Vincent, dont les perspectives de carrière professionnelle dans le foot ont été ruinées par un accident sur le terrain, entraîne des jeunes dans le club municipal de Sedan.
Solitaire, il mène une vie routinière. C'est un homme blessé qui se protège de tout ce qui pourrait fissurer la carapace qu'il s'est forgée. Il fuit la société de consommation, il refuse que quoique ce soit ou quiconque, vienne empiéter sur sa sphère privée. Vincent est méfiant. Ses expériences sentimentales ne lui ont donné aucune envie d'engagement. Son passé familial est lourd. Vincent conçoit envers sa mère, vieille et malade, une terrible rancune et rancoeur pour avoir laissé son père le maltraiter lorsqu'il était enfant.
Il voit également peu sa soeur qui débarque chez lui comme une tornade, encombrée de son fils Léonard, âgé de treize ans dont Vincent ne se rappelle ni de l'âge ni du prénom. Ces préoccupations sont bien loin de sa vie.
Madeleine brasse beaucoup de vent et parle, parle, sur un ton de fausse assurance. Elle est dans l'urgence. Elle vient de décrocher un stage qui lui permettrait enfin de sortir de sa situation actuelle qui semble précaire et instable. Son frère doit absolument garder son fils. Dix jours avec son neveu, ce n'est pas la mer à boire.
Madeleine présente son fils. Ce dernier est un peu particulier. Léonard vouvoie son oncle. Madeleine prévient son frère que la façon que son fils a, de ne pas regarder en face, de fuir le contact visuel, risque de l'agacer. En revanche, Léonard peut rester seul pendant des heures à jouer aux échecs. Il ne se sépare d'ailleurs pas de son échiquier et d'un carnet dans lequel il note les parties des grands joueurs, leurs coups, leurs stratégies. Léonard est sur ce point imbattable. Les parties, il les a mémorisées et il peut ainsi anticiper, ce qui le rend redoutablement efficace.
Vincent est aussi surpris par les façons doctes de son neveu. Même sa physionomie est étonnante. Madeleine donne quelques explications supplémentaires au sujet des particularités de son fils, ajoute qu'il dort beaucoup et craint tous les changements d'habitudes.
Vincent, intrigué, accepte finalement la garde. Il prévient sa soeur qu'il emmènera Léonard avec lui à l'entraînement. Madeleine est sceptique. Son fils n'aime pas le sport.
Une relation se noue entre Léonard et Vincent. Vincent est attaché - bien qu'il s'en défende avec humour - à "ses" jeunes. Lorsque leur entraineur arrive sur le terrain avec son neveu, les jeunes joueurs trouvent bien que Léonard est un peu étrange mais ils l'accueillent gentiment. Léonard observe le jeu qui lui semble simpliste.
Vincent fait alors regarder à son neveu un match de niveau national afin que Léonard en comprenne davantage sur les subtilités et les règles régissant ce sport d'équipe. Léonard passe la nuit à visionner tous les matches que son oncle a à disposition.
Le lendemain, comme il le fait avec les échecs, Léonard est capable d'anticiper des actions du jeu.
Malencontreusement, Léonard critique la façon qu'a eue un des adolescents de jouer. Et il lui explique ce qu'il aurait du faire.
Forcément, Léonard se retrouve à l'hôpital, avec quelques plaies à recoudre.
A l'hôpital, le médecin s'étonne du comportement impassible de Léonard durant les soins et demande à Vincent s'il accepterait que son neveu soit vu par une pédopsychiatre. Vincent accepte.
Catherine, qui va jouer un rôle primordial dans la suite du roman, examine Léonard et vient ensuite faire part de ses conclusions à Vincent : Léonard est atteint du syndrome d'asperger. le médecin donne à l'oncle des clés pour mieux comprendre son neveu qui est comme "un martien en visite sur terre". Il doit collecter les informations qu'il ne possède pas d'emblee pour s'adapter à son environnement, à la vie en société. Ce sont comme des boîtes qu'il doit construire dans son cerveau pour obtenir ensuite les réponses appropriées pour interagir avec le monde. C'est très fatiguant et cela explique pourquoi les enfants "asperger" ont tant besoin de dormir. Catherine dresse le portrait de jeunes qui ne regardent pas dans les yeux leurs interlocuteurs, qui évitent le contact physique, qui n'expriment pas physiquement leurs émotions et qui doivent user d'une grande stratégie afin d'avoir les comportements les plus en phase avec ceux de leurs pairs et de la société plus généralement. Ces enfants doivent faire beaucoup d'efforts et ont besoin de rituels bien etablis afin de ne pas souffrir d'insécurité. Ils peuvent piquer des crises si leur cerveau est en surchauffe et si l'environnement familial n'est pas adapté et conscient des difficultés auxquelles se heurte l'enfant si, par exemple, lui arrive une information qu'il n'a pas traitée.
La soeur de Vincent est dans le déni. Pour elle, si son enfant a des problèmes, ce seront forcément des problèmes psychiatriques.
Catherine est visiblement intéressée non seulement par Léonard mais aussi par son oncle qui, lui, est de prime abord sur la réserve à son égard.
La pédopsychiatre est impliquée et demande à Vincent de continuer son projet de faire jouer Léonard au foot.
C'est chose faite. Léonard devient le gardien de but de l'équipe de Sedan.Il est remarquablement doué puisqu'il a tous ou presque les schémas de jeu dans la tête. Il devient indispensable et Vincent décide de le faire jouer dans le match contre Valenciennes pour lequel il entraîne son équipe.
Vincent, qui considérait Catherine comme une bourgeoise intellectuelle est de plus en plus troublé par la jeune femme. Elle vient régulièrement prendre des repas chez lui et Léonard semble épanoui.
Madeleine, elle, est entre les griffes d'un escroc qui utilise à seules fins mercantiles l'amour bien naïf qu'elle ressent pour lui. Dix jours ont passé. La soeur de Vincent vient chercher comme prévu Léonard et brise ainsi la sérénité du trio.
Léonard est parti. Personne ne sait où. Mais il a laissé son précieux carnet chez son oncle, son oncle qui a volontiers laissé s'effondrer son mur intérieur de protection.
Il faut s'arrêter là après avoir présenté ce qui fait l'intrigue du roman. Les relations familiales, même avec la mère de Vincent, vont être bouleversées.
Le style de Gillot est percutant. Les dialogues sont nombreux et nous donnent de véritables images des situations. le récit est conté à la première personne. Nous sommes, lecteurs, dans la peau de Vincent.
La description des personnages est bien ciselée. Pas de manichéisme.
L'histoire nous renvoie à notre propre vie, au respect de la différence et aussi à ce que nous avons de commun avec les êtres étiquetés comme différents. Nous avons tous besoin de pauses dans nos propres surfaces de réparation.
Pour les profanes, le football nous apparaît sous un aspect plus intéressant. On y voit un sport d'équipe. Cela fait plaisir d'avoir d'autres références que ce que nous montrent, trop souvent, hélas, les joueurs professionnels internationaux.
Pour finir, un seul bémol : l'enchaînement des rencontres, l'histoire en elle même est parfois incroyable, à tel point qu'elle n'en est plus toujours crédible.
Dans la "vraie vie", cinq contre un qu'un tel tableau a statistiquement peu de chances de se réaliser !
Trop de choses se déroulent de façon improbable, c'est à mon avis le point faible du livre. Tout est complexe, les personnages, les situations. J'aurais bien aimé un enchaînement à hauteur et donc plus vraisemblable.
Mais que cela ne freine personne. On prend du plaisir à lire Gillot, on apprend, on réfléchit. Il faut lire ce livre qui au-delà du contenu a un style propre, des dialogues toujours très vivants, beaucoup d'humour sous-jacent et une lecture intéressante en filigrane de notre société.
J'ai dévoré "
La surface de réparation", titre qui colle, bien sûr, on ne peut plus efficacement au livre.