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3,35

sur 145 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Ce court texte écrit en 1913 est extrait de Souvenirs et voyages. Il relate l'expérience de juré de cours d'assises de l'auteur mais également sa connaissance de ce domaine en tant que spectateur au sens noble du terme, sans voyeurisme.

"De tout temps les tribunaux ont exercé sur moi une fascination irrésistible. En voyage, quatre choses surtout m'attirent dans une ville : le jardin public, le marché, le cimetière et le palais de justice. Mais à présent je sais par expérience que c'est une tout autre chose d'écouter rendre la justice, ou d'aider à la rendre soi-même. Quand on est parmi le public on peut y croire encore. Assis sur le banc des jurés, on se redit la parole du Christ : Ne jugez point.

Et certes je ne me persuade point qu'une société puisse se passer de tribunaux et de juges ; mais à quel point la justice humaine est chose douteuse et précaire, c'est ce que, durant douze jours, j'ai pu sentir jusqu'à l'angoisse. C'est ce qu'il apparaîtra peut-être encore un peu dans ces notes."

Dans l'actualité, pas une semaine sans que la justice (et sa réforme) ne soit abordée, ses manquements, ses abus, ses failles, ses incompétences…

Ce livre écrit en 1913 m'a semblé très actuel, j'ai d'ailleurs eu part moment l'impression de revoir, au fil de ma lecture, « 10eme chambre d'instance » de Raymond Depardon, à la différence que les délits jugés par la la cour d'assise sont sans commune mesure avec ceux jugés par la 10eme chambre et que plusieurs décennies séparent ces deux oeuvres. Les mêmes problématiques, une justice qui parle un vocabulaire que beaucoup de prévenus ne comprennent pas, une justice de l'esbroufe en fonction du talant de votre avocat, une justice où on voit apparaitre des peines « du doute » bien trop pour un innocent, trop peu pour un coupable, des jurés qui subissent la pression médiatique, une justice engorgée…

"Les cultivateurs, de beaucoup le plus nombreux sont décidés à ce montrer très sévères ; les exploits des bandits tragiques, Bonnot, etc., viennent d'occuper l'opinion : « Surtout pas d'indulgence », c'est le mot d'ordres, soufflé par les journaux ; ces messieurs les jurés représentent la Société et sont bien décidés à la défendre."

"Le malheureux fait de grands efforts pour suivre le réquisitoire de l'avocat général, dont on voit qu'il ne comprend de-ci de-là que quelques phrases."

A la fin de la lecture on comprend mieux la difficulté d'être juré, le poids de devoir porter sur ses épaules une part de responsabilité d'une condamnation ou d'un acquittement dans une justice qui ne semble pas d'une fiabilité sans faille.


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Le regard d' un intellectuel sur les affaires de justice est particulièrement intéressant pour qui veut les aborder autrement que par une vision purement juridique. En 1912, André Gide fut tiré au sort pour siéger en tant que juré à la Cour d' assises de Rouen. Ce fut pour lui l' occasion d' apprivoiser la justice d' une façon tout à fait différente.

"... à présent je sais par expérience que c' est une tout autre chose d' écouter rendre la justice, ou d' aider à la rendre soi-même. Quand on est parmi le public on peut y croire encore. Assis sur le banc des jurés, on se redit la parole du Christ : Ne jugez point."


Lui qui connaissait certainement quelques rudiments de la justice pour avoir eu un père professeur de droit romain, plonge dans la réalité même d' un sytème redoutable pour découvrir, non sans une certaine stupéfaction, la précarité des procès à lui soumis.

Le lecteur découvre à quel point certaines affaires où l' enjeu est important pour le justiciable font l' objet d' une procédure pour le moins sommaire : des défenses mal préparées ou quasi inexistantes, des jurés limités intellectuellement qui rendent justice avec leur coeur et non avec la raison, qui se laissent facilement influencer par les opinions extérieures notamment la presse, ou pire encore les a priori et préjugés de juges qui dès le début du procès cherchent à orienter et encadrer leur vision.

On se rend compte à quel point les principes fondamentaux qui doivent être observés lors un procès sont complètement baffoués notamment le droit à un procès équitable à armes égales, le droit à un juge impartial, le droit à avoir du temps pour préparer sa défense, le droit au principe du contradictoire, le droit à un jugement motivé...etc.

C' était un autre temps, après tout l' état de la justice n' est qu' un reflet de la société qu' elle traverse ...

Aujourd' hui les critiques qu' on peut opposer à la justice des hommes, nécessairement imparfaite, existent toujours. L' affaire d' Outreau plane toujours dans les esprits... Les médias et les associations humanitaires crient haro sur les conditions dégrandantes dans les prisons françaises; Treiber continue en fuite, le procès Clearstream démarre bientôt, la Scientologie ne risque plus la dissolution à cause d' une erreur de lecture d' un nouveau texte entré en vigueur, on annonce la suppression du juge d' instruction et la main mise de l' éxécutif sur le judiciaire...

Pourtant à lire ce texte fort intéressant, mais malheureusement trop court, on peut raisonnablement estimer qu' il y a eu de grandes évolutions, presque un siècle plus tard. J' ai à la fois la sensation qu' il est très actuel sur certains aspects, et puis qu' il a valeur de relique, comme si c' était un autre monde, et pas la France d' il y a à peine un siècle.
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Une manière de découvrir Gide. Dans la même veine je lirai bientôt La séquestrée de Poitiers.

Passionnant! Je vous le conseille!
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Cet ouvrage est très intéressant d'un point de vu judiciaire. Il témoigne de l'évolution de la formation des jurés et démontre la conviction de ceux-ci par leur inculture. Ces différentes affaires dressent le portrait de criminels, délinquants qui dans certains cas peuvent susciter de l'empathie. Gide a une manière très singulière de critiquer la machine judiciaire à l'aune des jurés mais aussi du juge. de surcroît, on assiste vers la fin de l'ouvrage à l'avis de l'opinion publique en matière de crimes, délits. À savoir sanctionner les criminels et délinquants et faire abstraction de la fonction réparatrice de l'incarcération en réprouvant toute possibilité de réinsertion dans la société.
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