« Tout le monde a dans ses rêves une rivière d'eau claire ».
Est-ce le cas pour vous ? Cela me concerne, en tout cas !
Qui ne rêve d'un monde dépollué, où on pourrait nager en contemplant les poissons, où chaque bouffée d'air nous emplirait les poumons d'un souffle de pureté ?
Alexandre Carvagnac, lui, se lance dans une aventure phénoménale qui aiderait le monde à se réhabiliter, ce monde qui est tombé si profond dans les abîmes de la pollution. Aidé par Nielsen, un richissime rêveur, il met au point un système complètement révolutionnaire permettant d'enfouir au plus profond des abîmes terrestres les déchets engendrés par l'industrie ignominieuse des hommes. Oui, il imagine un forage jusqu'à la lithosphère, où il a remarqué des poches dans la roche : d'énormes sphères remplies de ces saletés produites par les hommes pourraient y être cachées jusqu'à la fin des temps. Et ça marche ! Les pays du monde entier le demandent, pour enfin pouvoir vivre dans la beauté.
Mais tout a un prix et les Carvagnac subissent de terribles revers. D'abord l'infirmité de leur 3e enfant, Antonin, le narrateur, probablement due aux radiations proches d'un puits de forage. Et puis quand la machine politique se mêle des rêves de pureté, rien ne va plus...Un engrenage infernal se met en place et tel un boulet voudra tout mettre en oeuvre pour écraser cette utopie réalisable.
Aidé de nombreux extraits de «
Citadelle » de
Saint-Exupéry, le livre de chevet de son père et de son ami Nielsen, qu'il considère lui-même comme un « livre de sagesse princière, histoire de confiance qui s'y raconte », Antonin relate, jour après jour, la formidable aventure non terminée de son père, alors qu'il croupit en prison avec sa femme.
Antonin n'est pas que narrateur, il est aussi « faussaire », de son propre aveu ; en effet, condamné à l'inaction à cause de ses jambes molles, ses « crapules », il s'est réfugié dans le traficotage génial d'images et est devenu le maitre de l'illusion grâce à ses « calames électroniques ». Cette faculté, il la mettra au service de la liberté de ses parents et aussi pour sauver l'Europe d'une ignominie : la persécution arbitraire de toutes les personnes du signe des Gémeaux.
Un souffle poétique et épique emporte ce roman traité magistralement par
Bernard Tirtiaux. Oui, on peut se permettre de rêver... L'amour, le rêve de Beauté, de pureté, la confiance et l'amitié, le combat sur les forces obscures, extérieures et intérieures, tout cela balaie le livre de fond en comble.
J'ai été emportée par ce gigantesque rêve, puis vers le milieu du livre, j'ai été quelque peu déçue par l'autre intrigue venue s'y imbriquer, celle de la persécution des Gémeaux, que j'ai trouvée assez risible, mais vers la fin, j'ai été à nouveau prise par l'élan initial.
Une langue pleine de poésie, travaillée à l'extrême (même trop, je trouve) soutient ce texte porteur d'espoir. Oui, le temps de ma lecture, il m'a été permis de rêver à un monde où chacun nagerait dans des rivières d'eau claire...