, dans ses réflexions philosophiques, une manière à lui de réprimer la trahison de sa femme...mais le mannequin d'osier lui permet quand même de décharger, sur cet objet innocent, toutes les aigreurs de sa vie. Cette ambiance un peu sauvageonne dans la maison des Bergeret permet de souffler un peu de ces discours sentencieux sur l'armée, le clergé, la politique, la corruption, le sémitisme. L'auteur entretient toujours le mystère sur le poste d'évêque à pourvoir à Tourcoing. L'écriture est toujours très pointilleuse, et je me suis mieux sentie dans ce deuxième tome que dans le premier. Et qu'adviendra-t-il du troisième tome?
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La vie continue à ****, cette petite ville de Province. En arrière-plan la guerre entre les Turcs et les Grecs, l'exécution de l'assassin de la veuve Houssieu, les déboires juridico-politiques du sénateur Laprat-Teulet, ,les tractations en coulisse pour le poste d'évêque à Tourcoing, la main mise de la Finance sur l'État et les déboires conjugaux de M.Bergeret ... Voilà pour Anatole France un terreau idéal pour exprimer ses idées sur l'armée, la morale, la politique et le mariage ... Dire que M.Bergeret dans son rôle de mari cocufié ne lui inspire que du respect et de la compassion serait sans doute beaucoup dire ... Malgré quelques passages un peu "pompeux" les échanges de points de vue de tous ces personnages donnent une idée précise de ce qu'était la vie "bourgeoise" en province, montrent qu'il en aurait fallu beaucoup pour que tout ce petit monde bouge et que le confort d'une vie "plan-plan" primait avant tout.
M.Bergeret verra t'il enfin Mme Bergeret quitter le domicile conjugal en emportant son fichu mannequin d'osier et qui sera le futur évêque de Tourcoing l'Abbé Guitrel ou l'Abbé Lantaigne ? affaire à suivre ....
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Etude de moeurs, la tétralogie de l'Histoire contemporaine permet à Anatole France de déployer son savoir-faire littéraire et de démontrer ses talents fins d'observateurs des turpitudes humaines.

M. Gerberet est un professeur que l'on vient visiter. Il a ses fans. Dont M. Roux, un jeune militaire qui semble aimer l'érudition de M. Gerberet. Quelle déception quand celui-ci découvre que ce jeune homme si dynamique penche pour les formes de Mme Gerberet. Celle-ci n'en est pas à ses premières incartades... et M. Gerberet est quasiment le dernier au courant comme il se doit.

La réaction de M. Gerberet sera à l'image du personnage fat, fade et imbu de lui-même qu'il est. Il va ignorer Mme Gerberet, vivre comme un célibataire. Elle finira par partir, rejoindre sa mère. Gerberet est un libre-penseur et sa vision du monde est laïque. On sent chez Anatole France une franche critique du cléricalisme, des turpitudes et des compromissions politiques. On suit M. Gerberet, aux prises avec Mme et son mannequin d'osier qui trônait dans le bureau de son mari... et on émaille le récit de leur couple qui se délité de toute une série de réflexions sur la justice, la politique étrangère, l'immigration...

Idem, les réflexions de l'auteur sur l'Eglise et le séminaire, sur les politiciens pourris... sont d'une finesse incroyable, et demeurent d'une franche actualité. On jurerait qu'il parle de Cahuzac à un moment. Idem pour les malversations des gens d'église et de l'attitude des "bons" bourgeois... Fillon n'est pas loin.

Anatole France taille un costume 3 pièces aux personnes bien-pensantes. Je me serais cru dans des chansons de Brel bien souvent. Preuve que c'est intemporel, et donc très actuel.

Seul bémol, mais de taille e ce qui me concerne, car cela m'a gâché le plaisir, la langue est terriblement datée. Et j'ai décroché à plusieurs reprises. Cela dit, l'humour, l'ironie, le cynisme d'Anatole France valent la peine.
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Un mannequin d'osier, instrument d'économie domestique, comme symbole de la mésentente conjugale. Madame a planté des cornes au professeur de lettres anciennes Bergeret. Ayant surpris son épouse en entretien particulier, sur le canapé du salon, avec son meilleur élève, il adopte la technique de l'évitement et décide d'ignorer son épouse, qui aurait bien mieux préféré la dispute et les hauts cris, se retirant en son cabinet pour s'adonner à ses travaux de philologie. Il faut dire que la digne matrone a toujours méprisé son mari, se sentant socialement supérieure à ce dernier, étant une Pouilly, dont un oncle imminent s'est signalé par l'édition d'un dictionnaire... Voici donc monsieur Bergeret devenu la fable de sa commune, objet de graffiti non équivoques et condamné fort injustement par les commères de la bonne société.

Le Mannequin d'osier, second volet d'Histoire contemporaine, donne le premier- si ce n'est le beau, rôle au maître de conférence à la faculté des lettres, à ses joutes oratoires avec ses compagnons notables du lieu-dit, parenthèses bienvenues, à ses déboires domestiques, qui n'atteignent, il faut bien l'avouer, que fort médiocrement le libre-penseur. Comme dans le premier opus, la part belle est laissée aux dialogues, ou plutôt aux digressions, qui commentent l'actualité de la France de la fin du XIXème siècle, les questions sociétales qui l'agitent  et sa politique extérieure. 
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On poursuit notre plongée dans la Troisième République. Le Mannequin d'Osier symbolise les infortunes de M. Bergeret au sein de son ménage. Il permet d'aborder la vie quotidienne à cette époque.
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