Citations sur La source (46)
Soudain le trou baveux happe son index, forcené s'en accapare. Subitement paix. Grand silence. Lottie en est abasourdie après ce vacarme. A la pulpe de son index affluent de violentes sensations. La pompe brûlante pulse sa pression, annule toute perception sauf à l'extrémité de son doigt gainé de succion, chavirant du bonheur de sa possession par l'organe contractile qui l'absorbe, la veut et l'appelle, captive de cette chair qui donne et puise à elle de toute sa bonté comme à une source amoureuse.
J'ai ensuite oublié cet épisode de mon enfance comme tant d'autres qui laissent des douleurs irrésolues, dont on ne mesure pas combien elles président par brusques accès aux retours du passé, dans le rêve comme dans la vie éveillée.
Celui qui a collé les photos l’une après l’autre vous conduit et vous berne avec son roman de famille bien rangé mais, dans la vie, c’est plus compliqué, parfois insoluble. L’album ne coule pas de source ni dans le bon sens. Il y a des temps morts et des temps réversibles, des retours dans l’avenir du passé, je préfère regarder les photos en vrac et par le travers, selon mon désordre personnel remonter le cours des épisodes et faire la navette entre eux comme bon me semble.
Au retour, la forêt pleuvait de feuilles dorées dans les longues lances de soleil traversant la futaie, tandis que je descendais à travers bois l'idée ne m'effleurait pas que c'était la dernière fois.
Je sondais les puissances du mensonge, ou plutôt de nos facultés de tordre à notre convenance les faits et les caractères , d'entendre ou de ne voir que ce qui nous plaît, de travestir les événements ou de les dénaturer au point de nous abuser nous-mêmes, si convaincus de notre bonne foi qu'ils nous semblent sincèrement vrais, mieux que la réalité;
C'est peut-être de ne pouvoir se passer de moi qu'elle m'en veut le plus parce que , tout de même, une vie entière à détester quand tant d'autres occupations réclament, c'est violent.
déjà noté mais si vrai :
Lui soutient qu'il faut tourner la page, mais vous savez bien qu'il y en a de cornées auxquelles le livre s'ouvre quoi qu'on fasse.
Les limites de mon langage signifient les limites de mon propre monde, Wittgenstein (1918).
Parce qu'elle est une liseuse sauvage, une arpenteuse de pages et une randonneuse de rêves elle sait la puissance souveraine des fictions, plus féconde que la réalité pour opérer la vie des hommes.
Mais, maintenant qu'elle n'était plus là pour me guider de sa voix, je me sentais dériver, envahie de la même nostalgie qu'on a en finissant de lire un livre, quand au nombre limité de pages s'annonce qu'il nous faudra bientôt le fermer, être quitté par le monde qu'il charrie, duquel nous sommes encore captifs mais déjà prévenus qu'il faudra bientôt renoncer aux êtres et au lieux, à leur existence fictive, c'est un deuil de ce que nous fûmes en imaginaire.