« Collectionner des paysages » : quoi de plus exaltant !
Se rendre dans les chaumières et y dénicher des condensés de nature, trembler de désir devant une cascade de lumière, retrouver dans ces tableaux le décor de son enfance...
Jack en a fait son métier, il est dénicheur de tableaux et les vend. Activité lucrative s'il en est, car les peintres-paysagistes ont le vent en poupe et attirent les amateurs éclairés. Expositions, rencontres, ventes, tout cela aurait pu faire de Jack un homme heureux.
Mais Jack ne l'est pas. Il a dans le coeur un endroit caché, un domaine perdu au fond des Ardennes belges qui le hante. Il se souvient d'une demeure étrange, d'un domaine enchanté, et de l'ombre d'un homme dans son bel habit de chasseur. Il est insatisfait de sa vie dorée, taraudé par le désir de retour à la nature et par là-même à sa nature profonde, à la simplicité et à l'authenticité.
Par le hasard qui fait si bien les choses, par des rencontres pas si fortuites que cela, il renouera avec ses racines, mais à quel prix !
«
le maître de céans » est une autofiction du belge
Jacques Goijen. Lui-même collectionneur de paysages, il s'est inspiré d'éléments de sa vie et les a détournés.
Les peintres post-impressionnistes des Ardennes liégeoises, ceux de « L'Ecole liégeoise du paysage » l'attirent, et je le comprends car on est littéralement aspiré par l'atmosphère envoûtante de la nature. Et toute cette beauté, toute cette fraicheur, il la peint lui-même dans ses mots. Ah, ses descriptions des forêts, des rivières, des champs sous la brume ou le soleil, de ces mille détails qui font que l'on se sent heureux !
Et n'oublions pas les animaux. Car il y a, évidemment, les animaux. Les oiseaux, les sangliers et les cerfs... Jack est chasseur.
Jacques Goijen l'est aussi, et cela se sent. Moi qui ne me suis jamais intéressée à la chasse, j'ai suivi avec intérêt les descriptions de battues, d'affût. Et j'ai compris – même si je n'y adhère pas - l'instinct du chasseur qui veut s'approprier l'animal non par simple désir de tuer, mais par désir irraisonné de communier avec lui jusqu'à la mort.
«
le maître de céans » est aussi une réflexion sur l'être humain, sur sa place dans le monde, sur l'inanité de la vie civilisée soumise aux apparences et aux faux-semblants.
Jacques Goijen, à travers l'itinéraire de son personnage, lance quelques pistes de réflexion. Suis-je bien à ma place ? Comment arriver au fond de moi-même ? L'enfance enfouie en moi m'y aidera-t-elle ? Et l'amour, est-il épanouissant ? Qui suis-je, finalement ?
«
le maître de céans » est enfin une histoire, faite de personnages qui aiment et se déchirent. Et c'est là que je n'ai pas adhéré. Je me suis distanciée de Jack et de ses inquiétudes, de ses démêlés avec ses congénères, et même de ses amours. J'ai été agacée par l'écriture à la troisième personne, trop « explicative » et trop répétitive, il m'aurait fallu plus de liberté pour imaginer... Et ceux qui me connaissent savent que la façon dont les idées et les sentiments sont peints est aussi importante pour moi que le contenu.
En fermant ce livre, il me reste le souvenir d'une belle rencontre, celle avec la nature de mon pays que j'adore, avec les tableaux de ses paysages doux et sauvages, et avec l'auteur lui-même, ouvert et sensible. Merci à lui pour cet échange et ce cadeau.