Qu'est vraiment le genre feel-good ? Dans le langage courant, c'est censé être une lecture qui "fait du bien". En fait, c'est surtout une catégorie "fourre-tout", dans laquelle on peut trouver le pire comme le meilleur. Pour moi, l'important est la crédibilité de l'histoire, des personnages travaillés accompagnés par un style soigné. Peut-être ai-je trop lu de proses bâclées, téléphonées et caricaturales.
Ce livre est une agréable surprise avec bien des points positifs à son actif. Pas de misérabilisme en regard aux pathologies invitées dans l'histoire, pas de mièvreries attachées aux amourettes.
Delphine Giraud ne s'est pas perdue dans la facilité des ressorts habituels, mais offre à son lecteur une tranche de vie cabossée par des blessures si traumatisantes que le cerveau a préféré l'amnésie.
Connie va être confrontée à un passé douloureux dont elle a tout oublié. Lorsque ses souvenirs reviennent par bribes, la culpabilité débarque au triple galop, l'enserrant dans un remords de plus en plus étouffant, au fur et à mesure de ses découvertes. Difficile, dans ce contexte, de construire une vie équilibrée avant d'avoir chassé tous les fantômes qui hantent ses placards psychologiques.
Dans l'ambiance difficile, finement dessinée par l'autrice, j'ai énormément apprécié la façon dont elle parle du handicap, particulièrement de la tétraplégie. Ce roman fait partie des rares que j'ai lu, car il y en a quelques autres heureusement, qui accorde une vraie place à l'individu meurtri dans sa chair. Pas de légume inerte, encombrant et coûteux, puisque oui, le handicap est onéreux, comme une double peine infligée à l'invalide et à sa famille. Privé de mouvements et de paroles, Mat sait faire comprendre sa joie, sa crainte, sa contrariété ou son bonheur. C'est à son entourage d'être à son écoute.
Ce récit aurait pu être lourd, triste et pesant, il n'en est rien. Il pose un regard bienveillant et positif sur le problème délicat du handicap. L'épisode de la balade en bord de mer en est une parfaite illustration. Une excursion ludique de détente pour les valides devient presque une aventure de l'extrême pour une personne en fauteuil roulant et pour ses accompagnants. Alternant passé et présent, dans une intrigue savamment menée mêlant quête identitaire, relations familiales complexes, tolérance, dépression, secrets de famille et acceptation de soi,
Delphine Giraud donne une humanité altruiste à tous ses personnages, principaux comme secondaires, jusqu'à l'épilogue surprenant par une prise de parole aussi inattendue que justifiée.
J'ai aimé ce roman décrivant une situation difficile, bouleversant la vie de toute une famille. L'écrivaine donne à la tétraplégie les moyens de s'exprimer. Certains peuvent trouver le subterfuge un peu grossier, pour moi, il est lumineux et permet de regarder le handicap en face-à-face. le tétraplégique est considéré dans toute sa dimension humaine, autrement qu'une plante verte dépourvue de ressenti et, surtout, de sentiments.