Citations sur Magnus (133)
Et ma fratrie était grande –neuf garçons, figure-toi. Tous venus au monde sous la protection de la Vierge. Alors cet anniversaire, ce n’est pas seulement le mien, c’est aussi celui de mes huit frères. A présent, ils sont tous morts, tous partis saluer l’Immaculée Mère de Dieu. Bientôt ce sera mon tour. Ah, quel beau jour !
L’idée de la mort nous est devenue de plus en plus familières ces dernières années. […] Il ne serait pas juste de dire que nous aimerions mourir, bien que personne n’ignore une certaine lassitude, qu’on ne doit laisser s’installer sous aucun prétexte. Pour abandonner, nous sommes trop curieux : nous aimerions voir d’abord à quoi sert notre vie brisée.
Désormais, dit Lothar, je ne peux plus rester en tête à tête avec l’auteur d’un livre, il me faut chaque fois un lecteur, ou une lectrice, et ainsi nous sommes trois. Les inflexions de la voix de l’intermédiaire entre l’auteur et moi se répercutent sur le texte, et alors j’entends des nuances que je n’aurais peut-être pas su déceler en lisant en silence, solitairement. Cela réserve parfois d’étranges surprises…
Lothar réplique en souriant que la foi en Dieu relève du même acte aventureux, et souvent éprouvante, que la foi en l’homme. Aucune certitude, aucun acquis et aucun repos dans cet acte de la pensée et du cœur à renouveler chaque jour.
En Europe, le souffle mystérieux de l’ours émane des cavernes. Il est donc une expression de l’obscurité des ténèbres ; en alchimie, il correspond à la noirceur du premier état de la matière. L’obscurité, l’invisible étant liés à l’interdit, cela renforce sa fonction d’initiateur.
D’ailleurs, il n’a pas eu son plein d’enfance, la maladie lui en a volé une très grande part, la guerre et l’exode ont meurtri le reste. Et cette part perdue le tourmente, elle le lancine comme un membre amputé qui continue à élancer dans le corps d’un mutilé.
D’un éclat de météorite, on peut extraire quelques menus secrets concernant l’état originel de l’univers.
Ils n'ont plus jamais évoqué le drame survenu sur la falaise de Douvres, et Magnus ne parle guère de son propre passé. Chacun porte son poids de temps dans la discrétion : rien n'est renié ni effacé, mais ils savent qu'il est vain de vouloir tout raconter, qu'on ne peut pas partager avec un autre, aussi intime soit-il, ce que l'on a vécu sans lui, hors de lui, qu'il s'agisse d'un amour ou d'une haine. ce qu'ils partagent, c'est le présent, et leurs passés respectifs se décantent en silence à l'ombre radieuse de ce présent.
Il a vingt ans, et il est inconnu à lui-même, un jeune homme anonyme surchargé de mémoire à laquelle cependant il manque l’essentiel – la souche. Un jeune homme fou de mémoire et d’oubli, et qui jongle avec ses incertitudes à travers plusieurs langues, dont aucune, peut-être, n’est sa langue maternelle.
Ici commence l'histoire de Magnus. Ici, quelque part entre San Francisco, New York, Montréal, Los Angeles et Vancouver, et encore bien d'autres villes.