Un vertige

D'autre part, je m'interrogeais sur la force qui nous pousse, au mépris le plus élémentaire de nous même, dans des amours invivables, sur ce que cela suppose de défaillance - puisque l'on finit par tout abdiquer de masochisme et de désir de mort.

Je me suis éloignée de certains amis qui, excédés de me voir me compromettre dans une relation sans avenir, avaient ajouté à la souffrance le poids de leur condamnation.

Il y a eu les jours, et ceux là ont incontestablement étaient les pires, où je me suis consumée d'angoisse en attendant un message qui n'est pas venu.

T. était un grand voyageur. Le courrier électronique était le seul lien à peu près stable qui me maintenait à lui, toujours en déplacement au bout du monde. J'attendais ses mails comme si ma vie en dépendait.

Je crains que lui et moi ne soyons, au fond, jamais capables de cesser de nous aimer. Et je sais désormais qu'il faudra aussi accepter ce qui a précédé la séparation, et composer avec le souvenir, à la fois doux et effroyable, de ces six mois d'amour absolu qui m'ont donné le sentiment de marcher au-dessus du sol.

D'autre part, je m'interrogeais sur la force qui nous pousse, au mépris le plus élémentaire de nous-même, dans des amours invivables, sur ce que cela suppose de défaillance- puisque l'on finit par tout abdiquer- de masochisme et de désir de mort. Mais aussi sur la valeur intrinsèque de cette démence, celle qui nous porte hors du nous et nous permet de voir de près, au moins une fois, le grand vertige de la vie qui bascule.Il me semblait que placer autour de cette histoire des mots, une structure, serait une manière de la rendre moins vénéneuse à mes propres yeux... (p.68-69)

Ce que je raconte, tous nous l'avons vécu. L'éblouissement amoureux est en effet le plus banal des biens partagés; on peut même avoir la chance d'y aspirer plusieurs fois dans une vie. Mais le phénomène demeure un miracle ressenti comme ultime, unique , quelle que soit l'étape de l'existence à laquelle il advient. (p. 80)

En d'autres termes, je me demandais comment mourrait un amour, ce qui nous mourait en même temps que lui et ce qui avait une chance d'y survivre. (p. 83)

La séparation

On construit une histoire sans vouloir comprendre que la grâce du partage n'est plus, et que l'on est en train d'aimer un souvenir plus qu'un présent. Parce que l'on veut continuer à ignorer qu'est en marche la terrible mécanique du détachement, celle qui va faire de nous, au bout du compte, des êtres séparés. (p. 77)

Je suis persuadée que l'amour nous modifie biologiquement. (...)
Une place s'inscrit en creux, un manque, que plus rien , ensuite, ne parvient à combler. Pourquoi est-on attirée par un être plutôt qu'un autre ? (p. 37)