Voilà une bd qui faisait masse dans les rayonnages de la bibliothèque depuis un bon paquet d'années (sortie en 1992, je ne dirais pas 20 ans mais presque 14-15 bien sonnés). Achetée pendant un raid sur la FNAC de Marseille - ici, c'est un peu la campagne et d'un point de vue strictement géographique, la FNAC de Cannes n'a pas les mêmes avantages... comment dire ?.. "familiaux". Bref : achetée sur un coup de tête en ne voyant que le coté illustration plus ou moins bien léchée après avoir lu les deux ou trois premières pages, avec l'âge et un peu de recul, je ne vois plus que les effets de gouache et d'aérographe à tire-larigot sur des mises en page glauques que je ne peux pas m'empêcher de rattacher à des références ou des influences cinématographiques : Alien, Blade Runner, Dark Cristal. Cadrage, point de vue, ambiances lumineuses, attitude de certains personnages, impossible de voir une image sans me dire : "tiens ! ça, c'est dans tel film, ça, dans tel autre" (un peu le même problème que lorsqu'on lit une bd signée
Sal Buscema, on passe son temps à chercher dans quel dessin du frangin,
John Buscema, ont déjà été utilisées telle expression ou telle position du corps et si on ne les cherche pas on les voit quand même). A la longue, ce travail sur la mémoire visuelle, enclenche une profonde lassitude. Au point de mettre deux jours pour arriver au bout de l'histoire. J'ai lu quelques part - oublié exactement où - que lorsqu'il y avait autant de références, c'était peut-être parce que le style était vraiment original. Reste l'utilisation systématique des dégradés de couleur rehaussés de filaments de blanc pour rendre les reflets spéculaires qui donnent à chaque forme un coté emballage plastique que j'aurais toléré plus jeune - parce que je n'aurais certainement pas fait mieux moi-même et peut-être l'ai-je fait aussi - mais qui me déplait profondément aujourd'hui. Je passe sur la mollesse et l'indifférenciation du dessin des visages. Homme - femme, jeune - vieux, c'est toujours le même ou presque : avec quelques rides en plus ou des cheveux longs. Quand à l'histoire, qu'en dire ? Elle se déroule dans un décor de ville fantôme où on ne voit jamais personne, ou pas grand monde mis à part les deux personnages du début. Peut-être personne ne sort-il des bâtiments à cause de la pollution ou à cause d'un inexorable couvre-feu qui n'a ni début ni fin, despotisme local oblige. Là aussi il y a pas mal de chose qui se fondent dans un flou pénible : on passe allègrement de la "science-fiction" puisqu'il est question de contrôle de la pensée par l'intermédiaire de puce, à la pseudo-fantaisie avec démons et univers parallèle post mortem ou à la frange, tendance religieuse avec Paradis, Enfer et tout le saint-frusquin habituel, illusion et pouvoir divin. Rien n'est défini dans ce gros mélange qui finit encore par lasser. Pour résumer : lecture fastidieuse.