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4,4

sur 324 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Livre découpé en trois grandes parties : L'amour, La maladie, et La mort.
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Ce n'est pas tout à fait un roman, puisque tout ce qui est raconté dans cette histoire s'est réellement passé, là, à Stockholm et les gens ont existé ou existent encore.
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Ce fut aussi la réalité dans beaucoup d'autres lieux, à la même époque.
Mais surtout, ça se perpétue encore aujourd'hui.
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Le livre s'ouvre sur un lit d'hôpital, dans une chambre du service d'isolement où le soleil ne pénètre jamais; les fenêtres étant condamnées.
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Sur ce lit, un homme décharné, à bout de souffrance, dont les jours sont comptés. Il est seul, toujours seul.
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Par un sas, une infirmière et une aide-soignante affectées aux soins du malade pénètrent dans la pièce. Celui-ci transpire, pleure, mais ne parle pas.
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Il est jeune, à peine un peu plus de vingt ans, mais il va mourir. La plus jeune des soignantes retire ses gants par inadvertance, et avant de sortir, du dos de la main, essuie les larmes du jeune homme.
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L'infirmière la tance vertement : "N'essuie jamais de larmes sans gants !"
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Nous naviguons sans cesse entre passé et présent. le présent des années 80 en Suède, en compagnie de Rasmus et Benjamin.
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Leur enfance, leurs années collège / lycée et leur âge adulte s'entremêlent dans ce récit avec une aisance et une fluidité remarquables.
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Ils sont très différents.
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Rasmus est le fils unique d'un couple vivant dans un petit village, Koppom.
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Ses parents l'adorent, mais ses camarades de classe et copains d'enfance le rejettent. Malmené, frappé, moqué, injurié, il ne rêve que du jour où il pourra enfin rejoindre la capitale.
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Benjamin a une petite soeur, Margareta. Leurs parents, témoins de Jéhovah, ne vivent, ne pensent, ne respirent que pour leur sacerdoce. Ils habitent Stockholm et l'enfant grandit en répandant la bonne parole de foyer en foyer.
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Les deux garçons vont se rencontrer et victimes d'un coup de foudre, ne se quitteront plus.
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C'est leur vie que l'auteur va nous raconter, ainsi que celle de leur entourage, leur famille et leur groupe d'amis : Reine, Paul, Lars-Ake, Bengt et Seppo, que Benjamin et Rasmus ont connus lors d'une soirée de réveillon donnée chez Paul.
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Alors que la Suède, ainsi que beaucoup d'autres pays, vient de dépénaliser l'homosexualité, en 1978, une terrible maladie frappe la communauté de plein fouet. le SIDA.
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Et très vite, c'est l'hécatombe.
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L'auteur ne s'embarrasse pas de fioritures. Alors que l'enfance et l'adolescence des protagonistes est dépeinte avec douceur, leur entrée à l'âge adulte est décrite avec un vocabulaire très cru, dur.
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J'ai découvert son style avec ce livre, et j'ai adoré.
Mais au-delà du style, "l'histoire" est prenante.
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Ce livre se déguste. J'ai mis près d'une semaine à le lire, non par ennui mais parce que chaque mot, chaque phrase, a son importance.
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Et on est frappé de plein fouet, d'uppercut en uppercut. On sourit parfois parce que l'humour perce de temps en temps, on espère... mais la plupart du temps, on souffre avec les protagonistes.
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Personnellement, j'ai aussi éprouvé beaucoup de colère envers les parents, mais ne je vais pas vous narrer toute l'histoire.
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Jonas Gardell parle de ce qu'il connaît, fruit de ses recherches, rien n'est laissé au hasard et le récit est entrecoupé d'explications sur l'évolution des mentalités (si l'on peut dire) et surtout sur les découvertes successives liées à la maladie.
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Bref, je ne vais pas me sortir de ce retour, il y aurait tant à dire.
Un livre que je place tout en haut de mes lectures "coups de coeur".
On ne s'ennuie pas une seconde tout au long de ces 800 pages.
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Le mot de la fin, leitmotiv de l'un des personnages :
"Je veux dans ma vie pouvoir aimer quelqu'un qui m'aime."
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J'avais repéré ce livre par son titre horriblement beau et sa couverture envoûtante. Il m'attirait avec une sorte de fascination mêlée d'angoisse. Et pourtant, sincèrement, j'ai cru que je n'arriverais jamais à la fin de ce roman. Non pas parce qu'il m'a déplu, au contraire – ce roman est une pépite – mais parce que Jonas Gardell écrit avec un art strident et ne nous ménage pas. Parce qu'il nous fait connaître d'étonnants et merveilleux garçons tout en nous jetant à la figure que leurs sourires ne résisteront pas, que l'espoir se fane vite à Stockholm et que la nuit va bientôt s'affaisser sur eux.
Dès la toute première scène, on est plongé dans l'impuissance : un jeune homme est allongé sur un lit d'hôpital, émacié, agonisant, pleurant, lorsqu'une infirmière – dont le geste me bouleverse encore à l'instant où j'écris – essuie ces larmes sans avoir pris le temps de réenfiler ses gants. le ton est posé : cette lecture sera magnifique mais épouvantable, fusion d'horreur et de beauté.
Le livre se découpe en 3 chapitres : l'amour, la maladie et la mort. Et l'on suit Rasmus et Benjamin dans les rues de Stockholm, étudiant pour l'un, Témoin de Jéhovah pour l'autre, qui laissent leur enfance sur le sol pour mieux découvrir qui ils sont. J'ai été bouleversée par ces deux garçons. Je les ai aimés et suivis dans leur lent et beau cheminement, dans leurs doutes, leurs peurs, leur grâce.
Les allers-retours entre passé et présent rythment les pages et mêlent les Benjamin et Rasmus enfants, adolescents, au réel de 1989. Cette alternance vie-mort est perturbante mais n'en est pas moins bouleversante. Et puis dès la deuxième partie on suit également les souffrances des autres garçons du groupe : Paul, Reine, Lars-Ake, Bengt, Seppo. On les voit s'étioler, suppurer, désespérer et prier. Et le pire, c'est qu'on ne peut strictement rien / faire / pour / eux.
La plume de l'auteur m'a séduite, à la fois brute et poétique, crue sans basculer dans la vulgarité, émouvante, délicate et sincère. Comme si elle effleurait les personnages, comme si elle les berçait, tentant de les apaiser et de les soutenir en attendant le moment fatal de la chute. Heureusement que le livre comporte de nombreuses notes d'humour qui nous permettent de respirer un peu à travers tous ces drames. Et on se surprend à sourire, à rire parfois, sans que jamais ces instants plus « légers » n'entachent la beauté dramatique du livre.
Autre particularité du roman : entre les chapitres réservés aux personnages, l'auteur nous plonge dans le Stockholm des premières « années sida » et nous éclaire sur le contexte de l'époque grâce à un travail de recherche d'une précision hallucinante. C'est effrayant à lire, révoltant, écoeurant. Mais comme nous l'avoue l'auteur à plusieurs reprises : « ce qui est raconté dans cette histoire s'est réellement passé. » Tout ce monde qui évolue autour des homosexuels est scruté au peigne fin, que ce soit le Stockholmois lambda ou la famille même du personnage en question. Et on endure leurs réactions, opinions, peurs, colères ou incompréhensions. C'est parfois un véritable procès monté autour de celui qui a eu « le malheur » de se découvrir homosexuel. Et on a le coeur qui se tord. Et on a envie de hurler.
Dans les années 80, on ne donne pas deux ans d'espérance de vie aux malades, et c'est là que je réalise l'avancée considérable que représentent les traitements d'aujourd'hui, même si la partie n'est pas encore gagnée. La maladie (le virus HTLV-3 qui deviendra plus tard le VIH) y est décrite sans concessions et quelle horreur de les voir souffrir à ce point, saigner de partout, corps brisés, squelettes trop jeunes pour ce combat, réduits tout entiers à une gigantesque plaie : « mourir du sida n'est pas une belle mort ; c'est mourir vieilli avant l'heure, c'est une mort longue et laide, dans la solitude et la douleur. » Il y tant de souffrance dans ce livre, tant d'injustice et de chagrin. Chaque page saigne, transpire, inspire puis s'étouffe, rêve puis désespère, crache, gémit, pleure, gueule vers ce ciel impassible et indifférent.
Alors même si cette lecture a été l'une des plus belles et des plus éprouvantes de l'année 2016, il m'est douloureux de quitter ces hommes avec qui j'ai passé autant d'heures, de jours, de lecture. Je m'excuse pour la longueur de cette critique alors que j'aurais encore pu en écrire 7 pages. Qu'est-ce que c'est fort, atroce et beau. Qu'est-ce que c'est puissant et sublime. Je crois que c'est un livre que tout le monde devrait lire parce que c'est une sacrée claque dans la gueule. Parce que personne ne pensera ni ne crachera jamais plus « sale pédé » ou « sale gouine » après avoir lu ça. C'est impossible. Ce livre est au-delà de l'ouverture à la tolérance, c'est un hymne à l'amour vrai. Un très, très grand roman dont on ne ressort pas indemne. Inoubliable. Cruel. Mais tellement rare dans la littérature, tellement précieux sur le chemin d'une vie… Un roman génial composé par un auteur virtuose pour lequel je ne peux que répéter : lisez-le d'urgence, ce roman peut changer votre vie. J'ai tellement pleuré que mes mains tremblent en tapant ces lignes. Me reviennent alors comme un chant les paroles de Benjamin, tellement pures, tellement déchirantes, qui ne demandent rien de plus que ce qu'elles avouent : « je veux dans ma vie pouvoir aimer quelqu'un qui m'aime. »
Merci Monsieur Gardell.
Un grand merci à Babelio et aux éditions Gaïa pour ce roman essentiel.
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Ce livre n'est pas de ceux qu'on dévore, il est de ceux qu'on lit lentement le souffle court, la gorge serrée. Malgré ses 800 pages et des poussières on prend le temps de savourer chaque mot parce qu'il n'y a rien d'inutile dans ce récit. La moindre anecdote, le moindre souvenir a un intérêt pour l'ensemble et si certains passages reviennent comme un refrain, c'est parce que à la lueur de ce qui a été dit entre temps, le sens des mots s'éclaire. C'est comme si l'auteur avait pesé chaque mot et s'était débarrassé de tout le superflu. Mais attention l'écriture est brutale, crue bien que poétique, elle prend aux tripes, coupe le souffle. C'est comme un cri de colère, qui mêle rage et tristesse et ne peut être contenu. En lisant j'ai grimacé, retenu ma respiration senti la colère et l'indignation m'envahir et les larmes me monter aux yeux.
L'auteur étouffe immanquablement dans l'oeuf chaque lueur d'espoir, aucune surprise de ce côté là. Il est implacable il n'y a pas d'issue possible il veut nous obliger à voir la vérité crue, sans fard,sans fioriture. Parce qu'à l'époque dont il nous parle et dans le contexte qu'il évoque il n'y avait aucun échappatoire, pourquoi en serait-il autrement pour le lecteur? Pourtant il y a des moments drôles d'autres touchants, tendres mais impossible d'oublier la mort qui rôde.

L'écriture est totalement maîtrisée malgré la violence des sentiments. Passé, présent et futur s'entremêlent et on navigue ainsi dans la vie des différents personnages sans que jamais le lecteur ne s'y perde. L'auteur n'a pas fait de ses personnages des héros drapés dans leur dignité, ce sont juste des hommes; certains exubérants d'autres introvertis, parfois odieux, parfois magnanimes, en colère... je les ai tous apprécié tant ils paraissent vivants. Il me paraît d'ailleurs probable que l'auteur se soit inspiré de personnes réelles. Impossible de les oublier. La dernière page tournée ils me manquent déjà. L'histoire de chacun des personnage est touchante: Benjamin, Paul, Rasmus, Bergt, Lars Ake, Seppo, ... mais c'est celle de Reine qui m'a le plus ému.

En plus d'être magnifique ce récit est une source d'informations impressionnante. le travail de recherche est titanesque: sur l'épidémie du SIDA bien entendu (traitement, évolution de la maladie, historique de son apparition, soins dans les hôpitaux, comportement du personnel soignant...) mais aussi sur les témoins de Jéhovah, sur la vie quotidienne de l'époque, dans les villes, les campagnes et sur les mentalités. L'auteur a fait un travail remarquable à tel point que son livre en devient presque un documentaire. J'ai appris beaucoup de choses.

C'est choquant de se dire que quand le SIDA ne concernait que les homosexuels et les drogués personne ne s'en est vraiment préoccupé. Il aura fallu que toute une génération de gamins soit sacrifiée et que l'épidémie touche tout le monde y compris «les braves gens» pour qu'il se passe quelque chose. Si les recherches avaient été lancées plus tôt certains seraient encore en vie. Mais ce qui m'a le plus révolté ce sont les humiliations imposées aux malades: si le SIDA leur a volé leur vie, la société leur a volé leur dignité. Ils ont du lutter contre la maladie mais aussi contre l'exclusion, la solitude, le rejet, la honte.
Le livre de Jonas Gardell leur rend un très bel hommage plein de panache et de dignité. Il mérite vraiment d'être lu.
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Plus d'un an maintenant qu'on m'a expliqué que dans cet hôpital suédois des années 80 (un parmi des centaines), on n'essuie jamais de larmes sans gants (à compter qu'on s'inquiète de les essuyer ces larmes amères parce qu'en fait, au mieux on s'en fout, au pire, on est rebuté), plus d'un an donc et j'y repense encore régulièrement, et toujours avec la même émotion. Une histoire, un livre, un auteur qui remuent.

Décor : Stockholm, début 80. La Suède, comme beaucoup d'autres pays, vient de dépénaliser l'homosexualité. En clair, légalement les lesbiennes et les gays ne sont plus considérés comme de dangereux délinquants, des monstruosités à interner au plus vite. Une belle avancée, non ? Sauf que dans les faits, rien ne change vraiment : l'homosexuel.le continue à devoir se cacher, à être harcelé.e, rejeté.e, bref à être un peu moins humain.e que les autres, les normaux, les hétérosexuels (blancs... en option). En plus, faut pas trop en attendre d'une éventuelle protection légiférée, on vient déjà de charitablement dépénaliser leur déviance, qu'est-ce qu'il leur faut de plus ?
Mais revenons au sujet, qui dit années 80 et homosexualité dit aussi tristement : apparition du sida. Et en Suède comme ailleurs, cette maladie qui arrive de nulle part, qui semble ne toucher que la communauté gay et ce, tout de suite après s'être vu octroyer le droit de vivre presque normalement... Ah, ah, même dans un mauvais film de Uwe Boll (pléonasme spotted) un truc pareil, on oserait pas. Et c'est là que les ravages commencent et que d'anormaux qu'on évite de côtoyer, on passe à pestiférés qu'il faut enfermer (et re !), ne pas toucher, pratiquement ne pas soigner... ne pas regarder non plus, on sait jamais, mais surtout, surtout, les isoler de la population saine, conforme et rationnelle.

Voilà ce que Jonas Gardell nous raconte, nous hurle, à travers le microcosme d'un groupe d'amis/amants hétéroclites. Mais sous la fiction c'est bien d'un document dont il s'agit, sérieux, fouillé, détaillé, le témoignage d'une époque sur une société qui d'un côté ne croit pas à la mort imminente venue d'une menace inconnue et de l'autre, la lenteur voire l'absence de mise en place de la moindre urgence sanitaire (quelle urgence ? Un tsunami qui emporte les folles n'est pas une urgence, c'est un miracle... pfff, faut toujours qu'on confonde tout)

C'est cru, c'est dur, ça fait vraiment mal au coeur et ça pique souvent au bout des cils mais quel livre ! Quelle ode aux amis disparus ! La colère légitime souvent palpable de Jonas Gardell nous rappelle celle des Cleews Vellay (une pensée) Christophe Martet, René Paul Leraton (une deuxième pensée) et autres Didier Lestrade, bref tous ces gens qui ont oeuvré du mieux qu'ils pouvaient durant ces heures noires et grâce à qui, encore aujourd'hui, on n'oublie pas.
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Dans ce roman fleuve, l'auteur suédois agence des histoires personnelles d'homosexuels de Stockholm et le récit documenté du sida des années 1980 à ce début de XXI siècle. Cette dextérité à mélanger les genres fournit au lecteur un livre complet et approfondi sur les ravages de la maladie, sur la vie de ces jeunes hommes insouciants, inatteignables qui ne pensaient qu'à profiter de leur jeunesse, de leurs amours, de la vie. Beaucoup d'entre eux sont rattrapés par cette bombe à retardement mais le déni de la maladie remplace les examens et les soins.
Une lecture oppressante où Jonas Gardner ne ménage en rien le lecteur, les mots utilisés pour relater les rapports sexuels sont crus, les héros auxquels nous nous attachons meurent les uns après les autres ; la plupart d'entre eux dans l'isolement et dans des souffrances ahurissantes.
Une lecture provocante et redoutable, une lecture pressante pour tous.
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N'essuie jamais de larmes sans gants est un roman fort et empreint d'une émotion brute comme on peut en croiser rarement. Inspirée d'une vérité historique que beaucoup ont oubliée. Rien que l'explication du titre fout le frisson.

N'essuie jamais de larmes sans gants se penche sur l'histoire d'amour entre Ramus, jeune adulte qui vient de quitter sa campagne pour Stockholm pour pouvoir enfin s'assumer et vivre pleinement son homosexualité, et Benjamin, issue d'une famille témoin de Jénovah. En plein dans les années 80, le roman nous immerge totalement dans le milieu homosexuel norvégien. On y découvre la difficulté d'être homosexuels pendant cette époque due au regard de la société mais également avec l'arrivée du sida, la peste du XXe siècle. le roman est fort émotionnellement et il est difficile de rester de marbre face à ses personnages. le roman n'est pas que triste. En effet, on découvre des personnages qui s'assument, qui aime, qui vivent leur sexualité comme ils l'entendent et qui, surtout, savent s'entraider. On s'attache rapidement aux personnages, nos deux protagonistes mais également les autres qui ont également une intrigue propre et trouveront facilement leur voix dans ce roman. Difficile d'oublier des personnages aussi complexes que Ramus, Benjamin, Paul ou encore Reine et encore plus quand on les voit dépérir à petit feu. Des personnages pleins de fêlures, de défauts, mais qui n'ont qu'une envie : offrir l'amour dont ils débordent.

En plus de nous bouleverser et de nous marquer à vif par des passages forts et scandaleux, Jonas Gardell nous propose un ouvrage au travail documentaire époustouflant. le travail de recherche est indéniable et l'auteur nous offre un véritable documentaire sur le quotidien des homosexuels dans les années 80 et sur le sida. On y découvre également le quotidien des norvégiens dans sa globalité, la différence de vie entre la campagne et la ville avec le personnage de Rasmus ou encore sur les témoins de Jénovah avec Benjamin. N'essuie jamais de larmes sans gants est une lecture enrichissante en de nombreux points.

N'essuie jamais de larmes sans gants est une excellente surprise pour moi. Roman bouleversant et enrichissant, ma critique est loin de décrire la qualité de ce roman. Donc plus d'excuses, lancez-vous, vous ne serez pas déçus et vous n'oublierez jamais l'histoire de Benjamin et de Ramus et des autres « pédés »!
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Voici un grand roman, de ceux qui vous remuent les tripes et vous marquent d'une empreinte qui ne s'effacera pas, et de ce fait vous auront changé, ne serait-ce qu'un tout petit peu... En pleine pandémie, on oublie quelle fut la dernière grande épidémie de notre temps, alors que le sida décima en Occident des populations ciblées, des hommes homosexuels, des hémophiles, des toxicomanes, avant de se répandre dans le Tiers-Monde et de s'attaquer aux plus pauvres, hommes femmes et enfants.
Jonas Gardell nous raconte comment le sida se répandit parmi la communauté gay à Stockholm, comme il le fit dans toutes les métropoles occidentales dans les années 80. On y suit un groupe d'amis, des jeunes hommes qui pour plusieurs ont quitté les régions pour tenter de trouver leurs semblables, pour fuir l'incompréhension de leurs familles, et qui pour la plupart recevront le terrible diagnostic qui ne leur laissera aucune chance. Et non seulement durent-ils mourir de cette maladie affreuse, mais durent-ils aussi le faire dans la honte et l'opprobre, car la majorité pensait en ces temps-là, qu'ils l'avaient bien cherché. On a peine à imaginer qu'à peine trente-cinq ans se sont écoulés depuis que prévalaient ces mentalités étroites et odieuses. le sujet est d'une grande tristesse, certes; mais il s'agit aussi d'une ode à l'amour, à l'amitié, à la tolérance, un témoignage de cette époque, un hommage aux victimes et aux survivants. Et certains dialogues sont très drôles !
De l'urgence de vivre et le côtoiement de la mort dans lesquels furent précipités ces jeunes gens diagnostiqués positifs au VIH, il exhale un souffle qui élève ce roman dans un niveau d'émotion rarement atteint.
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Qu'il est difficile en quelques phrases d'évoquer cet incroyable roman, à la fois terriblement attachant, profondément bouleversant et si souvent piquant.

Davantage qu'une histoire, c'est une page d'Histoire que retrace Jonas Gardell : celle de la première décennie de l'épidémie de VIH en Suède. Il construit pour cela une galerie de personnages complexes et merveilleux, à partir de Rasmus quittant à la sortie du lycée sa campagne pour Stockholm. Il y rencontre vite Paul et grâce à lui, il rencontre sa propre vie.

La galerie de portraits est immense, comme autant de visages masculins différents de l'homosexualité, permettant de l'aborder sous autant d'angles, de parcours d'obstacles et de quêtes existentielles. La galerie du temps est tout aussi complexe : si l'essentiel s'installe entre 1982 et 1989, les sauts sont incessants entre passé et présent, souvenirs et avenir. Entre vie flamboyante et mort, lente et cruelle.

Ce livre est foisonnant. Il est d'abord une incroyable histoire d'amitiés, presque une théorie de la famille logique, celle que l'on se construit, qui nous révèle et nous porte lorsque les liens biologiques étouffent ou briment. Il est aussi une merveilleuse histoire d'amour - de l'Amour et des amours. Mais il est enfin, et peut-être surtout, une Histoire du sida en Suède, qui interrompt le récit fréquemment, se rappelle à notre conscience grâce à de longues citations de journaux, études ou discours de l'époque.

Le vrai se mêle au roman, plus que jamais ancré dans un passé si proche et si lointain déjà. Sauts dans le temps, grands-écarts entre narration et rappels factuels, l'auteur nous pousse du haut d'un précipice de 600 pages dont on ressort forcément chamboulé. Entre rire et révolte, tendresse et colère.

Un livre important.
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Dès lors que l'on comprend d'où vient le magnifique titre de ce roman, on sait qu'on va se trouver face à une lecture bouleversante. "N'essuie jamais de larmes sans gants" c'est le conseil que donne une infirmière expérimentée à sa jeune collègue pendant les soins qu'elles apportent à un malade du sida hospitalisé et prêt de mourir, tout fluide corporel pouvant être contaminant. Nous sommes dans les années 80, le sida a commencé son oeuvre macabre, laissant les soignants désemparés face à l'affluence de malades jeunes, en proie à d'horribles souffrances et pour qui ils ne peuvent rien, avec en plus l'inquiétude de la contagion, encore mal connue et documentée.
Mais avant d'être un corps souffrant sur un lit d'hôpital, Rasmus a été un jeune homme plein d'espoirs et de vie et ce livre va s'attacher à nous faire découvrir son histoire et celle de la petite bande de gays à laquelle il s'est intégré. Pas facile d'être homosexuel, quand on grandit dans un petit village perdu du fin fond de la campagne suédoise à la fin des années 70. Rasmus se sent différent, est moqué par les autres enfants mais ses parents n'y comprennent rien et l'homosexualité est un tel tabou qu'il ne peut aborder ce sujet avec personne. Seule solution : partir pour Stockholm où il découvrira petit à petit qu'il n'est pas seul au monde avec des sentiments bizarres et que l'époque est en train de changer.
Jonas Gardell excelle à reconstituer une époque, ce début des années 80 où on oscille entre le conservatisme des décennies précédentes, où les gays étaient obligés de se cacher, de se rencontrer en secret et où il n'était même pas envisageable d'avouer son homosexualité, et le vent de libération qui commence à se lever et va enfin permettre aux homos de vivre leur vie quasi au grand jour, même si la partie est loin d'être gagnée. On est plongé dans la vie des personnages, Rasmus mais aussi Benjamin, qui vient d'une famille de témoins de Jéhovah et qui devra finir par choisir entre sa foi et son homosexualité puisqu'on ne lui permet pas de concilier les deux, Paul, le si attachant Paul, grande folle qui soude la bande de copains autour de lui par ses extravagances, mais aussi Reine, Lars-Akke, Bengt, tous ces jeunes gens auxquels on s'attache et qui finissent par être comme de vieux copains.
Pour le lecteur, c'est l'ascenseur émotionnel permanent, l'auteur n'ayant pas son pareil pour nous embarquer dans son récit : on est tour à tour choqué par l'archaïsme du jugement de l'époque face à l'homosexualité (c'est là qu'on se rend compte que - heureusement - les mentalités ont fini par changer même si le combat n'est pas terminé), bouleversé par la maladie qui frappe à l'aveugle toute une génération, heureux face à l'émancipation de Rasmus ou Benjamin qui peuvent enfin vivre la vie dont ils rêvaient, amusé par ces hommes qui reconstituent leur propre famille pour remplacer celle qui n'a pas voulu d'eux et se lancent dans des fêtes épiques, tellement heureux de profiter enfin de la vie, choqué par la violence de certains propos au début de l'épidémie de sida ("c'est la punition de Dieu face à la perversion") et surtout, surtout, on se dit que c'est tellement injuste et que tant de morts auraient pu être évités si les connaissances scientifiques face à cette maladie avaient progressé plus vite et si on avait pu informer à temps face aux gestes de prévention élémentaires.
L'auteur ne nous épargne rien, ni les souffrances intenables des malades, ni certains gestes odieux de leur famille refusant de reconnaître tout droit au compagnon de leur fils après son décès allant contre ses dernières volontés, tant ils sont enfermés dans leurs préjugés et leur crainte du qu'en-dira-t-on. Et en même temps, c'est aussi un livre lumineux de par l'insouciance et les moments de joie qu'il décrit, restituant avec talent ce qui semblait être un vent de liberté tant attendu et irréversible.
C'est un livre bouleversant, malgré quelques longueurs et redites qui m'ont personnellement fait perdre un peu le fil par moments, et une lecture nécessaire qui me restera longtemps en tête.
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Je ne sais pas,
Quand j'ai écrit mon premier billet, je me suis promis de chroniquer tous les romans que je lirai, que la lecture soit bonne ou mauvaise. Un an et demi plus tard, je cale, je ne sais pas, je ne peux pas, je suis juste en train de pleurer

Un roman où « ce qui est raconté dans cette histoire s'est réellement passé. »

Le deuil, le Je de J'existe, l'amour, la honte, la solitude, la peur, la douleur

« On t'enferme dans un sac-poubelle noir. Quand tu meurs du sida. Je le sais. Comme si tu étais un déchet. Je ne veux pas, Benjamin. Je ne veux pas être un déchet. »

Un livre qui m'a bouleversée au sens propre, qui m'a secouée, je suis encore en larmes et je ne sais même pas pourquoi.
Peut-être parce qu'il y a presque quarante ans j'ai enterré un ami et qu'on n'était pas si nombreux que ça à l'accompagner, que je me souviens des « sidatoriums » chers à un homme politique français, de Tom Hanks dans Philadelphia et du baiser de Clémentine Célarié en plein direct. Et que si les mentalités ont un peu évolué en ce qui concerne l'homosexualité, et encore, la semaine dernière, en réunion, une remarque homophobe et une raciste en moins de cinq minutes, bref, en ce qui concerne les trans ou les non-binaires, il y a encore du boulot… Et cela, uniquement dans les grandes villes occidentales car au fin fond de ma campagne, c'est pas gagné.

Un bouquin où toute chronologie est oubliée, où des parties entières sont reprises à la façon de leitmotivs, où la seule chose qui compte, c'est vivre, vivre vraiment

« Ma seule vie. La seule vie que j'ai eue. La seule vie que j'aurais voulu avoir ! Ma seule vie ! »
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