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Au préalable je salue le fantastique travail de Claudine Gothot-Mersch, professeur aux Facultés universitaires Saint-Louis de Bruxelles, qui a présenté, établi et richement annoté la présente édition. C'est aussi elle qui a ajouté en appendice l'Albertus, écrit en 1831-1832 alors que Gautier avait vingt ans seulement.

Je vous invite chaleureusement à lire ces « Émaux et Camées ». le recueil est en principe l'application la plus directe des principes de l'école du Parnasse, qui prône « l'art pour l'art ». On attribue traditionnellement une certaine froideur à ces poèmes, or, je suis moyennement d'accord avec cette affirmation.
Le vocabulaire surprend par sa richesse, par son utilisation très précise, une des principales caractéristiques de Gautier qui s'évade par la poésie : que ce soit à Venise ou dans l'Antiquité.
À noter encore de nombreuses références littéraires (cf. le poème Préface), des descriptions d'oeuvres aussi, sorte d'ecphrasis parfois, plus la culture que la nature.
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Grand ami de Théophile Gautier, Charles Baudelaire se passionne pour le romantisme. En 1859, il dédit un de ses poèmes « Les petites vieilles » à Victor Hugo qu'il avait connu avec Gautier au moment de la bataille d'Hernani en 1830 et les escarmouches des représentations.
En 1861, admirant profondément le peintre Eugène Delacroix, Baudelaire écrit au sujet de son Héliodore de l'église Saint-Sulpice qu'il vient de terminer : « Un tableau de Delacroix vous pénètre déjà d'une volupté surnaturelle. Il vous semble qu'une atmosphère magique a marché vers vous et vous enveloppe. »
Mais le véritable maître de Baudelaire est Théophile Gautier, son « maître et ami », « poète impeccable, parfait magicien de lettres françaises. En 1857, il lui dédit ses « Fleurs du mal » et lui envoie son recueil accompagné d'une lettre dédicace :
« À mon très cher et très vénéré maître et ami Théophile Gautier
Bien que je te prie de servir de parrain aux Fleurs du mal, ne crois pas que je sois assez perdu, assez indigne du nom de poète pour m'imaginer que ces fleurs maladives méritent ton noble patronage. Je sais que dans les régions éthérées de la véritable Poésie, le Mal n'est pas, non plus que le Bien, et que ce misérable dictionnaire de mélancolie et de crime peut légitimer les réactions de la morale comme le blasphémateur confirme la Religion. Mais j'ai voulu, autant qu'il était en moi, en espérant mieux peut-être rendre un hommage profond à l'auteur d'Albertus, de la Comédie de la Mort et d'Espana, au poète impeccable, au magicien ès langue française, dont je me déclare, avec autant d'orgueil que d'humilité, le plus dévoué, le plus respectueux et le plus jaloux des disciples. »

Figure marquante, gloire de la vie littéraire au 19e siècle, Théophile Gautier est un touche à tout dans le domaine des arts. Il aborde tous les genres : critique d'art, conte, poésie, nouvelle, roman, théâtre, et même le livret du ballet « Gisèle ». Il est un des membres de ce mouvement parnassien qui considère que l'art doit être impersonnel, sans engagement politique et social.
En 1852, son recueil de poèmes « Émaux et Camées », qui se situe à la croisée du romantisme et de la poésie parnassienne, illustre idéalement les principes esthétiques de l'artiste et son exigence de perfection.

Gautier est celui qui manie le mieux la langue française. Ces poèmes sont des petits bijoux joliment ciselés qu'il faut déguster lentement, mot à mot. Leur unique but est une recherche de beauté et d'exigence esthétique. « Il n'y a de vraiment beau que ce qui ne peut servir à rien. » Je donne, ci-dessous, quelques extraits du recueil, courts aperçus de son exceptionnel talent :

Quel plaisir, la vision de cette main de courtisane en plâtre chez un sculpteur « Etude de mains » :
« Dans l'éclat de sa pâleur mate
Elle étalait sur le velours
Son élégance délicate
Et ses doigts fins aux anneaux lourds »

Description d'une « Rose-Thé » aux couleurs subtiles :
« On dirait une rose blanche
Qu'aurait fait rougir de pudeur,
En la lutinant sur la branche,
Un papillon trop plein d'ardeur. »

Quelques hirondelles parlent « Ce que disent les hirondelles » :
« La pluie au bassin fait des bulles ;
Les hirondelles sur le toit
Tiennent des conciliabules :
Voici l'hiver, voici le froid ! »

A Venise « le Carnaval » se prépare :
« Venise pour le bal s'habille.
De paillettes tout étoilé,
Scintille, fourmille et babille
Le carnaval bariolé. »

Le printemps arrive « Premier sourire du printemps » :
« La nature au lit se repose ;
Lui, descend au jardin désert
Et lace les boutons de rose
Dans leur corset de velours vert. »

Et des fleurs éclosent « Camélia et pâquerette » :
« Un papillon blanc qui voltige,
Un coup d'oeil au hasard jeté,
Vous fait surprendre sur sa tige
La fleur dans sa simplicité »

Les femmes ne sont jamais bien loin « le poème de la femme » :
« Glissant de l'épaule à la hanche,
La chemise aux plis nonchalants,
Comme une tourterelle blanche
Vint s'abattre sur ses pieds blancs. »

Ces vers sont entrés dans la poésie populaire.
En parcourant les mots de ce grand poète, il m'arrive parfois de penser aux peintres impressionnistes dont les recherches auraient pu être les mêmes : lumière, couleur, chatoiement, rythme, sensibilité.


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Contralto : sa lecture gagne à se prolonger par une écoute du duetto :
Philippe Jaroussky/Max Emanuel Cencic/
Musique Giovanni Bononcini/
"Chi d'Amor tra le catene"/
Les arts florissants/William Christie/2011
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Cet écrin de 38 petits bijoux de poésie (préface comprise) justifie la dédicace des Fleurs du Mal :

« Au Poëte impeccable
au parfait magicien ès lettres françaises
à mon très-cher et très-vénéré
maître et ami
Théophile Gautier
avec les sentiments
de la plus profonde humilité
je dédie
ces fleurs maladives
C. B. »

Quant à cette strophe du dernier poème du recueil – « L'Art » –, elle est devenue une vérité incontestable pour les vers de Gautier :

« Les dieux eux-mêmes meurent,
Mais les vers souverains
Demeurent
Plus fort que les airains. »
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Théophile Gautier (1811-1872) fut un écrivain, un critique d'art et un poète. Poète mineur ? Certes, comparé à Hugo. Il fut moins prolifique et moins flamboyant. Mais il est très plaisant et "Emaux et camées" constitue peut-être son chef d'oeuvre poétique. J'apprécie beaucoup ces courtes poésies sans prétentions, écrites dans une langue très simple et sans emphase, fluides comme des textes de chanson. Je pense à "La plaintive tourterelle" (que j'ai mis en citation), "La source" ou "Les Néréides", parmi bien d'autres... Certaines textes sont un peu morbides, mais bien venus, comme "Les joujoux de la morte" par exemple. D'autres apparaissent un peu comme des exercices de style ("Symphonie en blanc majeur"). Un autre poème ("L'art") semble vouloir définir la conception de l'art poétique selon Gautier.
Dans l'ensemble, c'est une lecture très agréable que je recommande de déguster peu à peu.
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Moins connus que son romans, les poèmes de Gautier sont aussi précieux que des émaux et des camées....
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Les camées et les émaux sont des oeuvres d'art, de petites tailles, mais très précieuses, associés à l'Antiquité et au Moyen-Âge. Et on retrouve toutes ces caractéristiques dans la poésie de Gautier. Les poèmes sont assez courts, classiques dans la forme - même s'il n'écrit pas de sonnet, contrairement à Leconte de Lisle ou José Maria de Hérédia, mais très travaillés. On retrouve également le goût pour l'Antiquité, avec de nombreuses évocations de statues antiques de marbre - Gautier a une obsession pour les seins blancs ! D'ailleurs, j'ai bien aimé le poème sur la Lorelei, que j'ai trouvé plus original car dépaysant - il n'utilise toutefois pas le nom de Lorelei, mais c'est ce que m'évoque la sirène du Rhin qu'il décrit avec sa pâleur et sa blancheur, sa beauté parfaite, mais son coeur est lui aussi glacé.
J'ai pensé parfois à Gaspard de la nuit, pour le surgissement des images, ce cisèlement de la langue, en moins dépaysant cependant. Je regrette également cependant que les vers ne m'aient pas toujours totalement emportée par leur musicalité - je viens de lire plusieurs recueils de Verlaine, c'est peut-être une explication...
Enfin, pour moi qui admire Victor Hugo, le poète comme le dramaturge, j'ai apprécié l'un des derniers poèmes, "Le Chateau du souvenir", qui évoque le combat romantique, la "Bataille d'Hernani" dont Gautier était un des hérauts avec sa barbe fournie, mais ce poème suggère aussi les rêves de succès et de gloire brisés ou non aboutis, tous n'ont pas eu le succès espéré - comme évoque ensuite le poème "La Mansarde" qui illustre la bohème artistique, mais aussi la pauvreté.
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J'essaie depuis des lustres de trouver les mots pour faire part de mes impressions sur ce recueil qui fait partie de mes recueils préférés… il m'a beaucoup touchée, je l'ai trouvé magnifique et de manière générale j'adore Gautier mais alors ce recueil est de l'un de ceux que l'on relit encore et encore sans s'en lasser..
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Mériterait d'être bien plus connu, ça change de la poésie emphatique et romantique si abondante(non je ne vise pas un certain Hugo...); ici la langue française, dans sa précision et sa pureté, est à son apogée.
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Vous avez déjà lu de la poésie, dites vous ? Théophile Gautier vous fera oublier toutes les autres poètes ! Voilà mon avis et quand on aime, on est partial, et moi, j'aime Théophile !
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