Si Philippe IV était né deux siècles plus tard, il eu fait photographe pour se désennuyer, nous aurions une longue série de clichés où l'on pourrait suivre et étudier toutes les formes de spleen royal. Venu trop tôt, le roi a dû demander qu'on lui trouve un spécialiste adroit de ses mains, et il a chargé de reproduire à l'année, moyennant une petite pension, les traits du roi, l'épouse du roi, les infants et les infantes du roi, les courtisans, les chiens, les bouffons, les gibiers, les arbres du roi.
Velasquez sera nommé à ce poste d'honneur sur la recommandation d'un dignitaire du Chapitre de Seville, un certain Fonseca, dont il a fait le portrait.
Bientôt, il va rendre sensible l'insaisissable enveloppe qui baigne ses modèles, il voudrait que l'atmosphère de son tableau continuât celle où il se meut lui-même. Moratin dire justement de lui qu'il a su peindre l'air. On ne trouvera pas mieux, la critique ne pourra que développer cette affirmation véridique.
Cela vaut le voyage: un tableau de Velasquez à peu près inconnu, puisqu'il faisait partie d'une collection privée, avant d'entrer en 1906 à la National- Gallery. L'histoire de cette Vénus au Miroir a été contée par le regretté Paul Lafond, conservateur du musée de Pau, érudit de l'art espagnol. C'est dans le Bulletin de l'art ancien et moderne qu'il a publié l'état civil de ce tableau, longtemps dans l'obscurité, aujourd'hui en pleine lumière. Ce qui a sauvé la Vénus au Miroir, c'est qu'elle passa du Prado au palais d'Albe au XVlle siècle.
"L'enfermé" de Gustave Geffroy.