A la base, le Spectre est né dans des épisodes diffusés en radio. L'écriture n'est donc pas la même. La façon de créer le suspense, de l'entretenir, d'amener les points culminants, etc. tout cela change.
Dans les aventures du Spectre, les choses se passent "comme ça"... pas la peine de chercher une raison. Style "mais pourquoi est-il si méchant?"... PARCE QUE. Et "mais comment donc fait le Spectre pour se tirer d'affaire, ou pour être au courant"... Eh bien, c'est comme ça. Un point c'est tout.
On ne s'embarrasse donc pas de détails. Il faut que cela bouge. Que cela avance. Il faut de l'action, pas de temps mort. Finalement, c'est une qualité. le récit est dense, mais parfois trop. Côté suspense, point trop n'en faut, là aussi. le Spectre gagne toujours. On n'en a aucun doute. Et sans vraiment être mis en difficulté. D'ailleurs c'est ce que l'auditeur venait chercher.
Et le récit radiophonique ne permettait pas non plus de revenir en arrière, histoire de vérifier un détail foireux...Par contre, le livre permet cela. le livre permet au lecteur de s'arrêter sur un § pour le relire... ou de s'interroger sur les rouages de l'intrigue et les enchaînements. Alors, on peut trouver le récit embrouillé; réducteur, raccourci, elliptique... Bref, autant d'éléments qui perturbent la lecture, et ne la fluidifient, en fait, pas. Car on fronce les yeux bien souvent sur des incohérences.
Pour l'anecdote,
Walter Gibson a écrit 12 histoires parues en 1945, dont le Masque de Mephisto... c'est dire la productivité. Mais c'est dire aussi la masse de déchets.
François Rivière, expert en littérature SF et fantastique, polar et thriller, nous choisit le Masque de Mephisto. On peut supposer que l'on a la crème de la crème. Sur 282 aventures (parues dans un magazine aussi) écrites entre 1931 et 1949, il y avait le choix...
OK, ce n'est pas vraiment mauvais... mais cela ne décolle pas. le carnaval de la Nouvelle-Orléans est un cadre tout à fait adapté à une aventure du Spectre. C'est évident. Mais le style bloque tout. A chaque fois que je m'envolais... un raccourci, un § brouillon me rappelait à la dure réalité. C'est de la para-littérature. Dans le sens le plus péjoratif du terme. le second degré est sympathique, mais il s'essouffle rapidement.
Le livre reste donc un témoignage d'une époque. Un peu kitsch, à la limite du parodique, comme souvent dans les pulps. D'un héros dont les majeurs faits d'armes sont à suivre en radio ou dans des comics, mais pas sous la forme de romans. Ou alors au 3è ou 4è degré. A petites doses.