Blanc
Le corps de la mère nue se révèle lentement sur la page, à la manière d'une image polaroïd. Les zones les plus contrastées d'abord, celles qui effraient les enfants, le noir du sexe, l'ombre des mamelons, les rondeurs habituellement cachées sous le vêtement, qui appartiennent à la vie nocturne, au lit conjugal. C'est une exposition obscène où le lecteur devient l'enfant face au corps sexué, regarde sa mère avec les yeux du père ou de l'amant dans une douloureuse transgression. Le blanc de la page oblige à fixer l'image, et cette image est une création intime ; c'est ma mère sur le blanc de la page.
Ailleurs, un visage à l'oeil mangé par un rat, l'autre ouvert frangé de cils, c'est un masque de film d'horreur porté par un être humain.
Ou bien la vision de la petite Marie, dont on sait seulement que la beauté aurait dû lui épargner le gaz. Un age blond émerge du papier,figure d'enfant à la douceur extrême qui prend les traits de ma fille, insoutenable projection.
Le blanc est de l'écriture, où se rencontrent Auschwitz et nos propres effrois.